Chapitre 10 : Roman

1.8K 191 201
                                    

La nervosité faisait trembler mes mains. La porte bleu foncé était close et la sonnette sur le mur à ses côtés m'attendait. Le couloir de l'immeuble était silencieux, aucun bruit provenant des autres appartements et aucun son émanant de la rue en contrebas ne me parvinrent aux oreilles non plus. Ce foutu silence exacerbait mon stress.

Pourquoi étais-je aussi paniqué à l'idée de parler à Théo ? C'était incompréhensible, il fallait que je me reprenne et que j'affiche une nonchalance parfaite.

Après avoir inspiré une grande bouffée d'air à l'odeur âcre des produits ménagers, mon index appuya sur la sonnette. Théo ouvrit rapidement, son attitude débraillée toujours présente.

—   Eh mec, salut ! Entre, m'apostropha-t-il en me laissant passer.

Mes jambes me portèrent jusqu'au salon que je connaissais bien. Cet appartement avait abrité nombre de soirées entre potes et ce canapé avait subi beaucoup d'outrages. Le cuir noir était vieilli, troué de quelques ronds de cigarettes par-ci par-là. Cependant Théo le gardait, c'était en quelque sorte une relique. Il s'harmonisait bien avec les meubles laqués noirs. Heureusement, un des murs en briques rouges donnait de la couleur à ce petit salon, tout comme le tapis oriental d'une douceur incroyable. Mes orteils s'en souvenaient encore !

—   Je te sers un truc ? proposa mon ami.

—   Euh ouais, s'il te plaît.

—   Ça va pas ? T'es bizarre, constata Théo en filant vers la cuisine.

—   Ça va.

Il revint et me donna une canette de soda tout en se posant à côté de moi sur le canapé. Son bras s'appuya sur le dossier et j'avisai la canette rouge avec tristesse.

—   Tu n'avais rien de plus fort ?

Théo tourna la tête vers moi en fronçant des sourcils.

—   Il est dix heures du mat, mon pote.

Message reçu. Ce n'était pas une heure adéquate pour commencer l'alcool. Mon cœur dansait la samba dans ma poitrine, autant dire que c'était assez rythmique. Ouais, mon organe cardiaque effectuait un botafogo et je ne pouvais rien y faire pour l'en empêcher.

—   Qu'est-ce qui t'arrive ?

—   Rien, répondis-je avant de me jeter sur ma boisson.

—   Beh, tu voulais me parler d'un truc, c'est quoi ?

Ok, compter jusqu'à cinq et balancer simplement l'information. Ça n'avait rien de suspect ou de bizarre. Être simplement normal. Genre cool.

—   J'ai embauché Jay pour m'aider au studio, lâchai-je, trop précipitamment.

—   Jay ? Mon petit frère ?

Le visage de Théo affichait une certaine surprise, mais sans aucune suspicion. Et de toute façon, quel genre de suspicion pourrait-il avoir ? Je ne faisais qu'aider Jay dans un projet respectable, non ?

L'horrible sentiment de mensonge creusa un trou dans mon ventre. Pourtant, ce n'était qu'une simple omission, que je perpétrais pour ne pas foutre le bordel dans une famille que j'adorais. Jay avait fait un choix débile et inconscient, mais pour une bonne cause, je trouvais donc ça particulièrement nul de le mettre dans la merde.

—   Roman ? insista mon ami.

—   Euh oui, ton frère. Il cherchait un taf et il est tombé sur mon annonce sur les réseaux. Tu sais qu'il aime la danse alors il s'est proposé et comme c'est ton frère, je lui fais confiance.

Grand ÉcartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant