Chapitre 48 : Roman

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Quelques jours plus tard, un message de mon ami Franck me prit au dépourvu.

En perdant Théo, je m'étais éloigné du reste de la bande. Inconsciemment, je pensais que Théo leur raconterait tout et qu'ils prendraient partie, je m'étais donc éclipsé pour ne pas subir jugement et rejet.

Pourtant, ce soir, je me retrouvai avec mes amis dans un bar que nous fréquentions régulièrement en fin de semaine. Seul Théo manquait à l'appel, ce qui n'était pas surprenant.

Les conversations s'animaient avec naturel et sans prise de tête. Nous parlions de sport, de danse, du nouveau taf de Matthieu dans une boutique de prêt-à-porter, de la relation chaotique de Luka et... ce sujet dévia la conversation sur moi.

—   Alors, Roman, et si tu nous parlais de Jay ?

La question de Franck me crispa. Plus de doute, ils étaient au courant. En un sens, cela me soulagea, je n'aurais pas à le faire à présent que ma relation avec Jay était assurée et officielle. Repenser à notre réconciliation me réchauffa instantanément.

—   Théo nous avons sa version, indiqua Matthieu en buvant son verre de vodka orange.

—   Et ce n'est pas parce que Théo a un avis qu'on le partage tous, ou même que l'on a un avis, souligna Franck.

—   En fait, on a un avis sur la question, intervint Luka.

Matthieu se racla bruyamment la gorge en lui lançant un regard noir.

—   Mais j'imagine qu'on s'en contrefout, acheva Luka.

—   Nous on veut juste que cette histoire ne brise pas nos amitiés, expliqua Franck.

Je hochai la tête, heureux d'entendre que je ne perdrais pas chacun de mes amis pour une chose qui ne se contrôlait pas.

—   Tu sais, je crois pas que le problème soit vraiment la différence d'âge, ce qui dérange vraiment Théo, c'est que ce soit son frère et tout le monde comprend ça. Je suis sûr que tu comprends aussi, hasarda Franck.

—   Évidemment, confirmai-je. Mais j'ai pas choisi.

—   Moi, je l'aime bien, le petit Jay, il est cool, ricana Matthieu.

—   Ouais, enfin, c'est un gamin quand même, précisa Luka. Il est encore au lycée, nom de Dieu !

—   Ta gueule, renvoya Matthieu.

—   Non, mais sérieusement, réfléchissons deux minutes. Son truc c'est les jeux vidéo, traîner au parc, manger au Mc Donald's et réviser pour le bac.

Le rire de Franck me fit presque sursauter, moi qui étais bloqué sur les mots que j'entendais de la bouche de Luka, qui visiblement, désapprouvait.  

—   Parce que ça ne nous arrive pas de jouer à Call of Duty peut-être ? On ne se pose jamais au parc l'été avec des bières ? Tu sous-entends que tu ne manges jamais de BigMac, toi ? T'es devenu quoi ? Un papi ? gloussa mon ami.

—   Pas du tout, mais il pense pas comme nous, c'est tout ce que je dis.

—   Tu dis de la merde, trancha Matthieu.

—   Non. Tu en vois beaucoup des couples de dix-sept et vingt-cinq ans ? On voit des trente et quarante-cinq ans, ça oui, mais pas...

—   Qu'est-ce qu'on avait dit ? le coupa Franck en donnant un coup dans l'épaule de Luka. On ne juge pas ! On est là pour mettre Roman à l'aise, espèce d'abruti !

J'étais bien trop surpris et perplexe pour intervenir. Mon regard passait de l'un à l'autre et je tentais de savoir si j'étais énervé ou rassuré.

Le fait que tous mes amis ne partagent pas le même point de vue me soulageait. Cela signifiait que ce n'était pas soit tout blanc, soit tout noir.

Les normes sociales étaient dictées par une majorité qui pensait avoir la réponse ultime à tout, mais c'était des conneries. Nous étions tous différents ; les circonstances et le contexte avaient une importance dans la situation.

Cela signifiait également que si certains pensaient que notre relation était vouée à l'échec, d'autres n'y voyaient aucun problème, ni inconvénient à faire marcher cet écart d'âge.

—   Mais je dis ça juste pour parler, c'est pas ma vie, je m'en fous au final. Je me suis bien taper une mère de famille de cinquante balais, rigola Luka.

—   Oh pitié, épargne-nous, soupira Matthieu.

—   Non, mais juste si cette histoire perdure, faudra me donner les codes hein, parce que moi je veux toujours connaître les détails croustillants des baises et là si c'est avec Jay, est-ce que je pourrais toujours demander ? m'interrogea Luka, les yeux plissés et l'expression trop sérieuse.

—   Putain, jurai-je entre mes dents. Ça suffit, arrêtons d'en parler, s'il vous plait. Si notre relation dérange, on ne viendra aux soirées.

—  Mec, ça ne dérange personne, sauf peut-être Théo, mais on s'organisera. On est tous amis, même si vous ne vous parlez plus, on va pas arrêter de se fréquenter ! assura Frank. 

Je souris à cette déclaration bienfaitrice. Le sujet fut clos, tout le monde était conscient que c'était trop délicat pour le moment.

Pour autant, je me sentais rassuré dans le fait qu'ils restaient mes amis et qu'ils ne me tourneraient pas le dos, quand bien même Théo l'avait fait.

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