- Donc... Tu le connais?
- J'ai jamais dis ça, contrais-je aussitôt, sans pour autant me détourner du réacteur défectueux.
- Mais oui, et moi, je suis une sainte!
- C'est toi qui le dis, parvins-je à me moquer malgré mes nerfs à fleur de peau.
Je devais me détendre. Je devais vraiment me calmer. Je me le répétais alors que mes doigts courraient le long des circuits électriques, caressaient le métal et se faufilaient dans les interstices. J'avais besoin de me changer les idées. Un besoin physique, vital, pour ne pas penser au corps inconscient sur le canapé déformé derrière moi.
- Bien. Alors pourquoi tu lui as explosé la mâchoire?
- Je ne lui ai pas explosé la mâchoire! maugréais-je, une clé entre les mains.
Je n'avais pas besoin de me retourner pour imaginer la scène dans mon dos. Tundra devait sans aucun doute être penchée au dessus du résistant, à observer les angles de son visage, à le frôler du regard, le dévorer sans le toucher, en pensant à combien il était sexy, combien sa peau halée devait être agréable, ses boucles brunes douces sous leur indiscipline, et ses yeux...
- Ouais, tout juste, ironisa mon interlocuteur.
Je soupirais et levais les yeux au ciel, sans savoir à laquelle de mes pensées elle s'adressait réellement. Ce n'était vraiment pas le moment pour ça.
- T'inquiète pas, il s'en remettra. Il en a vu d'autres.
Puis, sans attendre de réponse, je donnais un brusque coup de levier pour déloger un écrou. Le métal gronda et se tordit. Le tremblement remonta le long de mes bras, résonna jusque dans ma poitrine, son écho obstruant mon ouïe, effaçant mes perceptions. Pendant un instant, une infime seconde, j'espérais qu'elle allait lâcher l'affaire.
C'était sans compter son obstination qui frôlait presque la mienne.
- Oh! Come one, Krisha! Tu comptes vraiment faire comme s'il ne s'était rien passé? Ce gars se pointe et tu lui décoches un crochet, sans même ôter tes gants! Tout ça, juste devant Campion en prime! Tu veux vraiment me faire croire que c'est rien? cliquetèrent ses talons dans mon dos.
Mes épaules s'affaissèrent. Merde. Elle était vraiment forte. Les bras appuyés sur les bords de la carlingue abimée, je laissais ma main pendre sous le poids de la clé, le temps de trouver mes mots. Malheureusement, plus je passais ma langue sur mes lèvres, plus cette dernière semblait les effacer.
Finalement, à court de tout, d'idées, de mensonges, de demi-vérités, je basculais vers Tundra, pour la trouver effectivement les bras croisés. Mais bien sagement adossée au mur, loin du pilote.
- Qu'est-ce que tu veux que je te dise? soufflais-je un brin agacée par son désir subite de me tirer les vers du nez, contre moi qui n'avait pas su gérer, et contre Poe qui n'avait rien à faire là!
Surtout contre Poe.
- J'ai paniqué, ajoutais-je dans un sursaut d'épaules, avant de retourner à ma boite de conserve. C'est tout.
Un éclat de rire me donna une furieuse envie de la mettre à la porte.
- Toi, paniquer? Don't laugh at me! Tu ne paniques sempre!
Je ne tiquais pas au langage de Tundra. Je m'étais habituée à l'entendre passer d'une langue à l'autre sans ordre ni cohérence. Que ce soit simplement sa manière de s'exprimer ou bien le dialecte de son peuple, cela ne me surprenait plus. Elle se jouait des langues avec habilité, lié des termes aux sonorités variées, et ne manquait jamais de mots pour exprimer le fond de sa pensée. J'avais beau être familière de plusieurs langues, elle parvenait encore à me surprendre. Elle faisait rouler les syllabes comme personne d'autres, ravivait sur ses lèvres des chants depuis longtemps oubliés, dépoussiérait des paroles qui n'avaient plus de sens, l'avaient perdu une éternité de cela.
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Unforgettable - Tome 2 (En pause)
Fiksi PenggemarCertains disent que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Ceux-là devraient revoir leur manière de penser. Il y a des désirs si violents qu'ils ne peuvent être étouffés, des actions si inattendues qu'elle ne peuvent être effacées, et des crime...