Chapitre 20

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Je m'attendais à être conduite dans une prison, ou dans une pièce sordide avant d'être ligotée, mais je fus surprise de constater que le chef m'emmenait dans son bureau.

Une fois à l'intérieur, les deux gardes fermèrent la porte et s'y postèrent, probablement pour empêcher toute fuite.

— Asseyez-vous, je vous prie.

— Je vais rester debout, merci.

La politesse était évidemment feinte, tant de son côté que du mien, cela se sentait.

Ma réponse lui fit lever les yeux vers moi à l'instant où il allait lui-même s'asseoir sur son fauteuil. Il suspendit son geste.

— Je vais vous le redemander une seconde fois, asseyez-vous, s'il vous plaît.

— Et je vais vous répondre une seconde fois, je suis très bien debout. Qu'est-ce qu'il se passe, je vous mets mal à l'aise ?

Un ricanement lui échappa et il fit un signe de la main. L'une des sentinelles me força à m'asseoir. Je lui lançais un regard mauvais, c'était Axel, et je ne sus déchiffrer l'expression sur son visage et son léger haussement de sourcils. Il recula d'un simple pas, et restait donc proche de moi tandis que son collègue gardait toujours la porte.

Après cela, je restais silencieuse. Pas par intimidation ou quoi que ce soit d'autre. Mais il m'avait forcée à venir, alors il allait parler. Ce n'était pas à moi d'engager la conversation, je n'allais pas lui faire cet honneur. Après un long moment, qu'il passa à faire tournoyer le liquide ambré contenu dans le verre qu'il venait de se servir, il me demanda :

— Vous plaisez vous ici mademoiselle ?

— Je ne suis pas très maisons troglodytes. Je préfère l'extérieur et le soleil.

— Est-ce pour cela que vous disiez à vos compagnons que vous deviez partir immédiatement ?

— En effet. Je suis gravement en manque de vitamine D. Quand je me suis observée un peu plus tôt dans la journée, je me suis rendue compte que mon bronzage s'estompait. Et ça m'a fait réagir, vous comprenez, je ne pouvais pas perdre une chose aussi durement acquise !

Un léger souffle se fit entendre du côté d'Axel, si faible que je fus probablement la seule à l'avoir entendu. Venait-il de se retenir de rire ? Le chef leva les yeux vers moi pour jauger mon sérieux. Je restais stoïque. Il savait probablement que mon métissage était naturel, après tout il suffisait de voir mon père pour le comprendre, mais mon manque de vitamine D était réel. Si au début j'avais aimé la beauté de ces lieux, j'en étais vite revenue et l'air pur et l'extérieur me manquaient. Joseph but une gorgée de son alcool en gardant les yeux rivés sur moi. Il espérait m'intimider ? Sérieusement ? Il y avait encore du boulot, j'avais vu pire.

— Vous ai-je donné une raison de repousser notre hospitalité ?

— Vous voulez dire à part nous avoir enlevés, nous avoir bridés dans notre présence ici et avoir à peine subtilement refusé de nous laisser repartir d'ici après que nous vous l'ayons pourtant gentiment demandé ? Non, à part ça je ne vois pas, vraiment.

— Vous avez pourtant retrouvé votre père, ici, n'est-ce pas une raison suffisante de rester ?

— C'est une raison, en effet, mais pas suffisante. Et il le sait parfaitement. Bien que je sois heureuse d'avoir pu avoir un moment avec lui, j'ai autre chose de plus important à faire à la surface.

Sans répondre, il se leva après avoir fini son verre, il vint se poster face à moi, s'appuyant contre le bureau. De cette position, il me dominait et il le savait, c'est l'effet qu'il voulait avoir. Mais il ne m'impressionnait toujours pas. J'avais depuis notre rencontre des doutes sur lui, et je savais parfaitement ce qu'il faisait ici, et ces derniers jours avaient suffisamment pu attiser ma rage contre lui, contre cette communauté.

Sin'Meyah, Tome 3 : Au coeur de la TerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant