Chapitre 23 : rachat

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Les secondes s'écoulent, telles les lames d'un couperet. Le glaive de Scipion n'a toujours pas bougé mais le léger tremblement de sa main fait que quelques gouttes de sang glissent de mon cou jusqu'à ma tunique, comme les larmes que je continue de verser les yeux toujours fermés.

Un cri de rage pure m'attaque les oreilles en même temps que je sens l'épée de Scipion s'éloigner de mon corps. J'entrouvre alors les paupières et je vois Scipion plus désemparé que jamais. Son corps est secoué de violents spasmes, il semble venir de perdre son humanité, se retient à grand peine de pleurer et s'agite dans tous les sens.

J'ouvre grand les yeux et un détail me fait immédiatement tiquer. Le glaive de Scipion est enfoncé dans le sol jusqu'à la garde. Pour un militaire et encore plus un général, c'est un déshonneur sans nom de faire ça, c'est comme si il se mettait à crier « j'abandonne, je suis trop faible » devant ses hommes, mes pleurs redoublent de puissance.

- Va-t'en !

L'ordre a beau être craché de la pire manière possible, j'éprouve à cet instant beaucoup de compassion pour cet homme qui vient de perdre ses illusions. Je ravale alors mes larmes et lui tourne définitivement le dos ainsi qu'au potentiel avenir, maintenant impossible que j'aurais pu avoir avec lui.

Mon chemin vers la hutte médicale est douloureux mais suffisant pour que je me reconstitue mon masque favori, celui de l'indifférence et que je fasse ensuite disparaître toutes traces de mes larmes.

Otho est penché au-dessus du chaudron, vu l'odeur, il doit être en train de préparer une mixture de désinfection, ça a beau être efficace, c'est aussi agréable à sentir que des selles fermentées, à croire que c'est fait exprès.

Je me bouche le nez et fait visuellement le tour de la pièce pour savoir ce que je dois faire en priorité. La pièce est propre, les bocaux rangés et remplient d'herbes, le matériel à sa place...ah, on va commencer à manquer de bandage, je vais en refaire.

J'attrape mes aiguilles et sors rapidement de la hutte, ne supportant plus cette odeur. Je me demande comment fait Otho pour ne pas ne serait-ce que se boucher le nez, d'accord il doit être habitué depuis le temps mais ça m'intrigue quand même.

Je secoue la tête et entre dans la villa afin de me diriger vers la pièce qu'on appelle l'atelier, là où tous les travaux de couture se déroulent. J'ouvre la porte et constate que deux esclaves sont déjà dans la pièce, je les salue d'un sourire qu'elles me rendent et je m'avance ensuite vers l'armoire afin de prendre les fils dont j'ai besoin.

La matinée passe entre discussions et travaux de couture. J'ai beau ne pas avoir d'amis proche, je m'entends bien avec tout le monde, ce qui est en soit très agréable. On ne s'épanche pas quand je suis dans les parages mais on m'accueille avec gentillesse, le juste milieu idéal.

Mon estomac se met à gargouiller, m'indiquant qu'il est temps de déjeuner, alors j'attrape tous les bandages que j'ai fait, les déposent dans un panier que je cale contre ma hanche et retourne dans la hutte.

Une fois que j'y suis, je range mon travail dans le tiroir prévu et organise un peu le plan de travail. Heureusement Otho a terminé depuis un moment la mixture de désinfection et l'odeur est plus ou moins évaporée avec la porte ouverte et le vent frais.

Un paquet sur le lit attire mon attention et je prends le mot déposé dessus. « Après avoir mangé, merci de t'occuper du jardin. Otho ».

Je souris en lisant ça. C'est du Otho tout craché, il a beau paraître froid, il est très attentionné, je suis d'ailleurs sûre qu'il m'a prit mon pain préféré, celui à l'épeautre et...gagné, avec en plus des fruits et grand luxe, du poulet.

Si seulement... Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant