CHAPITRE 18

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Sam

Je ne sais pas si c'était finalement une bonne idée de proposer cette affaire à Dean et Bobby. Je ne suis pas non plus mécontent, mais je vais devoir passer quelques jours seul avec Juliette, à l'abri des regards.
Voilà une heure maintenant que je la regarde écrire dans un cahier à la reliure en cuir. Je suis en train de faire des recherches pour mon frère, mais je dois avouer que j'ai du mal à me concentrer. Mes yeux sont rivés sur elle, qui semble concentrée. De temps en temps elle glisse le bout de son stylo entre ses dents en tournant la tête vers la fenêtre, et je déglutis. Je dois faire appel à toute ma bonne volonté pour ne pas sauter de mon siège pour... Pour faire quoi au juste ? Me précipiter vers elle pour l'embrasser ? Quitter la pièce quitte à attirer son attention ? Je l'ignore.
Je prends une grande inspiration et détourne mon regard avant de me lever pour me servir une tasse de café.
— Juliette ?
Elle tourne les yeux vers moi, et me regarde avec attention. Ses yeux noisettes me traversent et me clouent sur place. J'en viens même à me demander, pendant quelques secondes, pourquoi je l'ai appelé.
— Tu veux une tasse de café ?
Un sourire se dessine sur ses lèvres et elle hoche la tête.
— Je veux bien, merci.
Elle accroche son stylo à une boucle spéciale attachée au cahier, et le referme avant de le poser à côté d'elle.
Je me racle la gorge et lui tourne le dos pour ne pas la regarder plus longtemps.
— Que fais-tu depuis tout à l'heure ?
— Je fais des recherches pour Dean et Bobby. Comme ça ils auront déjà quelques pistes sur ce à quoi ils ont affaire.
— Alors vote job consiste aussi à ça, murmure-t-elle pensive, à quelques centimètres de moi.
Surpris de ne pas l'avoir entendu approcher, je me tourne vers elle et la regarde avec surprise.
— Désolé, je pensais que tu m'avais entendu, s'excuse-t-elle.
Elle a remarquée ma surprise... Elle est vraiment observatrice. Elle m'impressionne.
— Ce n'est rien.
Elle me sourit avant d'appuyer sa hanche contre le plan de travail, pour me faire face.
— Donc vous devez quand même agir pour de vrais enquêteurs quand vous êtes sur une affaire.
— Oui. Il faut absolument que nus enquêtions. Pour on en apprend sur ce à quoi on a affaire, plus on a de chance de l'identifier avant qu'il ne nous arrive des bricoles.
— Comment tu as fais pour te faire attraper par ces goules ?
Je lui tends la tasse de café que je viens de réchauffer et lui tends la sucrière. Elle refuse poliment en secouant la tête, attentive à mes paroles.
— En fait, nous nous sommes faits avoir. Nous étions impliqués émotionnellement et n'avons pas eu assez de recul. Nous venions de découvrir que nous avions un frère, et comme sa mère avait été tuée par un monstre, il était impératif qu'on protège Adam.
— Mais vous ne vous doutiez pas que ce n'était pas lui.
Je grimace en l'entendant faire la bonne déduction.
— Nous avons été induits en erreur en réalité. Les goules ne se nourrissent en général que de chair de cadavres. Là, on avait affaire à des créatures qui se nourrissaient de chair fraîches. Nous ne nous doutions pas qu'ils pouvaient de régime alimentaire. En fait, Adam était mort depuis longtemps, mais ils voulaient se venger de notre père.
— Je suis désolée que vous n'ayez pas pu connaître votre frère.
— Dans le fond, je pense que c'est probablement mieux ainsi. Si nous l'avions connu avant, nous ne l'aurions pas supportés si nous l'avions perdus. Et si ça se trouve, ils sans doute plus heureux là où il est.
Elle pose une main sur mon bras d'un air compatissant, et le frotte légèrement. Je me fige quelques secondes avant de tourner les yeux vers elle. Je ressens alors comme une furieuse envie de l'embrasser. Tant pis si elle n'est pas Ruby. Tant pis si elle ne m'apporte pas le sans démoniaque dont j'ai besoin pour être assez fort pour exorciser des démons.
Je me détourne alors, pour ne pas céder, et prends une grande inspiration avant de m'installer sur la chaise.
— Et toi, tu faisais quoi ?
— Ah... murmure-t-elle en forçant un sourire, avant de tourner les yeux vers le cahier qu'elle a laissé sur la banquette à côté du bureau de Bobby. J'écrivais dans mon journal intime.
Je hausse les sourcils de surprise.
— Tu tiens un journal intime ?
— Oui, chaque jours depuis la mort de Lachlan.
Elle baisse les yeux sur sa tasse en forçant un sourire.
— Je sais que ça peut paraître idiot, parce que je sais qu'il n'est plus ici. Pourtant quand je me confie dans ce journal, c'est comme si je me confiais à lui.
Je souris en coin. Comment une fille aussi douce et innocente, pourrait devenir un Chasseur ? Je ne doute pas de ses capacités. Loin de là. Surtout que ce matin elle m'a impressionnée à aller au bout de ce qu'elle avait entrepris, malgré sa fatigue évidente. Elle a de la détermination à revendre. Mais comment arriverons-nous à nous regarder dans un miroir, si jamais cette douceur disparaissait ? Notre univers l'aura pervertie en quelque sorte.
— Si ça te permet de te sentir mieux, alors je ne vois pas en quoi ce serait idiot.
Un nouveau sourire se dessine sur ses lèvres avant qu'elle n'avale une gorgée de café. Puis, voyant que nous n'avions plus grand-chose à dire, elle s'éloigne en me regardant en coin. Et une fois que son journal est ouvert sur ses jambes, elle se remets à écrire d'un air concentré.
Je prends une grande inspiration. Il faut que je m'échappe d'ici pour résister un peu. J'ai besoin de faire le vide dans on esprit autrement, je ne sais pas ce que je pourrais faire avec la jolie brune qui se retrouve seule avec moi dans cette maison.
— Je vais nous chercher de quoi manger. Tu veux quelque chose de particulier, ou comme moi ?
— Si tu penses à de la salade, alors je mangerais comme toi, sourit-elle en levant les yeux de son journal. Tu veux que je t'accompagne ?
— Non, ne t'ennuie pas. Je n'en aurais pas pour longtemps.
Une expression de curiosité traverse les traits de son visage, mais elle reste silencieuse.
— Je fais vite. Et toi tu restes ici. Tu ne bouges pas de la propriété.
— Je ne vois pas trop où je pourrais aller...
J'obtempère, bien que je me sente coupable de la laisser toute seule dans une maison qu'elle ne connaît pas.
Je me lève de ma chaise et quitte rapidement la maison après avoir salué Juliette. Je monte dans une des voitures que Bobby a laissé à notre disposition et démarre avant de m'éloigner de la maison.
Je ne sais as ce qui me prend. Jusqu'à maintenant, je pensais que mes sentiments pour Ruby me suffisaient. Je pensais que c'était ce que je voulais. Mais malgré ce que je commence à éprouver pour Juliette, je sais que j'ai besoin de Ruby. J'ai la sensation que quelque chose nous unit elle et moi. Au-delà de son sang.
Je me gare sur le parking d'un restaurant et coupe le moteur avant de prendre une grande inspiration, puis envoie un message à Ruby. Lorsqu'il est notifié « envoyé », je descends de la voiture et vais commander les salades.
Je ne sais pas ce qui me prend de laisser Juliette toute seule alors qu'elle serait en danger si jamais on était attaqué. Bien que l'endroit soit protégé, je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour elle.

Ruby n'a pas répondue à mon message et ne s'est pas présentée. Je suis rentré chez Bobby et j'ai croisé le regard brillant de Juliette et le sourire affiché sur son visage. Je ressens alors un peu de culpabilité d'avoir voulu la laisser seule pour boire le sang de Ruby.
— Tu as fais vite !
— Il n'y avait presque personne, souris-je en retour en posant le sac de provision sur la table de la cuisine.
Elle se lève aussitôt de l'endroit où elle était assise, et me rejoint rapidement.
— En tout cas, les salades ont l'air bonne.
— Oui, j'ai déjà mangé des salades dans ce restaurant, et elles sont bonnes. L'avantage c'est que tout est frais. Pas de conserve ou quoi que ce soit d'autre. Que du naturel.
Elle hoche la tête en écoutant attentivement et prend la boîte que je lui tends. Elle me remercie avant d'attraper des assiettes et des couverts qu'elle dispose sur la table et va chercher deux bières dans le frigo.
Nous nous installons ensuite à table et partageons notre repas en discutant joyeusement de choses et autres comme si nous nous connaissions depuis toujours. Je découvre alors une toute autre personne. Une jeune femme amusante qui sait rire et qui a de l'humour. Et je ne m'étais pas trompée sur elle. Elle est vraiment intelligente. Alors nuls doutes qu'elle découvrira ma part d'ombre. Nuls doutes qu'elle deviendra une Chasseuse douée et redoutable. Elle a envie d'apprendre. Je le vois à sa manière de parler des cours qu'elle fait, de tout ce savoir qu'elle a amassée et de la passion avec laquelle elle en parle. Et je le constate d'avantage lorsqu'elle parle de ce qu'elle a lu la veille.
— Tu as retenue toutes ces informations ? m'étonné-je en haussant les sourcils.
— J'ai une excellent mémoire, m'avoue-t-elle d'une voix timide. Je retiens tout ce que je vois ou entends.
— Ça doit être cool, souris-je.
— Pas vraiment parfois. Parce que qui dit une bonne mémoire, implique aussi des cauchemars aux détails pointilleux. Je n'occulte aucun détail bien malgré moi.
Elle pose sa fourchette sur la table en soupirant, et prends une gorgée de bière avant de regarder le goulot.
— Toutes les nuits, je voyais mon frère mourir. Cette lueur s'éteindre dans son regard. Toutes le nuits, je vois ces dents apparaître devant mon visage.
Elle frissonne en fronçant les sourcils, les larmes aux yeux. Notre conversation a prise une nouvelle tournure. Elle se livre. M'avoue ce qu'elle n'a jamais dit. Son angoisse profonde.
— Ce regard froid et affamé qui me regardaient, et le visage disparaître de mon champs de vision avant que ses dents ne se plantent dans ma chair. La douleur se répandre à travers tout mon corps, tandis que mon sang gicle sur mes vêtements.
Une larme roule sur sa joue, et je ne peux m'empêcher de lui prendre sa main libre abandonnée sur la table. Elle me laisse faire, comme si elle n'étais plus là.
— Je sens la vie me quitter. Mais quand je me réveille, la douleur est toujours là pendant les premières minutes. Elle se répand dans tout mon corps avant que je ne réalise que je me suis réveillée.
Je n'avais pas réalisé à quel point ces cauchemars étaient douloureux pour elle. Je n'avais pas réalisé à quel point elle était torturée à cause de ces cauchemars.
— Ça ira Juliette. Je te promets que je t'aiderai à trouver un moyen de ne plus faire ces cauchemars. Je te promets que ça ira mieux.
Elle lève les yeux vers moi et soupire avant de poser sa bouteille de bière.
— Comment peux-tu me faire une telle promesse, alors que tu ne sais pas comment t'y prendre ?
Je suis à court de mots. Je ne m'attendais pas à une telle question. Je ne sais pas comment la rassurer plus que ça, alors que je sais qu'elle a raison.
Face à mon silence, elle sourit légèrement avant de reprendre sa main qu'elle place sur ses genoux.
— Ne t'en fais pas. Je sais que tu veux m'aider. Et j'apprécie. Vraiment.
Je reprends lentement ma main en soupirant.
— Je vais m'y faire. Ne t'en fais pas.
Je la regarde silencieusement et soupire. Ça en revanche, je sais qu'elle n'y arrivera pas. Je n'y suis pas arrivé après la mort de Jennifer. 

Destiny Tome 1 : Choisis-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant