À presque midi, la ferme des Lécapène était peu fréquentée, leur boutique désertée. Pour rendre service à sa meilleure amie, Tom gardait le magasin depuis plus d'une heure. Aucun client, même un villageois, à l'horizon. Alors le jeune homme s’apprêtait à fermer pour une pause méridienne plus longue que prévue. Un crissement de pneus, un bruit sourd de collision. Le rouquin se précipita au-dehors. Une voiture, l'avant encastré dans un arbre en bordure de la maison voisine, produisait un bruit insoutenable de klaxon. Sous le choc du spectacle, Tom éleva une main vers sa bouche. Comme dans un rêve, il vit Cédric, vêtu d'un costume sombre, sortir en courant de la maison voisine, puis se figer devant la même scène. L’avocat reprit plus rapidement son sang-froid que l’autre homme. Pour appeler les secours, il sortit un téléphone de sa poche.
La portière du véhicule accidenté s’ouvrit. Seulement à ce moment-là, Tom s’aperçut qu'il s’agissait d'un taxi. Le chauffeur en sortit, en rampant, les jambes flageolantes. Une volaille sans croupion se posa sur la tête du pauvre homme qui s’écria, traumatisé : « Cette poule, c’est à cause d'elle ! Je voulais l’éviter ! » Tom reconnut la coupable : « Nassée ? » Son voisin identifia également la productrice de l'œuf vert. Son pouce s’arrêta au-dessus d'une touche pendant qu'il composait le numéro d'urgence.
Par sécurité, le chauffeur du taxi resta sur place, en attendant la venue des pompiers qui le conduiraient à l’hôpital. Gilles, propriétaire de l'animal divagant responsable des dégâts, remplissait des papiers, en contact téléphonique avec son assureur. Un œil sur sa montre, Isidore gratta son épaule prise de démangeaisons. Les conséquences de l'accident avaient grignoté la marge prévue par Ashley pour son patron. Ce dernier s’était dépêtré aussi vite que possible de ses démarches en tant que témoin. Maintenant privé de son moyen de locomotion jusqu’à la ville, il grogna, incapable de sortir de ce pétrin.
« Cédric, vous avez besoin d'aller à la gare, non ? Vous risquez de rater votre train. » La voix douce qui s’éleva soudain à ses côtés fit sursauter l'avocat. Abasourdi que Tom pût se préoccuper des obligations professionnelles d'un voisin rencontré quelques jours auparavant, le brun hocha la tête. Vite ! Il partit récupérer sa mallette, verrouilla la porte de sa maison et monta dans la voiture des Lécapène.
Assis à côté de l’aimable rouquin, Isidore se rongeait les ongles, en grattant alternativement ses deux avant-bras. Pour calmer son eczéma, il décida d'ignorer la posologie de ses médicaments pendant une journée. Sans eau, il avala quelques comprimés. « Vous allez bien, Cédric ? s’inquiéta le conducteur. » Non, ça ne va pas ! « Nous devrions arriver à temps, il y a peu de circulation à cette heure-ci. » Une supposition n’est pas suffisante !
« Vous voulez qu'on mette de la musique ? proposa Tom dans le but de calmer la nervosité de son passager.
— Mettez plutôt les gaz ! jappa l’avocat, incapable de taire ses répliques acides.
— Je comprends que vous êtes inquiet, mais tout se passera bien. »
Une réminiscence très désagréable gifla la mémoire d'Isidore. Son esprit se révolta : Non, rien ne va ! Sa voix sèche, quant à elle, rappela : « Votre frère risque d'avoir des gros dégâts à payer. Je risque de rater mon train. Mon client risque de perdre son procès. Tout peut très mal se passer !
— Tant que nous faisons notre maximum pour arranger la situation, se ronger les sangs n’aidera en rien.
— Comment pouvez-vous réagir de façon aussi… aussi laxiste ? s'étrangla le brun. Alors que tout ça aurait pu être évité ! Il suffisait d’enfermer cette stupide volaille !
— Nos poules sont très dociles. Il n'y a pas besoin de les priver de liberté en journée, alors que cette route est très peu fréquentée.
— C’était irresponsable !
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Éclosion
RomansaAvocat expérimenté, Isidore est un homme de la ville, allergique au milieu rural depuis son coming-out. La campagne lui donne littéralement des boutons. Or, d'une vieille tante avec qui le contact semblait rompu, il a hérité une maison située en Bou...