Estomaquée, il fallut plus d'une seconde pour que l'information parvienne à mon cerveau. Il avait recommencé. Ses lèvres étaient contre les miennes. Ce simple constat semblait faire disjoncter tout instinct de survie de ma part. Mon premier et unique réflexe fut de reculer. Vainement. Mon corps heurta la chaise dans mon dos.
L'idée d'user de mes paumes pour le repousser m'effleura avec un temps de retard. Une énorme latence dont il profita sournoisement. Sa langue glissa sur ma lèvre inférieure, enflammant sa pulpe d'un simple effleurement, quémandant une autorisation qui m'échappait. Je déglutis avec maladresse sous la surprise et tentait de m'éloigner à nouveau, sans succès. Un bras passé dans mon dos m'ancrait solidement contre lui. A court de souffle, inconsciente d'avoir retenu ma respiration, je pinçais les lèvres désespérément incapable d'envisager la suite. Dans un sursaut, je me visualisais le mordre, comme la dernière fois, inverser les rôles et reprendre le contrôle. C'était sans compter sur la faille de mon propre plan.
A peine eus-je entrouvert les lèvres que sa langue envahit ma bouche. L'intrusion coupa net mon élan de rébellion, mais ne fut pas la plus déplaisante. La sensation du liquide froid s'engouffrant dans ma gorge me déstabilisa et me rebuta. Mon cerveau marqua un nouveau temps d'arrêt. Et je manquais de m'étouffer.
Mon corps se défendit instinctivement contre un autre étranger. L'eau glissant dans ma gorge n'aurait pas dû y être. Pourtant, je ne pouvais pas la recracher. La bouche écrasait contre la mienne m'en empêchait. L'air bloqué dans les poumons, l'angoisse submergea mes terminaisons nerveuses de messages contradictoires. A bout de souffle, la noyade me menaçait.
Une noyade à l'air libre.
Le sang battait avec virulence à mes tempes lorsque je retrouvais de l'oxygène. Ma première respiration érafla les parois de ma gorge. Mon souffle s'était transformé en ronces épaisses tandis que je crachotais. Un liquide inconnu poissait mes lèvres, ma bouche, mon menton. Sa morsure froide détrempait ma peau en plusieurs trainées qui gouttaient encore de ma mâchoire.
Haletante, je peinais à retrouver mes esprits. Le sentiment de manquer d'air pulsait férocement dans ma poitrine. La sensation de suffoquer s'inscrivait encore dans ma chair, la calcinant, brûlant mes bronches et réduisant mon cœur en cendre. Mon souffle me fuyait et m'étourdissait. La main froide qui glissa contre ma joue ne parvint pas à les faire taire.
Bien au contraire, elle attisa les braises avant que la torture ne reprenne.
Ma respiration se coupa quand sa bouche retrouva la mienne. Mon cœur bondit d'appréhension tandis que ma cage thoracique se comprimait, comme pour se refermer sur elle-même et mieux se protéger. Mon corps eut un mouvement de recul instinctif et mes lèvres se pressèrent l'une contre l'autre. La brûlure du liquide dans ma gorge était encore trop présente, trop pesante pour que ma méfiance s'éteigne.
Une main ferme contre ma nuque en décida pourtant autrement. Me forçant à basculer la tête en arrière, ses doigts pressèrent mon cou jusqu'à me faire grimacer. Le liquide coula immédiatement entre mes lèvres et se déversa dans ma gorge. La morsure fut moins brutale la seconde fois. Pourtant, l'impression était toujours désagréable.
La difficulté à respirer, l'impossibilité de se dégager, l'incapacité à se faire entendre.
Ce corps étranger qu'on insérait de force dans votre gorge, ce liquide qu'on vous forcer à boire, cette pression qui vous bâillonnait, vous écrasait contre votre volonté.
Je n'avais pas besoin qu'on me nourrisse. Je n'étais pas une petite fille, incapable de me défendre ou de prendre soin de moi. Je n'étais pas fragile. Pas plus que je n'avais besoin de protection.
VOUS LISEZ
Unforgettable - Tome 2 (En pause)
FanficCertains disent que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Ceux-là devraient revoir leur manière de penser. Il y a des désirs si violents qu'ils ne peuvent être étouffés, des actions si inattendues qu'elle ne peuvent être effacées, et des crime...