Chapitre 19 : La proposition de Noor

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        La sueur poissait mon front. Je l'essuyais d'un revers de bras et repoussais quelques mèches collées par la même occasion. Je détestais cette sensation autant que je l'aimais. Sentir l'étreinte moite de la transpiration se refermer autour de mon corps au fil de mes mouvements, lents puis rapides, parfaitement contrôlés ou purement instinctifs, était aussi grisant que désagréable.

La sensation déplaisante de la moiteur surgissait lorsque je m'arrêtais. Quand mon souffle butait hors de mes lèvres et refroidissait cette si fine pellicule sur ma peau. Un corps échauffé dans une atmosphère soudainement plus fraîche. Le moindre flux dans l'air suffisait à griffer mon épiderme humide. Je détestais cet instant, cette ultime sensation. Elle sonnait la fin de cet abandon bienvenu.

Je détestais les fins.

Alors j'armais de nouveau mes bras.

Mon cœur battait sous mes côtes, portant chacun de mes pas. Ses pulsations projetaient mes poings toujours plus loin. Je le suivais avec délice, oublieuse de cet hydromel, assoiffée d'adrénaline. La pièce tournait autour de moi, sans que je ne m'en lasse jamais. Elle apparaissait et disparaissait au fil de mes esquives, de mes feintes et de mes attaques. Je me plongeais à corps perdu dans cette valse étourdissante de sensations nouvelles et pourtant familières. L'air luttait dans mes poumons, se déchaînait dans ma cage thoracique, trop à l'étroit, trop pressé d'en ressortir. Ma gorge le buvait pourtant encore et encore, avec la même soif dévorante.

Je me laissais porter. Les yeux fermés, je reproduisais ses mouvements qui m'avaient hypnotisée, qui dansaient souvent sous mes paupières jusque dans le creux de la nuit. Mes muscles avaient beau eu crier leur mécontent durant les premiers jours, et encore parfois aujourd'hui, je le sentais plus enclins à cet exercice. L'adrénaline n'effaçait pas tout. Elle rendait seulement plus flou la douleur physique, ces déchirures de la chair et ces contractions internes ; elle ne pouvait effacer la souffrance psychique, elle ne pouvait que l'émousser, la distendre le temps d'une danse erratique. Mon corps retrouvait progressivement sa souplesse. Ma course se faisait plus agile tandis que mon esprit se purgeait de ses questionnements sans fin.

J'oubliais ce que je ne désirais pas voir et me concentrais sur ce que je pouvais tirer de mon ennemi.

Même si les deux avaient de plus en plus de mal à se dissocier sous mes paupières closes.

Si je voulais me concentrer sur ses mouvements, je ne parvenais pas tout à fait à supprimer le corps de celui qui les réalisait. La silhouette puissante qui se mouvait pourtant avec une grâce innée. Le corps imposant, noueux, qui s'élançait, jonglait, virevoltait, feintait et attaquait avec une agile maîtrise et une incomparable dextérité. L'homme, tout simplement, qui me fascinait autant qu'il me répugnait. Kylo Ren avait quelque chose de troublant, quelque chose qui m'inspirait, m'éveillait, m'incitait tous les jours à l'observer, à contempler le battement de ses veines étirées sous sa peau tendue, de ses muscles contractés par l'effort, des vibrations de son torse à chaque halètement, et à frémir lorsqu'il atteignait son adversaire invisible, le briser, le mettait à genoux et l'achevait. Il m'attisait comme le forgeron ravive les braises. Et ça m'effrayait, parce que cela signifiait qu'il avait une emprise sur moi, une emprise dont je n'étais pas certaine de pouvoir me défaire.

Aussi certainement qu'il réveillait ce feu dans ma poitrine, il pouvait me tuer d'un revers d'eau glacé.

Je ne pouvais pas me permettre de lui donner ce pouvoir, sur moi, sur ma vie. Pourtant, même s'il l'ignorait, je ne pouvais nier que je l'avais déjà fait.

Kylo Ren n'était plus seulement mon tortionnaire. Il était devenu mon seul point de repère.

Et cela me contrariait prodigieusement, à un point qui me donnait envie de hurler et de briser tout ce qui me tombait sous la main.

Unforgettable - Tome 2 (En pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant