Chapitre 9 : rage

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J'ai mal, j'ai atrocement mal, j'ai l'impression de recevoir telles des flèches, des milliers d'aiguilles chauffées à blanc sur toute la surface de mon corps. Alors c'est ainsi ? Cette douleur qu'on ressent lorsqu'on a le cœur brisé ? C'est ce qu'on ressent lorsqu'on a osé rêver et que quelqu'un s'est empressé de vous ramener à la réalité ?

- Excuse-moi pour cet élan Roxana mais cela fait tellement longtemps que je n'ai pas vu mon mari, je n'ai pas pu résister.

Je suis incapable d'ouvrir la bouche tellement le maelstrom d'émotions négatives que je ressens est indescriptible et puissant. Vu de l'extérieur, je ne laisse rien sortir de mon mal-être intérieur.

- Je vais vous laisser tranquille dans ce cas.

Par je ne sais quel miracle, j'ai réussi à dire cela d'une voix neutre. La tête droite, je m'avance pour sortir de la hutte lorsque Scipion m'interpelle d'une voix désolée.

- Roxana...

Je lui lance un regard si noir qu'il vacille sous l'attaque. Ne supportant plus la vision d'Émilia accroché au bras de son mari, une expression de bonheur pur sur le visage, je me mets à courir en direction de la forêt, j'ai juste le temps d'entendre le début d'une phrase.

- Ne t'inquiète pas mon chéri, Roxana a les romains en horreur, c'est déjà un miracle qu'elle me parle poliment alors...

Si elle savait, ce n'est absolument pas pour ça que je m'enfuis. J'ai honte de l'avouer mais oui, moi Roxana toute fière carthaginoise que je sois, je fuis devant un romain. Tout au long de ma course, je sens les larmes dévaler sur mes joues mais je n'en ai cure. J'aperçois la forêt, elle m'appelle, insiste pour que je vienne me réfugier en son sein.

Toujours en courant, jusqu'à en perdre haleine, je pénètre à l'intérieur de ce sanctuaire. Les feuilles me giflent, les cailloux m'écorchent les pieds et je manque de me prendre des branches en plein ventre, mais elles me fouettent seulement un peu partout. J'ai la vue brouillée par les larmes. Toutes ces douleurs physiques ne sont que bagatelles comparées à celle qui me ravage le cœur.

Une racine se met en travers de ma route et je m'effondre la tête la première sur le sol. Je tremble, d'épuisement, je pleure, j'ai mal, je veux que tout s'arrête. Je deviens folle. Je lève la tête et je hurle comme si j'étais possédée.

Je crie de toutes mes forces, à m'en casser la voix, j'attrape des pierres que je lance aussi fort et aussi loin que je peux, je pleure de rage et de désespoir, je crie de colère et de trop d'émotions. J'ai tellement mal, je suis tellement perdue.

Bientôt, je n'ai plus de voix. Épuisée, je m'allonge, me glissant près d'un arbre. Mon souffle reprenant peu à peu un rythme normal, mes larmes se tarissent également. Complètement vidée de toute énergie, mes paupières se ferment et je sombre dans un sommeil agité.

Lorsque j'ouvre les yeux, le soleil est haut dans le ciel. Je me redresse difficilement, toute à ma douleur, j'ai oublié Otho et les tâches qu'il m'a confiées. Mais quelle imbécile je fais ! Je me relève vivement mais m'effondre aussitôt, par Zeus, je n'ai plus de force dans les jambes. Pourquoi maintenant par tous les dieux ?

Tout doucement, je tente une seconde fois de me relever, évaluant avec précaution mon équilibre. Une fois stable sur mes deux jambes, je prends une direction pour sortir de la forêt et aller dans la hutte médicale. Je retrouve facilement mon chemin étant donné  que ne suis pas allée trop loin et que, depuis trois mois, j'ai appris à me repérer.

J'aperçois Otho en train d'écraser une quelconque herbe que je n'arrive pas à reconnaître, ses gestes sont saccadés, signe d'agacement chez lui, je me racle la gorge pour lui indiquer ma présence. Il se retourne dans ma direction, le visage énervé puis se fige en me découvrant. Je ne me suis pas regardée mais j'imagine que je ne dois pas être à mon avantage en ce moment.

Si seulement... Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant