Avocat expérimenté, Isidore est un homme de la ville, allergique au milieu rural depuis son coming-out. La campagne lui donne littéralement des boutons. Or, d'une vieille tante avec qui le contact semblait rompu, il a hérité une maison située en Bou...
Comme tu refuses de me laisser t'en parler en face, je dois t’adresser cette lettre. J’espère que tu en prendras connaissance avant l’événement. Que tu ne la déchireras pas avant de l'avoir lue. Je ne te demanderai jamais de me pardonner, un ange n'absoudrait pas ce que je m’apprête à faire. Tu le sais déjà, je vais me marier dans dix jours exactement. Je n’ai aucun droit de te le dire, de te l’écrire. Et pourtant, quelle insolence ! Je t'aime toujours, je n’aime que toi ! J’aurais tant souhaité me tenir à tes côtés devant l’autel, mais quelqu’un d’autre que toi y sera. Mes yeux sont secs, mon âme pleure.
La célébration à l’église se fera à onze heures. Ce serait indécent de supplier pour une pensée de toi, encore moins ta présence ce jour-là. Prie pour moi, parce que mon cœur est damné. Je l'ai envoyé aux enfers lorsque j’ai plié devant mes parents. J’ai temporisé autant que possible, mais rien à faire ! Ils ont ordonné, j’ai obéi. J’ai honte !
La pire offense à mon amour : je n’ai pas osé leur parler de nous. Je pensais indispensable que ma famille ne sache rien de nous. J’avais si peur pour toi ! S'il l'avaient su, ils t'auraient tellement maltraitée ! Mais je te mentirais si je disais que je craignais plus les conséquences de mes paroles sur ta vie que sur mon quotidien. Je voudrais pourtant que tu viennes m'arracher à leurs griffes, je rêve de briser ces chaînes pour m'enfuir avec toi. Si tu viens ce jour-là, j’aurai peut-être une once de courage pour renoncer à cette union haïssable… Ou ma lâcheté sera peut-être encore trop forte, et je te renierais en public… Cette seule perspective me terrifie !
Non, ne viens pas ! Lili, pardon... Non ! Ne pardonne jamais ! Déteste-moi… non, oublie-moi, c’est plus simple.
Lune inatteignable, Pierrot pensera souvent à toi sans plus oser te toucher. Entourée des étoiles, invitée du Soleil, tu seras bien trop heureuse pour ne pas m'oublier. À l’église, ce sera pour ça que je prierai.
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NDA : Cette lettre est celle qu'Isidore a froissée dans le chapitre 15.
