9 - Au clair de la lune

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Les épaules un peu voûtées par la déception, Cédric Dumont venait de quitter la boutique, sous le regard perplexe et compatissant de Tom. Ce dernier finit le rangement, verrouilla avec soin le rideau de fer qui protégeait la devanture, puis s'engagea dans l’allée de gravier vers la maison. Il rentrait plus tardivement que d’habitude et dut utiliser la torche de son téléphone pour éclairer son chemin. À une dizaine de mètres de la demeure des Lécapène, la fenêtre ouverte de la cuisine diffusait sa lumière et des relents de beurre mélangés à la senteur pomme verte du liquide vaisselle.

Le rouquin se pencha vers l’intérieur de la pièce où son amie d’enfance nettoyait après le repas familial. Les yeux d’un marron brillant de Léna ne quittait pas la dernière assiette qu’elle finissait de rincer. Cependant, comme si elle avait déjà perçu sa présence, elle accueillit son ami et beau-frère de l’habituel « Salut beau gosse ! » qui s’éleva au milieu du bruit du jet d’eau. Elle enchaîna aussitôt, en posant la vaisselle sur l'égouttoir après avoir fermé le robinet :

« Il y a des épinards en accompagnement. C’est encore tiède si t’as la flemme de les réchauffer.

— Oui, je mange tout de suite, j’ai faim. Je vais finir le reste de quiche de la boutique, précisa-t-il en élevant une boîte en plastique transparent.

— Il y a peu d’invendus ce soir ! se réjouit Léna, en constatant qu’outre deux parts de quiche lorraine, trois tartelettes se trouvaient dans le récipient tenu par son ami.

— Un chiot sans collier est passé me voir après la fermeture.

— Il ne faut pas donner ça aux chiens, le sermonna son amie qui n'avait pas vu le sourire ironique de Tom. Le sucre et la crème, c’est mauvais pour leur santé ! Sans parler du sel dans les quiches !

— Il semblait affamé, je n’ai pas pu me retenir. En fait, c’est notre nouveau voisin, le neveu de madame Dumont, qui a hérité de sa maison.

— Oh. C’est une triste nouvelle, commenta la jeune femme, en ouvrant la porte-fenêtre à côté de la cuisine pour faire entrer son beau-frère. Son caractère n’était pas commode, mais je l'aimais bien. Elle gagnait à être connue. Alors, c’est le voisin qui t'a retenu, pas un chien ?

— Si tu avais vu ses yeux, tu ne dirais pas ça ! Il a eu des problèmes avec sa voiture.

— C’est pas de pot. »

Tom se retint d’expliquer à Léna l’histoire impliquant Cocotte. Au vu de son humour habituel, la blondinette aurait inventé une blague à propos de poule au pot. Ou une autre ineptie de cette sorte.

« La petite dort ? demanda-t-il à la place.

— J’espère ! Son père est avec elle depuis un bon quart d’heure.

— Demain, elle m'en voudra de ne pas lui avoir souhaité bonne nuit.

— Non, Tom ! Interdiction d’aller la voir maintenant. Maé va être trop excitée en te racontant sa journée, ça va l’empêcher de dormir !

— À vos ordres, M'dame, marmonna tristement l'oncle en se lavant les mains.

— Bonne nuit, M’sieur, répliqua la mère du tac au tac. Je vais monter. Crevée !

— Tu as vérifié le poulailler ?

— Ah mince, non, souffla-t-elle un peu contrariée.

— Je vais le faire tout de suite après dîner, t’inquiète pas. Dors bien !

— Merci beaucoup, tu me sauves ! À demain ! »

Sur ces paroles, Léna planta un baiser sonore sur la tempe de Tom qui s'installait à table pendant que son repas tournait dans le four à micro-ondes.

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