Adieu ▪️49

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Vers 22h30, Douglas vint toquer à la porte de la chambre que je partage avec mon frère, qui dormait profondément à cette-ci.
Il me remit la lettre et m'expliqua que Gary s'était taillé les veines avec un clou limé jusqu'à ce qu'il soit aussi tranchant qu'une lame de rasoir.
Je regardai l'enveloppe, puis Louka.
Avant de se lever, Douglas me mît une tape sur l'épaule, comme un père tentant de réconforter son fils, puis ferma délicatement la porte derrière lui.

Le simple fait de lire « Pour mon fils, Jackson » sur l'enveloppe me donna la nausée.

Je ne veux pas lire ce truc. Qu'est-ce qu'il peut bien vouloir me dire, hein ? Qu'il est désolé ? Ça ne changera rien. Jamais je ne pourrai lui pardonner ou oublier ce qu'il a fait à ma famille.
Mais...En mémoire de mon père, je dois dire la vérité à ceux que j'aime...Alors je vais en parler à Louka.

Je m'assis au bord de son lit et le secouai légèrement pour le réveiller.
« Hmm...Quoi ? se plaint-il en se frottant un œil.
Je lui montrai la lettre et il se redressa illico, curieux.
C'est de la part de Gary. Il est à l'hôpital.
Il fut surpris mais ne réagit pas du tout comme je m'y attendais. Je pensais qu'il serait boulversé et voudrait savoir pourquoi, mais il se contenta de me demander, en inspectant l'enveloppe sous tous les angles : Tu l'as lue ?
Non. Je n'ai pas envie de le faire.
Il la déchira dès la fin de ma phrase et me tendis une moitié, en me souriant chaleureusement.
On s'en fiche alors, me dit-il avant de faire des confettis avec sa moitié de lettre.
Je ris et en fis de même.

Ce fut libérateur.
Tenir cette lettre me donnait l'impression que Gary me menottait lentement et que son aura malsaine m'enveloppait à nouveau. La déchirer, sans même l'avoir lue, ressemblait à une vengeance.

Tu ne nous attendriras pas avec tes mots, aussi sincères soient-ils. Même si Louka acceptait de venir à l'hôpital, ce que tu dirais passerait par une oreille et ressortirait immédiatement par l'autre. Nous ne viendrions qu'à cause de son sentiment de culpabilité, pas par envie.
Tu as tout perdu, même la minuscule place que tu avais malhonnêtement acquis dans son coeur.

Regardant fixement les chiquettes sur le sol, je me lançai, d'un ton le plus neutre possible, pour ne pas influencer son choix :
« Il a demandé à nous voir.
Il soupira et se laissa tomber en arrière. Après avoir remonté la couverture jusque sous son menton, il réfléchit quelques instants puis me dit naturellement  : Si on voulait le revoir, on aurait pas déchiré sa lettre. »
Je riais du nez, soulagé, et lui ébouriffai les cheveux avant de rejoindre Conny dans sa chambre.

Assis sur son lit, je lui expliquai que Louka et moi ne voulions plus voir Gary et avions déchiqueté sa lettre. Il me fit remarquer que nous n'étions pas les seuls à avoir mûri.
Louka aussi semblait plus mature.
C'est vrai que, depuis quelques temps, il était moins spontané et émotif. Il prenait du recul pour réfléchir et discutait même avec nous des choix à faire pour l'avenir. Car Conny avait accepté ma proposition.
Nous nous préparions progressivement à notre nouvelle vie, loin de cette ville de malheur.
Il fallait penser à la scolarité de Louka, à la notre, à l'argent et tout ce que l'indépendance avec un enfant à charge implique. Tout juste majeurs, ces responsabilités nous faisaient peur, mais quitter cet endroit était vital.

Je m'affalai de tout mon long et soupirai longuement : « J'ai encore du mal à croire qu'on s'en soit sortis.
Moi aussi...Ça fait du bien de pouvoir vivre normalement, sans surveiller les alentours. »
Il posa sa main sur mon torse et s'allongea petit à petit à côté de moi, en me caressant tendrement, sans descendre en dessous de la ceinture.

Nous n'avons pas couché ensemble depuis que nous nous sommes retrouvés. Je pense qu'aimer sincèrement rend un peu timide sur les bords.
Il n'ose pas prendre les devants et je n'ose pas le lui demander, alors que nous connaissons nos corps par coeur. C'est étrange. Nous nous comportons comme s'il s'agissait de notre première fois. Ça ne me déplaît pas, à vrai dire. Mais j'ai envie de me lier à lui, de lui faire ressentir que je l'aime, vraiment.

Prisonnier De Tes Mots |TERMINÉ|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant