Debout, face au vide, Kylo Ren réfléchissait. Ses pensées tourbillonnaient dans son esprit comme dans un verre d'eau. Prisonnières d'un bal d'encre, elles diluaient leurs chevelures sombres, étiraient leur voile teinté et s'effilaient dans le sillage de leur traîne bleutée. Il ne parvenait pas à toutes les rattraper. Elles se formaient et lui échappaient presque aussitôt. Elles n'avaient qu'un seul point commun : une jeune femme hostile à la crinière de feu.
Haine était l'épicentre du séisme qui dérobait la terre sous ses pieds. Il en avait cruellement conscience alors qu'il tentait de rester debout. Le sol grinçait, pris de soubresauts, et menaçait de l'éjecter, l'avaler dans la gueule obscure d'un monstre qu'il ne verrait même pas surgir. Il avait beau voir arriver le phénomène, il ne pouvait pas l'empêcher. Il ne parvenait même pas à le comprendre, il ne pouvait que tenter de l'étudier. Alors, c'est ce qu'il faisait, seul, le dos bien droit, les bras croisés, le visage fermé, dans cette immense plateforme de verre tendue vers les hangars et le fourmillement de leur vie microscopique.
Il essayait d'analyser la situation dans son ensemble, avec logique. Il se remémorait avec détachement les évènements de la veille. Le silence de sa chambre, le poids soudain de la lame sur sa gorge, la brûlure de l'acier et la tiédeur du sang. La suite était plus brusque, saccadée. Le mouvement presque automatique de son corps, la table brisée, et Haine. Sa chevelure de rouille perlée de verre, la lueur bravache de son regard sombre, sa colère, sa rancune exacerbée, et ses lèvres pleines, qui hurlaient des mots qu'il n'entendait pas. C'est à ce moment-là, précisément, que son esprit critique disparaissait. Il se consumait, brûlé par la douceur de sa bouche, grillé par le torrent de sensations qu'il ne pouvait endiguer à chaque fois. Dès qu'elle était prêt de lui, dès qu'il la touchait, même simplement lorsqu'il percevait sa présence. Le reste, il n'avait pas besoin de se pencher dessus. Il était tout aussi frais dans sa mémoire.
Mais le seul point d'ombre sur lequel il ne parvenait pas à lever le voile lui échappait toujours. Où était passé le poignard? Il avait beau se repasser leur altercation mentalement, il ne parvenait pas à éclaircir ce minuscule détail qui le dérangeait tant. Haine avait forcément une arme. La seule question était de savoir où est-ce qu'elle l'avait obtenu et quand. Parce qu'il était certain qu'elle n'en avait pas lorsqu'il l'avait ramené dans sa chambre. Elle ne l'avait pas, ni avant ni après. Il ne l'avait pas fouillé lui-même, mais il ne pouvait pas en être autrement, sinon l'interrogatoire n'aurait jamais été aussi loin et elle n'aurait pas eu besoin de lui, tout comme elle ne l'aurait jamais laissé l'approcher. Alors d'où sortait-elle?
Et où était-elle désormais? Après leur altercation, lorsqu'elle avait fui, la jeune femme ne s'était pas arrêtée pour la ramasser. Elle ne l'avait même pas cherchée. Et il ne l'avait pas retrouvée. Nul part. Elle semblait s'être envolée, avoir disparu, comme si elle n'avait jamais été là. Il ne comprenait pas. Il n'imaginait même pas comment cela pouvait être possible. Le droïde qu'il avait appelé pour ratisser la pièce n'en avait pas trouver la moindre trace.
Pourtant, il y avait forcément eu un poignard...
D'un geste machinal, il effleura la coupure rosée de sa gorge. Ses doigts n'eurent aucun mal à retrouver l'entaille. Elle était là, palpable, réelle, tout comme sa légère douleur, un pique électrique qui lui rappelait que la peau avait été tranchée, nette. Il aurait dû être furieux, contre lui-même de s'être laissé avoir si facilement, contre elle de l'avoir blessé alors qu'il n'était pas une menace. Il s'était laissé aller à oublier la méfiance. Et il se le reprochait amèrement.
Sa main dévia légèrement, inconsciemment, survola son menton, jusqu'à la morsure à vif de sa lèvre inférieure. Le même sursaut douloureux remonta le long de ses terminaisons nerveuses, mais en plus puissant, plus agressif. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de passer sa langue sur la point d'impact de ses crocs, ravivant à chaque fois le pique de souffrance. Un ricanement étouffé fit sursauter son torse. Il n'y croyait toujours pas. Haine l'avait mordu. Elle n'avait pas eu la moindre hésitation. Alors qu'il l'embrassait toujours, elle n'avait pas eu le moindre doute en attrapant sa lèvre entre les siennes, et en y mordant à pleine dent.
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Unforgettable - Tome 2 (En pause)
FanfictionCertains disent que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Ceux-là devraient revoir leur manière de penser. Il y a des désirs si violents qu'ils ne peuvent être étouffés, des actions si inattendues qu'elle ne peuvent être effacées, et des crime...