CHAPITRE 24

201 9 2
                                    

Juliette

    Enfermée dans ma chambre, je regarde les voitures passer devant la propriété de temps en temps. Assise la tête de mon lit, je me suis blottie contre mes jambes en les entourant de mes bras. Je n'en reviens pas qu'ils aient enfermés Sam dans cette... cette cage.
     Je suis descendue une fois au beau milieu de la nuit pour aller le voir. Mais Bobby veillait et m'a empêché de m'y rendre. Je ne pouvais pas le voir.
     Des coups sont donnés à ma porte. Mais je ne réponds pas. Je me contente de regarder silencieusement par la fenêtre. La porte s'ouvre et se referme un instant plus tard. Des pas se rapprochent de moi, et le matelas s'affaisse à quelques centimètres.
     — Comment tu te sens ?
     — Comme quelqu'un qui a vue un homme se faire enfermer dans une cage... marmonné-je.
     — Je t'ai apporté à manger.
     Il pose une assiette à côté de moi, mais je l'ignore.
     — Que voulait dire Sam quand il te promettait de ne plus revoir Ruby si tu lui ouvrais ?
     Je fonce les sourcils et tourne la tête vers le Chasseur.
     — Que voulait-il entendre par-là ?
     — Tu te souviens de la fois où j'ai dit que j'avais fait du footing dans les bois.
     — Tu veux plutôt parler de la fois où tu as prétendue avoir fait du footing. Tu ne croyais quant même pas que je t'avais cru.
     Je hausse les épaules en soupirant.
     — Que s'est-il vraiment passé Juliette ?
     Je pince les lèvres avant de soupirer.
     — Ok... dans la matinée, Sam m'a emmené dans un champs pour m'entraîner au tir. Jusque-là, tout allait bien. Et puis il a reçu un message et il a changé. Il est devenu distant. Il a prétendu qu'il avait oublié qu'il devait retrouver quelqu'un et il m'a ramené ici. J'ai senti qu'il mentait pour ce rendez-vous tombé du ciel. Alors quand il est parti, j'ai pris le véhicule de Bobby et je l'ai suivi. Il s'est arrêté dans un chalet et il y avait un démon avec lui.
     — Tu l'as reconnue à son apparence...
     — Sam vous en a parlé ? m'étonné-je en fronçant les sourcils.
     — Castiel nous a dit que tu le voyais tel qu'il est vraiment. Mais je comprends mieux comment Sam est au courant pour les démons.
     — Il buvait son sang, Dean ! Le sang d'un Démon ! Et il était... il était... intime avec elle !
Dean soupire en hochant la tête. Je fronce les sourcils en le regardant.
     — Je pensais au début que Chuck avait inventé ça pour mieux vendre. Un Chasseur qui se lie intimement avec un Démon et bascule dans les ténèbres... Il y a toujours ce genre de triangle dans ces romans fantastique à l'eau de rose... Je suis tolérante sur beaucoup de chose. Mais là...
     — Un triangle ? s'étonne Dean en haussant un sourcil.
     Surprise d'en avoir trop dit, je fronce les sourcils et détourne le regard.
     — Je savais qu'il y avait quelque chose entre vous.
     — Tu fais erreur ! m'exclamé-je en me tournant vers lui. Il a été clair à ce propos, il ne se passera jamais rien entre lui et moi. Alors tu peux dormir sur tes deux oreilles.
Dean soupire en plissant les yeux.
     — Bobby m'a dit que tu avais essayé d'aller le voir cette nuit. À deux reprises. As-tu l'intention de le libérer ? Dois-je m'inquiéter ?
     — Non. Tout ce que je voulais, c'était le voir. C'est tout. M'assurer qu'il aille bien.
     — Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ?
     — Il a fait une promesse que je sais ne tiendra pas.
     — Celle de ne plus revoir Ruby si jamais tu le libérais ?
     Je hoche la tête silencieusement.
     — Je ne sais pas quoi te dire qui te remonterait le moral Juliette, soupire Dean. J'aimerai pouvoir te dire qu'il changera, qu'il redeviendra lui-même... mais la vérité c'est que je n'en sais rien.
     — Ne t'en fais pas. Ceci-dit, j'envisage de me mettre à la chasse toute seule.
     — Je comprends. En plus, Bobby m'a dit que tu t'en étais remarquablement sortie avec l'exorcisme.
     Je ne peux m'empêcher de sourire en coin.
     — C'est justement l'une des raisons de ma visite ici. J'aurais préféré faire ça avec Sam, mais comme il est quelque peu indisponible en ce moment...
     Dean attrape une boîte qui était dissimulée derrière lui, et me la tend. Je fronce les sourcils en la prenant, et lève les yeux vers le Chasseurs.
     — Qu'est-ce que c'est ?
     — Une tradition. Lorsqu'un Chasseur est prêt à Chasser seul, nous lui offrons une arme. La sienne.
     — Sérieux ?
     — Oui. Ouvre.
     Abasourdie, je me mords la lèvre inférieure avant d'ouvrir le coffret en bois. Je vois alors un pistolet argenté avec une crosse surmontée de plaques en ivoires. Elle est simple, et pourtant je la trouve vraiment à mon goût.
     — Tu es sérieux ? C'est vraiment pour moi ?
     — Absolument. Pour ce qui est des munitions, on te donnera quelques adresses de Chasseurs qui ont de quoi nous fournir. Ne t'en fais pas. Tu es un Chasseur maintenant. Elle est à toi. Pour le reste, tu apprendras par toi-même au fur et à mesure de tes enquêtes et de tes recherches.
     — D'accord.
     — Mais n'oublie pas. En cas de besoin, n'hésites surtout pas à contacter d'autres Chasseurs pour te venir en aide. S'il y a besoin de renforts, vaut mieux en demander que faire cavalier seul et y laisser la vie.
     — Je n'oublierai pas Dean.
     — Parfait.
Il se lève et commence à s'éloigner pour quitter la chambre.
     — Comment tu vas ?    
     Il s'immobilise, avant de se tourner vers moi, surpris.
     — Comment ça, comment je vais ?
     — Tu viens d'enfermer ton frère dans un sous-sol...
     — Un bunker anti-démon.
     — Peu importe comment ça s'appelle. Tu viens d'y enfermer ton frère à contre coeur pour commencer une cure de désintoxe de sang démoniaque. Alors je veux savoir comment tu vas.
     — C'est dur, soupire-t-il. Mais le plus à plaindre c'est Sam. Et si... et si tu descendais ? C'est toujours mieux que rester seule.
     Je soupire en tournant les yeux vers la fenêtre avant de hocher la tête silencieusement. Il a raison. Je ne devrais pas rester seule. D'autant que les cris de Sam commencent à se faire entendre dans toute la maison.
     — D'accord.
     Je prends l'assiette que m'a apporté le Chasseur et le suis jusqu'au rez-de-chaussée. Bobby, installé derrière son bureau, sert trois verre de whisky.
     — Non, je n'en bois pas. Merci quand même.
     — Crois-moi. Ça te fera du bien, insiste le Chasseur.
     Hésitante, je prends le verre en le remerciant, et vais m'installer près de la banquette contre la fenêtre. D'ici, les cris de Sam sont encore plus forts.
     — Combien de temps ça va durer ? demande Dean à l'adresse de Bobby en prenant le verre qu'il lui tend.
     — Eh ben je vais jeter un œil à mon manuel de désintoxe démoniaque ! réplique ce dernier en posant son verre après en avoir prit une gorgée. Oh c'est bête ! Personne n'en a jamais écrit !
     J'avale une gorgée de whisky en grimaçant tellement ça brûle la gorge. Ce n'est pas le genre de chose que je boirai souvent.
     — Impossible de dire le temps que ça va prendre... reprend le Chasseur après avoir soupiré. Ou encore si... Sam va s'en sortir vivant...
     Je tourne les yeux vers lui en fronçant les sourcils, me désintéressant complètement de la brûlure au fond de ma gorgée, provoquée par le liquide ambré dans mon verre.
     Le téléphone de Bobby sonne alors, interrompant cette discussion. Le Chasseur avale le contenu de son verre, et se lève.
     — Allô ? répond-t-il après avoir décroché.
     Dean lui tourne le dos pour lui laisser de l'espace.
     — Vas te faire foutre Rufus. Si tu m'appelles encore, je te tuerai, déclare Bobby avant de raccrocher, attirant l'attention de Dean.
     Je hausse les sourcils, surprise. Qui est Rufus ? Manifestement, les deux hommes ne doivent pas trop s'apprécier.
     — Il se passe quoi avec Rufus ? le questionne Dean, tout aussi surprit.
     — C'est entre lui et moi.
     La téléphone sonne une nouvelle fois, faisant soupirer le vieux Chasseur qui décroche une nouvelle fois.
     — J'suis occupé tête de nœud ; vaut mieux que ce soit important.
     Il se fige alors, surprit, avant de tourner les yeux vers Dean.
Sentant que je suis de trop, je me lève discrètement et ouvre la porte menant au sous-sol avant de m'asseoir dans les escaliers pour que Sam ne m'entende pas.
     — Je suis en train de devenir fou... je l'entends dire, en parlant tout seul. Qu'est-ce que tu veux ?
     Je me sens mal pour lui. J'aimerai pouvoir lui montrer mon soutiens. Mais en même temps, je ne sais pas si c'est une bonne idée.
     — J'ai essayé. Je te le jure ! J'y suis pas arrivé. J'suis désolé.
     Je fronce les sourcils. À qui pense-t-il parler, pour être aussi désolé ?
     — Arrête ! Ils ont tués Jessica !... Oui, je sais...
     Sa voix semble tendue.
     — J'en suis désolé. Je t'assure. Mais on a rarement la chance de vivre la vie dont on rêvait quand on avait quatorze ans. On n'avait aucune chance d'être normal. On pouvait pas y échapper. Grandis un peu.
     Je fronce les sourcils. Se pourrait-il qu'il se parle à lui-même ? Il a raison. Quand j'avais quatorze ans, je rêvais d'être journaliste. Mais la mort de mon frère quelques année plus tard, m'a placée sur une nouvelle voie.
     — Tu veux faire quoi ? intervient tout à coup Dean d'une voix irritée, depuis l'autre pièce. Tu veux sacrifier la vie de Sam, et son âme pour le bien de l'humanité ?
     Je me lève et remonte les marches pour mieux entendre leur conversation.
     — C'est ça que tu veux ? On va tous y passer, alors utilisons-le comme une arme de destruction massive ?
     — Écoute... soupire Bobby d'une voix lasse. Je sais que tu m'en veux de penser à ça... en tout cas moi je m'en veux de le faire. Vous êtes comme des fils pour moi. Tout ce que je veux dire... c'est que s'il se trouve ici maintenant, et pas sur le champs de bataille, c'est peut-être parce qu'on l'aime trop.
     Je tourne la tête vers le bas des marches. Je dois avouer que je suis tentée d'aller voir Sam. Je prends une grande inspiration, et descends les marches lentement. Est-il en train d'halluciner en ce moment même ? Est-ce que je prends un risque en allant le voir ?
     Je longe le couloir et m'arrête devant la porte avant d'ouvrir la petite visière.
     — Sam ?
     Il est assit au sol contre son lit, et fait face à la porte.
     — Pourquoi tu es là ? Tu es venue te réjouir du fait que je ne pourrais pas revoir Ruby ou boire à nouveau du sang ?
     — Tu sais bien que ça ne me réjouis pas de te voir enfermé là-dedans.
     — Alors sors-moi de là.
     — Je ne le ferais pas non plus. Je regrette.
     — Dans ce cas, fiche le camps.
     Une boule se forme dans ma gorge. Il ne m'avait jamais parlé de cette manière.
     — Je suis venue pour te dire qu'il faut tenir le coup, Sam. Fais-le pour ton frère. Pour Bobby. Ils tiennent à toi.
     — Laisse-moi deviner la suite. Fais-le pour moi, parce que tu sais que je me suis attaché à toi et que j'aimerais que tu me choisisses parce que je suis tout bêtement tombée amoureuse de toi comme une pauvre fille stupide qui n'a pas de vie ?
     Je hausse les sourcils de surprise. Ce n'est pas Sam... Ce n'est pas possible. Il ne peut pas être comme ça avec moi.
     — Tu ne le penses pas.
     — Bien sûr que si Juliette. Et tu veux que je te dise ? Ruby vaut cent fois mieux que toi. Elle me rend plus fort.
     Je recule d'un pas, les larmes aux yeux.
     — Je ne veux pas de toi ici. Alors dégage.
     Je hoche tristement la tête.
     — D'accord... C'est comme tu veux Sam. J'espère que tu te rétabliras vite.
     Je referme la petite trappe et fais demi-tour.

Destiny Tome 1 : Choisis-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant