Unforgettable - Tome 2 (En pause)

Chapitre 3 : Lance

        La douleur brûlait jusque derrière ses orbites. Son crâne, trop lourd, était pris dans un étaux, prisonnier d'une main de fer, qui le broyait au rythme des élancements de sa mâchoire. Il n'osait même pas la bouger, même pas la détendre pour s'assurer qu'elle était entière. Le coup l'avait presque démisse, il en était convaincu. Sinon, pourquoi aurait-elle été si douloureuse?

Il s'était déjà pris des droites. Mais jamais aucune n'avait laissé une souffrance d'une telle intensité. Il sentait son os, à la fois trop pesant et englouti derrière la souffrance. Il avait l'impression de s'être pris un X-Wing en plein décollage. Un bourdonnement diffus emplissait ses oreilles, noyant le reste, l'abrutissant des battements répétitifs de son cœur.

Le pilote avait la désagréable sensation d'être sous l'eau. Il ressentait chaque parcelle de son corps avec précision, mais avait l'impression d'être coupé du reste du monde. Il n'y avait que lui, la brûlure de sa mâchoire, le bourdonnement constant de son ouïe et le métronome dans sa poitrine.

Jusqu'au premier coup contre le métal.

Le tremblement du fer déchira le voile d'eau. Se perdant dans les méandres de son esprit, le choc se répercuta dans ses membres, les électrisant. Un nouveau coup vint cisailler son crâne, comme si sa tête allait se fendre. Avant que le bourdonnement ne soit relégué de plus en plus loin, à chaque coup porté contre le métal. Il connaissait ce son. Tout comme l'odeur qui l'enveloppait. L'odeur du cuir, du cambouis, du carburant, de la poudre et des circuits chauffés. Le tout se mélangeait, musqué et fort au point de lui donner le tournis par leur familiarité. Ce constat le rassurera. Lentement, alignant ses inspirations aux chocs métallique, il se détendit.

La souffrance était toujours là, terrible et puissante, néanmoins, elle n'était plus tout. Elle s'évanouissait et se ravivait alors qu'il tentait de rassembler le puzzle de ses souvenirs. Il n'était plus exactement certain de la dernière chose dont il se souvenait. Il y avait trop d'éléments dans le film qui se repassait sous ses paupières.

Un regard clair, sous des mèches de sang, écarquillé par la surprise.

Puis des lèvres pincées, craquelées, ramenées en une seule ligne mince, mordillées par un coup de dents nerveux.

Et le coup de massue.

Celui qui l'avait projeté au tapis sans la moindre hésitation, la moindre chance de répartie.

Celui qui lui avait explosé la mâchoire. 

Toutes ces images, Poe les avait en mémoire. Mais il ne les comprenait pas. Il ne parvenait pas - ne voulait pas - les comprendre. Parce que ce qu'elles signifiaient était encore pire que ce qu'il pensait.

- C'est pas en tapant dessus comme ça que tu vas en tirer quelque chose.

Le pilote sursauta. Cette voix, elle aussi, il la connaissait. Ses poings se crispèrent. Et pour la première fois, il réalisa qu'il était couché. Distraitement, du bout des doigts, il survola la surface lisse qui le supportait. Du cuir.

- Tu préférais que je frappe sur toi? cracha une femme.

Un sifflement amusé répondit à la menace, pas le moins du monde alarmé.

- Tundra m'avait dit que tu étais de mauvaise humeur, mais je ne pensais pas à ce point.

- La faute à qui? Je peux savoir ce qui t'a pris?

Poe n'avait même pas besoin d'ouvrir les yeux pour savoir qu'elle était furieuse. Il prit alors la plus sage des décisions : continuer à faire comme s'il était inconscient. Les deux autres pouvaient allégrement s'étriper, tant qu'ils le laissaient en dehors de leur querelle.