Chapitre 2 : traversée

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Ça fait maintenant trois jours que je suis enchaînée dans cette cale, on m'y a emmenée juste après m'avoir capturée. Mes chevilles sont égratignées et me font mal à cause des chaînes. Les marins qui nous apportent de l'eau et du pain parlant latin, j'en ai déduis que j'étais sur un navire romain.

Ne les aimant pas depuis qu'ils ont tués mon grand-père dans une bataille, je suis encore plus répugnée de les voir regarder avec des yeux salaces les femmes qui sont dans la cale. Décidément, peut importe le peuple, les hommes seront toujours des porcs.

Mais ce qui me dégoute le plus, c'est de voir les personnes dans la cale se jeter aux pieds de ces mêmes marins implorer et supplier de les libérer. N'ont-ils donc aucun honneur, aucune fierté ? Nous sommes Carthaginois par les dieux et un Carthaginois ne s'agenouille pas devant un romain.

J'en ai entendu des beaux discours quand les marins ne sont pas là, mais ils ne servent à rien si les actions ne suivent pas. Et puis si ces gens c'étaient servis de leurs têtes ils sauraient que ce qu'ils font est parfaitement inutile.

Nous sommes en mer à plusieurs jours de notre pays, ce sont des marins sans aucune autorité que nous voyons et même si ils en avaient aucun ne se risquerait à mourir pour des personnes qu'ils ne connaissent pas.

Beaucoup de personnes n'arrêtent pas de se lamenter et de se demander ce qui va leur arriver. Il semble évident qu'au vu des conditions de voyages que nous subissons, que nous sommes devenus des esclaves aux yeux de l'empire romain et qu'on prévoit de nous vendre une fois que nous aurons accoster.

Si ils avaient réfléchis un peu, ils l'auraient tout de suite compris. Quelle bande d'imbéciles. J'imagine que c'est pour cela que les marins malgré leurs regards salaces ne touchent aucunes des femmes, ils ne veulent pas prendre le risque d'abîmer la marchandise et donc de subir les foudres du capitaine si cela arrivait.

Je sais je suis odieuse de les traiter ainsi en pensée alors qu'ils sont terrorisés mais si je ne fais pas ça, je vais devenir folle. Analyser ce qu'il y a autour de moi m'a toujours calmé les nerfs.

Il y a une odeur horrible dans la cale, un mélange de pisse et de vomi, c'est irrespirable et encore moi j'ai de la chance d'être à côté de la trappe que les marins ouvrent deux fois par jour pour nous amenez à manger et à boire, ça me permet d'avoir quelques bouffées d'air frais, mais je n'ose pas imaginer comment ça se passe pour les autres. Le roulis des vagues me donne la nausée mais je n'ai pas encore vomi, je tiens à avoir un air respirable aussi longtemps que possible.

Je m'inquiète pour Titus, je ne l'ai pas vu dans la cale et je n'ai aucun souvenirs de comment je suis arrivée là. J'essaye de ne pas penser au scénario le plus plausible qui est qu'il soit mort. Je ne suis pas idiote, je sais très bien qu'aux yeux de l'empire il n'a pas une grande valeur marchande, c'est un homme trop âgé pour faire de gros travaux et à moins qu'on sache qu'il soit un érudit, il ne représente aucun intérêt pour les familles riches. J'espère qu'il est sur un autre bateau ou mieux encore, qu'il n'a pas été capturé.

Soudain la trappe s'ouvre violemment

 -  Sortez tous, nous avons accosté. Nous cri un marin en carthaginois.

D'abord personne ne bouge, trop effrayé, surprit ou soumis pour faire le moindre geste. Il m'attrape alors les poignets et me tire brutalement vers lui.

-  Allez bougez-vous tas de faignants.

Toujours en me tirant, le marin monte sur le pont et m'y jette. Je lui lance un regard furieux qu'il ne voit pas, trop occupé à faire sortir les autres esclaves de la cale. Bien qu'hors de moi je redécouvre avec plaisir l'odeur iodée de la mer, le cri des mouette, le vent frais sur ma peau et un air sans pisse ou vomi.

Si seulement... Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant