Chapitre 10 : fête

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Il y a un an je n'aurais jamais cru que j'assisterai à une fête romaine et pourtant c'est ce qui se passe en ce moment. Je ne sais pas si c'est la norme chez les romains, mais si je devais résumer cette fête en un mot, ce serait « débauche ».

Elle se déroule dans le bâtiment principal où je n'ai jamais mis les pieds avant. La salle a beau se vouloir somptueuse, elle n'est pour moi qu'un amas de décoration superflues et tape-à-l'œil. Des rideaux de velours rouge cachent les délicates sculptures sur les murs, des guirlandes s'étalent à foison, qui feraient mal aux yeux d'un aveugle, des morceaux de murs tachés par de la peinture...l'ensemble se veut harmonieux mais, à mes yeux, il ne réussit qu'a être désastreux.

Le pire n'est pourtant pas la décoration, ce sont les gens qui se trouvent à cette fête. Avant même qu'elle ne commence, j'ai pu constater pourquoi les esclaves de la propriété tenaient Scipion en si haute estime. C'est tout simplement parce que les personnes présentes à cette fête sont uniquement les maîtres de maison et tout le personnel de la demeure.J'ai appris qu'il a ordonné que tout le monde y assiste. Je m'interroge toujours d'ailleurs sur cette générosité.

Bien sûr, Émilia et Scipion sont installés sur la partie la plus haute de la salle, tels des rois surplombant le peuple, incarné par leurs esclaves. Ils sont allongés sur une espèce de lit en marbre blanc, recouvert d'un matelas qui, si je ne m'abuse, est habillé d'un drap de couleur pourpre, tirant vers le bleu, et teint à base de murex de Canaan, une coloration très coûteuse.

Mais ce qui me choque le plus c'est la beuverie qui se déroule sous mes yeux. De mon point de vue, Émilia et quelques autres se comportent d'une manière tout à fait correcte, mangeant sans se goinfrer, riant à gorge déployée sans être vulgaire et surtout ne se permettant aucun geste déplacé. Malheureusement, ce n'est pas le cas de la quasi totalité des convives.

Je lance un regard meurtrier à Alistair qui vient de claquer sa main sur les fesses d'une des servantes et cette dinde se met à glousser de plaisir, ridicule. Mais le pire ce sont les soi-disant danseuses qui se déhanchent sur la piste depuis le début de la fête. Je reconnais qu'elles sont endurantes mais c'est le seul point positif que je dirais à leur sujet.

En effet, avant même que leur représentation commence, elles sont arrivées avec leurs visage extrêmement maquillés, beaucoup de bracelets aux poignets ainsi qu'aux chevilles mais totalement nues. Je ne sais pas si c'est la coutume mais ça n'a choqué personne alors... Évidemment, les hommes avaient l'air ravis et se sont empressés de siffler lorsqu'elles sont allées au centre de la pièce pour faire leur spectacle.

En parlant de leur spectacle, mon jugement n'est peut-être pas objectif, mais ce n'en est pas un pour moi, ce sont juste des corps nus qui bougent sur une musique qui ne peut être qualifiée que de grincements. J'avais peur de faire une crise de panique à la vue des instruments mais dès que les soi-disant musiciennes ont posé leurs doigts dessus, je n'ai pensé qu'à me boucher les oreilles tellement les sons m'étaient insupportables.

Je sais que je ne devrais pas me plaindre, je peux piocher dans beaucoup de plats différents, ma place est de premier choix comme je suis à côté de la maîtresse de maison suite à l'insistance de cette dernière et je ne travaille pas ce soir contrairement à beaucoup d'esclaves, mais là, je donnerais tout pour retourner préparer des médicaments en paix avec Otho, qui le pauvre ou pas d'ailleurs, se tient en retrait et observe la salle d'un œil affûté.

Je sens sur moi les coups d'œil que Scipion m'envoie de temps à autre et je fais tous les efforts que je peux pour ne pas lui envoyer de regards noirs en retour et me contenter de l'ignorer. Par contre, la cacophonie est telle que j'ai du mal à me retenir de grimacer.

Si seulement... Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant