Chapitre 27

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Les heures qui suivirent, ou jours, furent intenses. Ils venaient nous chercher toutes les cinq ou six heures environs, difficile de savoir exactement. Et ils nous emmenaient chacun notre tour, à deux heures d'intervalle. En gros, ils ne s'arrêtaient jamais. D'abord Ulric, puis Byron et enfin moi. Tout se répétait inlassablement. Ils nous emmenaient dans la même salle que la première fois, scannaient notre implant, nous attachaient, nous injectaient le sérum, puis nous ramenaient dans nos cellules.

Même si ce dernier n'agissait pas sur mon libre arbitre, il m'atteignait tout de même. J'étais usée jusqu'à l'os, nauséeuse, je ne parvenais plus à manger, tout autant que mes compagnons, sans parler de tenir debout. Je tremblais de froid, tout en me sentant dégoulinante de sueur. Mes nerfs étaient à vif. Une migraine lancinante m'avait touchée dès la seconde fois, et ne m'avait pas lâchée depuis. Mais au moins mon esprit était le mien... Je ne pouvais pas en dire autant de mes amis.

Au fil des séances, je les avais sentis s'éloigner de moi. Ils me parlaient peu. Surtout Byron. J'arrivais encore à avoir quelques conversations — même simples — avec Ulric en l'absence de mon capitaine, mais avec ce dernier, c'était compliqué. Il se renfermait et cela me touchait grandement. Lorsque j'essayais de l'atteindre, soit il m'ignorait, soit il était distant, soit il était tendu. J'avais tenté de me reconnecter à lui par le biais de notre lien, que je sentais heureusement toujours. Il était ténu et faible, mais toujours là. Sauf que Byron me bloquait l'accès à lui la plupart du temps, et je ne savais même pas dire si c'était volontaire ou si c'était le sérum qui lui faisait cet effet. Et j'étais impuissante face à cela.

Je passais mon temps à me demander quand viendraient les secours. Nos amis. Notre famille. Mais rien ni personne ne vint nous secourir. Cela devait faire presque deux jours qu'ils avaient commencé les traitements sur nous. Que foutaient-ils ?

Byron venait d'être emmené à son tour et je me glissais jusqu'au mur, comme à mon habitude, non loin des deux autres cellules. Etonnamment, je me sentais mieux quand j'étais proche d'eux, d'Ulric en l'occurrence en cet instant. Et bien que différent, il avait pris l'habitude de venir s'asseoir de l'autre côté du mur, non loin.

— Comment te sens-tu ? lui demandai-je dans un souffle.

— Je vais bien.

C'était ce qu'ils me répondaient toujours tous les deux, et dans le ton de leur voix, je savais qu'ils le pensaient. Ce sérum leur ôtait la possibilité d'aller mal. Presque comme s'ils étaient ravis de ce qui leur arrivait, ou du moins qu'ils l'acceptaient, trouvaient ça normal. Depuis les deux dernières séances, j'avais arrêté de leur parler de nos amis, ils ne me répondaient pas. Si au début ils me rassuraient en me disant de leur faire confiance, maintenant c'était presque comme s'ils avaient oublié. Joseph était en train de réussir son coup et ça me tuait de m'en rendre compte. Je soupçonnais que s'ils captaient encore ma présence, ou ne m'oubliaient pas totalement, c'était uniquement parce que j'étais constamment près deux, en perpétuel rappel pour leurs esprits embrumés.

Je ne posais pas plus de question à Ulric, et posais ma tête sur la pierre. Une larme coula sur ma joue et je ne pris même pas la peine de la sécher. Dans ma tête tournaient tout un tas de scénarios. Qu'étaient-ils en train de faire à Byron ? De nous trois, il était clairement le plus atteint par les traitements. J'avais fini par en déduire qu'ils forçaient la dose le concernant, ou qu'ils ne lui faisaient pas que ça. Ulric semblait lutter un peu plus contre le sérum. Je savais que j'avais encore le vrai Ulric, pas trop loin sous la surface, et qu'il y avait encore une chance de le sauver. Mais j'en étais de moins en moins certaine pour Byron. Face à ce constat, de nouvelles larmes s'échappèrent et je ne pus retenir le sanglot qui les accompagna. Si j'avais voulu être discrète, c'était foutu. Un léger sursaut m'échappa quand je sentis quelque chose me toucher le bras. Ulric. Ou plutôt sa main. Tendue non loin, elle m'invitait. Sans réfléchir, j'y glissais mes doigts. Les siens se refermèrent. Il m'apportait un réconfort, sans mots. Juste ta présence. Et malgré tout ce qui avait pu nous opposer jusqu'ici, je me raccrochais à lui. Il me montrait qu'il était là. C'était toujours lui, pour l'instant. Luttant contre tout un tas d'instincts, mais présent.

Sin'Meyah, Tome 3 : Au coeur de la TerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant