Chapitre 16 : Titus

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Devant mes yeux se déroule une des visions les plus atroces de ma vie. L'homme qui m'a élevée, que j'aime comme un père, que j'ai pleuré pendant des semaines se tient devant moi, le corps sale et couvert de blessures, habillé de haillons, plus maigre que je ne l'ai jamais vu, avançant faiblement sous le soleil, comme si le moindre pas lui demandait un effort inimaginable.

Je tourne la tête en espérant que c'est juste un effet de mon imagination, mauvaise idée. Je vois une mère dans le même état que Titus avec un bébé dans les bras, là je ne suis pas certaine de réussir à me retenir de vomir.

Comme dans un cauchemar, je vois Lucius faire un signe à un de ses esclaves et celui-ci balance des dagues aux pieds de mes compatriotes. Je tremble, je sais ce qui va se passer ensuite mais je ne veux pas le voir.

- Est ce que ce... spectacle est vraiment nécessaire ?

- En tant que femme de général je ne vous croyais pas si sensible Émilia. Ces hommes ne méritent que ça.

Espèce de sale bâtard, je jure devant les dieux que je te ferais payer tous les affronts que tu m'as fait subir

- Je ne parle pas des hommes Lucius, mais des femmes et surtout du bébé.

Des exclamations indignées se font entendre, apparemment tout le monde n'avait pas vu le bébé, je pense que c'est chose faite maintenant, tout le monde est plus ou moins en train de regarder en direction de la jeune mère.

Moi, mon regard reste fixé sur Titus. Alors que je le vois regarder les dagues avec lassitude une foule de souvenirs me revient en mémoire. Je me rappelle de la première fois où je l'ai vu, je refusais de rester dans la même pièce que lui par ce que son père avait enseigné à mon géniteur, je me rappelle de tous les efforts qu'il a du déployer pour que je l'accepte, je me rappelle de nos ballades sur la plage avec ma mère, de nos fous rires au coin du feu, de l'amour qu'il y avait dans ses yeux quand il regardait maman, je me rappelle de la fois où je lui ai demandé si je pouvais l'appeler papa et qu'il ma répondu avec tristesse qu'il ne voulait pas voler la place de mon vrai père.

Tandis que tous ses souvenirs m'assaillent, Lucius fait fi des mécontentements provoqués par la remarque d'Émilia et ordonne de libérer le lion.

Le bruit de la grille qui grince me ramène au présent. Je sursaute en entendant le rugissement soudain du lion. Les cris de peur que poussent ensuite les condamnés ainsi que les pleurs du bébé me font trembler. Je reporte mon attention sur ce qui se passe dans l'arène et je vois les hommes se précipiter sur les dagues et les femmes vers les grilles qui les entourent.

Titus aussi a prit une dague mais faible comme il est il ne tiendra pas longtemps, de plus, c'est un érudit, pas un guerrier. Son corps peut calculer des opérations complexes ou passer d'une langue à une autre, mais il ne sait pas se battre.

Je tremble, j'ai peur, je ne veux pas voir ça, je ne veux pas perdre mon père. Pitié Zeus, je vous en supplie, je vous en conjure, ne m'enlever pas la seule famille qu'il me reste. Je prie de toutes mes forces pour qu'un miracle se passe, mais mon sang ne fait qu'un tour quand un cri de douleur parvint à mes oreilles.

J'ouvre les yeux que j'avais fermés pour prier et une vision de cauchemar se trouve devant moi. Trois hommes sont à terre, coupé en deux au niveau du torse. Des gerbes de sang s'étendent un peu partout, les femmes pleurent et hurlent des appels au secours en carthaginois. S'ajoute à cela les cris du bébé qui sont de plus en plus forts et surtout l'odeur. L'odeur du sang me prend à la gorge et m'irrite les yeux, j'ai l'impression de suffoquer.

Désespérée je tourne la tête dans l'espoir de trouver quelque chose pour arrêter ces horreurs mais tout ce que je vois c'est des femmes avec les yeux fermés, des hommes qui serrent les poings et Lucius un sourire dément sur les lèvres.

Si seulement... Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant