Unforgettable - Tome 2 (En pause)

Darknesstime 3 : Kylo Ren

         Ses pas crissaient sur la neige gelée. Le bruit était assourdissant. Il en ressentait l'écho jusqu'au plus profond de son être. Il sonnait comme le glas. Il avait le même grésillement désagréable que le couperet prêt à lui trancher la nuque.

Il avait encore échoué. Encore une fois, il arrivait trop tard. Les informations du traiteur de chair Dorcas avait la même température que son corps mort, la même froideur que ce lieu désert. Elles étaient glacées. La piste gelée s'arrêtait ici et ne menait pas plus loin.

Alors qu'il parcourait les couloirs de la base abandonnée, la Résistance demeurait hors de sa portée. Malgré ce qu'il avait promis au Suprême Leader, elle lui échappait toujours. Sa rage avait parlé pour lui. Elle l'avait poussé à l'imprudence. Snoke avait été clair. Il n'avait plus de temps. Il en manquait cruellement désormais.

Le désaveux de son maître, l'errance dans ce paysage figé de poudre blanche et la sensation trop présente des souvenirs à la lisière de sa conscience menacèrent de le faire basculer. Le corps tremblant, des images indésirables se pressaient sous son crâne. La brûlure des souvenirs ne tarda pas à se répandre. Tandis qu'il déglutissait face à tous ses écrans froids et endommagés, il n'avait aucun mal à la percevoir. Son essence était partout. Il sentait presque son parfum dans l'air. Léger, fleuri, ensoleillé. Il avait beau ne pas l'avoir respiré depuis des années, il lui revenait soudainement. Curieuse chose que la mémoire humaine. Il avait beau avoir chassé ses souvenirs, les avoir brûlés et enfouis sous la cendre, ils étaient toujours là. Ils demeuraient et se rappelaient à lui lorsqu'il le voulait le moins. Lorsque ses faiblesses devenaient trop évidentes...

Bien malgré lui, il ne pouvait se défaire de cette présence. Il ne pouvait chasser son souvenir. Du moins, pas définitivement. Il n'avait qu'à se retourner pour apercevoir sa silhouette penchée vers un diagramme désormais disparu. La fatigue ne lui ôtait rien de sa grâce naturelle. La douleur n'entamait pas sa détermination, ni sa bravoure. Plus que jamais, les épreuves la faisait se démarquer du reste de la foule. D'une certaine manière, elle irradiait, de sagesse et de compassion, d'une puissance tranquille et d'une force souveraine. Le Seigneur des Chevaliers de Ren inspira, les poings serrés. Sa vision était une douce torture. Il ne pouvait pas s'empêcher de la chercher, de rechercher sa chaleur réconfortante, sa tendresse maternelle, cette amour tout simplement. Un amour qu'elle lui portait toujours malgré tout ce qu'il lui avait fait endurer. Qu'elle continuait à lui prodiguer alors même qu'il lui avait presque tout pris et souhaiter détruire ce qu'il lui restait. Il désirait autant sa présence qu'il la fuyait. C'était un cercle vicieux, une ronde fatale. Leur prochaine rencontre, leur seule rencontre, devrait être la dernière.

Pour l'un d'eux.

Quand il rouvrit les paupières, le mirage avait disparu. Mais la sensation était encore là, troublante par sa puissance, réconfortante par sa familiarité et infiniment dangereuse par sa douceur. Elle pulsait de vie à travers les échos de la Force. Elle demeurait dans l'air, s'infiltrait sous sa peau et s'ancrait dans son cœur. Kylo Ren se retrouva seul face au vide, le corps secoué par un incendie naissant. Son cœur agonissait, victime d'une morsure violente qu'il pensait presque avoir oublié. La princesse Leia, la Générale Organa, tant de noms pour une femme qui demeurait avant tout pour lui et pour toujours sa mère. La seule et l'unique. Le dernier maillon de sa vie d'avant, de son humanité, avait-il parfois l'impression. Plus que jamais, il ressentait la déchirure qui aurait pourtant dû s'être comblée. Ses poings se serrèrent.

Il avait tué Han Solo.

Il avait tué son père. Ce père absent et presque fuyant. Celui qui n'avait pas su comment gérer la particularité de son fils, qui l'avait confié à un oncle déjà en prise avec ses propres démons. Il l'avait tué. Pour Snoke, pour le Coté Obscur, pour lui, pour qu'enfin cette faille cesse de pulser au même rythme que son cœur et que son sang arrête d'irriguer la plaie toujours à vif. Il l'avait fait. Avec une pointe d'hésitation, mais sans regret. Du moins, il tentait de s'en convaincre. Il devait s'en persuader. Mais la blessure continuait de saigner, encore et toujours, toujours un peu plus, et elle lui jetait sarcastiquement la vérité au visage. Elle était encore là. Elle n'avait pas disparu. Au contraire, plus il devait s'approcher de la chute de la Résistance, plus elle s'éventrait. Un liquide poisseux s'en déversait, s'en écoulait lentement, dans l'attente de pouvoir noyer la dernière étoile de sa nuit glacée.