Chapitre 25 : La colère...

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          Les coups s'échangèrent. Plus souvent sur le vide que sur un véritable obstacle. Les étincelles avaient remplacé le bois, le silence la présence. Le cadeau avait remplacé son propriétaire.

Une nouvelle fois, Kylo Ren avait disparu de mon existence.

Les yeux clos sous le foulard, je tentais d'ignorer à quel point cette absence me pesait. Il me man...

Une vibration dans l'air me fit bondir une demi-seconde avant que le sol ne se mette à fumer à l'endroit où je m'étais tenue immobile un peu trop longtemps. Je retrouvais avec délice la souplesse de mon corps, celui de la mercenaire. J'inspirais et resserrais inconsciemment mes paumes autours de la garde. Le Griffe me semblait plus proche de la surface de jour en jour.

Pourtant, si mon corps s'était aiguisé, mon esprit demeurait engourdi. Je le percevais dans mes sens moins affutés, dans mon instinct presque éteint, et dans le vide immense de cette part de ma psyché hors de portée. Certains jours, ce gouffre se faisait moins profond. Ces journées-là, les mouvements de la sphère d'entrainement me paraissaient presque perceptibles au delà du tissu opaque. Je les devinais malgré mes paupières closes, comme s'ils étaient dessinés dans l'air. Il me suffisait alors de saisir les fils et de les suivre. Malheureusement, plus souvent, l'atmosphère autour de moi restait aussi dense que la houille. J'avais alors la désagréable impression de me débattre dans le noir. Dans ces moments-là, j'évitais tout juste les tirs de semence. Et ne parvenais presque jamais à renvoyer les attaques de mon adversaire.

Cette dualité me pesait de plus en plus. Celle des jours où j'étais assez forte pour redevenir moi et celle des autres, où la peur me muselait, où l'échec me liait. Il y avait la Griffe, la femme que je tentais de retrouver, et l'autre, cette créature faible et apeurée par son ombre, que j'étais devenue. Je détestais balancer entre les deux. Je m'en voulais d'être incapable de me détacher de l'une ou de l'autre. Je les trainais toutes les deux dans mon sillage, sans jamais vraiment être l'une ni l'autre. Elles n'avaient qu'un seul point commun : la colère. 

Celle qui me rongeait le sang. Celle qu'alimentait ma rage de l'échec, que nourrissait ma peur, et que ravivait mes cauchemars. Des songes que je ne saisissais pas encore totalement, mais qui trempaient dans cette colère. La fureur était toujours là, sous une forme ou une autre, que sa cible soit désignée ou non, vive ou latente, puissante ou diffuse. J'en connaissais le parfum, les teintes et déclinaisons. Je les avais toutes senties, vues ou goûtées. Pourtant, je n'aurais jamais cru qu'elle serait le seul lien que je percevrais si clairement.

Je la sentais gonflée dans ma poitrine suivant le flux croisant de mon agacement. Aujourd'hui, j'étais aveugle. Je m'abimais dans l'obscurité sans parvenir à la déchirer, subissant la brûlure des tirs d'entrainement. Je détestais ça. Je détestais perdre. Je détestais que mes progrès soient si instables. Je me détestais de me laisser troubler par ça. Et je me détestais d'être perturbée par une absence qui n'aurait pas dû me peser.

Un foudroiement transperça mes faibles défenses et piqua ma peau dans une décharge. Je sursautais et soupirais un juron, les dents serrées. 

Concentre-toi, Haine. Concentre-toi. Me morigénais-je pour la énième fois. La sueur poissait mon front et collait des mèches écarlates contre ma peau. Tu peux le faire. Ce n'est pas si compliqué.

Ce n'était pas compliqué lorsque c'était lui qui le faisait.

Pour une raison obscure, ça ne semblait jamais difficile lorsqu'il s'agissait de Kylo Ren. Il avait dans sa manière de bouger, si fluide et contrôlée, une raillerie sous-adjacente, qui si elle n'était pas destinée uniquement à m'insupporter, y arrivait pourtant très bien. Il n'avait fait qu'une bouchée de la sphère d'entrainement, se laissant à peine effleuré et la neutralisant d'un seul ricochet parfait et précis. Je le soupçonnais d'avoir bien voulu se soumettre à l'exercice uniquement pour me gratifier d'un regard narquois de défi. L'un de ses regards embrasés d'un éclat particulier qu'il semblait m'adresser de plus en plus souvent dernièrement. 

Unforgettable - Tome 2 (En pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant