CHAPITRE 55

125 10 0
                                    

Sam

Nous sommes dehors en train de vérifier l'état de la voiture mon frère et moi, mais je n'arrive pas à me concentrer. Je ne cesse de repenser à Juliette et la peur que j'ai ressenti lorsque je l'ai vu entre les mains de ce démon dans la chambre de motel. Sans compter son expression choqué lorsque je me suis tourné vers elle, le visage en sang. Je ne m'en préoccupais à ce moment-là. Tout ce à quoi je pensais, c'était assouvir la soif de sang de démon qui me torturait.
Il y a aussi ce moment où je suis allé dans ce drive-in pour éliminer ces démons et Famine. Elle se trouvait derrière Dean qui lui servait de bouclier contre moi. Étais-je à ce point effrayant pour en arriver à protéger Juliette de cette façon ? Elle voulait me rejoindre. Ça ne fait aucun doute. Elle n'a pas hésité à le faire lorsque j'ai détruit Famine. Et j'aurais pu en rester là, après avoir éliminé les démons. Mais j'étais tellement en colère qu'ils l'aient enlevé et que l'un d'eux la retienne captive, que je n'ai pas pu m'en empêcher. Et je savais que si je ne m'occupais pas de Famine, il s'en prendrait à elle lui aussi. Je ne savais pas pourquoi il voulait tant la rencontrer alors qu'il ne savait pas qui elle était. Mais j'ai tout compris lorsque je l'ai appelé ce matin.
Je n'en reviens pas que Lucifer souhaite la rencontrer. Et je n'imaginais pas qu'il s'en prendrait à la mère de Juliette pour avoir des informations sur elle. Nous qui croyions au départ que ce n'était que l'œuvre de démons voulant en savoir plus sur elle, je suis resté sur le cul d'apprendre qu'ils avaient été envoyés par Lucifer en personne. Et dire qu'elle doit enquêter sur la mort de sa propre mère et regarder les rapports détaillés de la scène de crime et de la victime... Je me sens mal pour elle.

— La Terre à Sam ! intervient tout à coup la voix de mon frère, tandis qu'une main passe devant mes yeux.
Je cligne des yeux sous la surprise, et les tourne vers mon frère qui fronce les sourcils d'inquiétude.
— T'es avec moi ?
— Oui désolé. J'étais perdu dans mes pensées. Qu'est-ce que tu disais ?
Dean plisse les yeux avant de s'essuyer les mains pour attraper une nouvelle bière fraîche.
— Je disais qu'on devrait probablement rejoindre Juliette à Adrian.
— Je pensais justement à elle. Mais si tu veux mon avis, je pense qu'on devrait la laisser faire ça toute seule.
— Tu veux qu'elle enquête seule sur la mort de sa mère ? s'étonne mon frère avant de me tendre la bière qu'il vient de décapsuler.
— Je ne te dis pas que c'est de gaieté de coeur, mais si elle voulait que l'on vienne, elle aurait accepté notre aide. Et puis entre moi qui lui ai sorti cette connerie d'oublier cette nuit qu'on a passé ensemble, et toi qui l'a expédié à plus de neuf-cents kilomètres de nous... elle n'a peut-être pas envie de nous voir pour le moment.
— Je lui ai présenté mes excuses je te signale.
— Je ne dis pas le contraire... soupiré-je. Mais on connaît Juliette. Quand elle décide de partir de son côté, c'est parce qu'elle ne nous supporte plus. Et on ne peut pas dire que l'on se soit conduit comme des gentlemans avec elle.
— Ce n'est pas comme si je l'avais déjà été. Elle connaît mon caractère. Elle sait comment je peux me montrer avec elle. Et puis je pensais qu'on s'entendait bien tous les deux.
— C'est probable, certains même, mais pas depuis que tu l'as envoyé en Oklahoma.
Dean soupire avant de prendre une gorgée de bière, tout en s'appuyant contre sa voiture. Je vois bien qu'il est contrarié qu'elle ne soit plus là, et qu'il regrette son geste. Mais elle ne veut plus noir voir pour le moment, alors nous devrions la laisser tranquille. Même si moi-même ça ne me plaît pas.
— Alors on reste ici ? insiste mon frère.
— On doit lui sonner du temps. Elle reviendra d'elle-même.
Mon frère hoche la tête doucement, les yeux baissés sur sa bière.
— Et toi ? Comment tu te sens ?
— Comment ça, comment je me sens ?
— Tu étais à des kilomètres d'ici. Tu ne m'entendais plus te parler...
— C'est bon ! m'impatienté-je en fronçant les sourcils. Je te l'ai dit. J'étais perdu dans mes pensées. Je pensais à Juliette et ce que je lui ai dit l'autre matin.
Oui, je reconnais que je mens un peu. Mais je ne peux quand même pas lui dire que j'étais jaloux qu'il la protège ou que j'étais heureux quand elle a accouru vers moi pour me prendre dans ses bras.
— Tu t'en veux... devine mon frère.
— Oui. Je ne sais pas pourquoi je lui ai dit une chose pareille. J'aimerais bien dire que c'était à cause de mon envie de sang de démon, mais c'était seulement moi et ma stupidité.
— Tu lui as dit que tu regrettais ?
Je fronce les sourcils en haussant les épaules, avant de prendre une longue gorgée. Profitant du silence, j'avale ma gorgée de bière en grimaçant. Puis je soupire profondément en tournant les yeux vers les véhiculé désossés de la casse.
— À quoi bon ? finis-je par répondre. Ce n'est sans doute pas ça qui la fera revenir. Sa mère est sa priorité.
Est-il possible que ce Cupidon ait raison ? Que nous soyons faits l'un pour l'autre, elle et moi, et que nous nous bornions à admettre cette éventualité ? En tout cas, pour lui il était trop tard pour dire qu'il n'y aurait jamais rien entre Juliette et moi, puisque nous avions fait l'amour la veille. Pour elle ce n'était peut-être que « coucher ensemble » comme deux vulgaires inconnus, mais pour moi... Je n'avais jamais rien ressenti d'aussi fort avec une autre femme. Avec Ruby c'était passionnel et démoniaque, mais avec Juliette c'était fort, passionné et humain.
Quand je me laisse aller à penser à elle, je repense à ses baisers qui me faisaient tourner la tête, ses légères morsures sur ma peau — parce que putain, elle aime bien mordre — et ses caresses. Il a fallu que j'aille courir pour ne pas entrer dans cette salle de bain pour la rejoindre sous la douche. Sa peau sentait tellement bon, était tellement douce... Son corps réagissait tellement à mes mains sur elle, à mon corps contre elle... en elle... Est-ce que j'ai regretté cette nuit passé avec elle ? Putain non. Je ne le regretterai jamais. C'est le genre de souvenir qui pourrait m'exciter rien qu'en y pensant.
Alors... Pourquoi n'arrivons-nous pas à nous avouer nos sentiments ? Pourquoi ce jeu du chat et la souris, à nous tourner autour, au lieu de nous jeter dans les bras de l'un l'autre ?
— À quoi tu penses ? me questionne mon frère, m'extrayant une nouvelle fois de mes pensées.
Je reste silencieux en haussant les épaules avant de me concentrer sur ma bière.
— Laisse-moi deviner, continue-t-il avec un brin que moquerie dans la voix. Tu pensais à elle.
— Quoi ! me défends-je avec empressement. Non !
Mais je me doute bien que je me trahis.
— Ah ? Tu pensais à toi et elle en train de vous envoyer en l'air !
— N'importe quoi ! m'écrié-je en me levant rapidement.
Il se met à rire d'un air à la fois moqueur et amusé. Je fronce les sourcils en le regardant de travers.
— Je peux savoir ce qui te fais marrer ?
— Après tout le mal que tu t'es donné pour la repousser, voilà que tu ne cesses de penser à elle. Je n'ai jamais cessé de le faire. J'ai seulement donné l'impression que ce n'était pas le cas.
Dean sourit en coin de d'un air amusé.
— Pourquoi tu souris comme ça ?
— Parce que la seule qui a eu l'impression que tu ne pensais pas à elle, c'est Juliette. Je lui répétais que tu réaliserais que tu étais un imbécile, mais elle se bornait à me dire qu'elle ne voulait pas que je lui donne de faux espoirs que tu pourrais détruire plus tard en la rejetant.
Je me sens de plus en plus mal maintenant. Il a le don pour me dire ce que je n'ai pas envie d'entendre.
— Écoute... soupire mon frère. Je ne t'ai pas dit ça pour que tu t'en veuilles. Celui qui doit s'en vouloir, c'est moi. Et tu peux me croire, je m'en veux sincèrement. Tout ce que je voulais, c'était l'épargner le supplice de te voir enfermer et de t'entendre nous supplier de t'ouvrir. Elle allait céder et ça ne t'aurait pas aidé. Et je me suis emporté.
— Oui enfin... tu as été quand même excessif.
— Je viens de dire que je m'en voulais. Ça ne te suffit pas ?
— Ça lui a suffit à elle ?
— Manifestement oui puisqu'elle a accepté mes excuses.
— Les accepter ne signifie pas toujours pardonner.
— Et toi, tu lui as présenté tes excuses ? me questionne Dean en fronçant les sourcils.
Je fronce les sourcils en retenant un soupir. Il a raison. Je ne me suis pas excusé d'avoir souhaité qu'on oublie toute cette histoire. En même temps, je m'en suis voulu dès l'instant où les mots sont sortis de sa bouche. Je m'en suis voulu dès l'instant où elle m'a reproché d'avoir souhaité oublier toute cette histoire. Je m'en suis voulu dès l'instant où j'ai vu cette souffrance dans son regard. Je lui ai brisé le coeur en essayant de la préserver de la perte si jamais je venais à mourir en Chassant. J'ai tout empiré. Je lui ai fait encore plus de mal.
— Non... murmuré-je en soupirant. Je ne lui ai pas présenté des excuses.

Destiny Tome 1 : Choisis-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant