Chapitre 24 : Une force

56 5 0
                                    


          J'expirais dans un souffle silencieux, les poumons incroyablement comprimés par leur protection d'os et de chair. La lumière écarlate brûlait toujours mes rétines sous mes paupières. Ma bouche me lançait d'une douleur lancinante, de la morsure d'une autre. Je me recroquevillais sur moi-même et serrais les poings plus fort, broyant la douceur du tissu entre mes phalanges.

Le drap murmura dans le mouvement d'un autre. Si faiblement, si discrètement, que je ne l'entendis pas. Seul l'écho de ma respiration explosait sous mon crâne alors que je réprimais mes sanglots. Le flamboiement de ma colère se noyait sous le déluge de mon angoisse, de mes doutes et de mes terreurs. Doucement, une chaleur tiède et rassurante se répandait dans mon dos et apaisait mes tremblements.

- Tu veux en parler?

L'interrogation surgit de l'obscurité m'arracha un sursaut. Dans un réflexe, je me reculais... et mes omoplates heurtèrent les siens. La réalisation de sa proximité me priva de tout oxygène. Je plantais mes dents dans ma lèvre, sans plus oser bouger.

Et sans en avoir réellement envie. 

- De ton cauchemar. Se crut bon d'expliciter l'homme dudit cauchemar.

Mes mâchoires se crispèrent sur un hurlement silencieux. Mon cœur se déchirait dans ma poitrine à chaque nouveau battement. J'aurais voulu répondre que non, j'en étais incapable. Au désespoir, je secouais la tête, sans savoir s'il pourrait même le percevoir.

Pourtant, le silence qui nous recouvrit de nouveau sembla indiquer qu'il avait compris. 

Je pressais mes paupières comme si cela pouvait faire disparaître les pensées intrusives qui surgissaient alors que je ne les attendais pas. Je n'avais pas besoin, pas envie de m'attarder sur sa proximité, sur la manière qu'il avait de me comprendre même sans un mot, de surgir exactement lorsque j'en avais besoin. C'était déstabilisant. Rassurant et extrêmement... dérangeant.

Dos à dos, j'attendais jusqu'à ce que ma respiration cesse de se débattre dans ma gorge, jusqu'à ce que les battements enragés de mon cœur se callent sur d'autres, un peu plus lents, d'une cadence moins éprouvante. Ils pulsaient avec une étrange douceur contre ma peau, transperçant ma chair sans l'écorcher, s'insinuant en échos vibrants d'une force tranquille jusqu'à ce noyau douloureux  sous mes côtes.

J'étais frigorifiée, sa chaleur me réchauffait.  Comme toujours. Son contact engourdissait mon épiderme, apaisait mes maux, me rassurait. Comme à chaque fois. Alors je ne luttais pas contre, je laissais sa présence détendre peu à peu mes muscles, en commençant par ceux de mon dos refermés sur moi comme une armure de cuir épaisse.

Les secondes déroulèrent leur ronde infernale sans qu'un son de plus ne soit prononcé. Alors que l'obscurité profonde reprenait ses droits, je le crus presque endormi. Son immobilité et la mienne valaient celles de statues de gré. Seule sa respiration crevait la surface lisse de la nuit. Une respiration que j'avais suffisamment entendu pour en discerner les infimes variations. Ainsi, j'en avais la conviction, mon compagnon d'infortune ne s'était pas encore abandonné au repos.

J'essayais de ne rien laisser paraître tandis que je pinçais les lèvres, mes doigts se refermant plus fermement sur le drap déjà malmené comme pour me retenir. Me retenir de me retourner vers lui et de me nicher contre lui. J'étais assoiffée de contact, narguais par une source à laquelle je ne pouvais pas m'abreuver.

Avec une lucidité étrange, je réalisais qu'il avait réussi. Il y a longtemps, Kylo Ren m'avait dit de me considérer comme prisonnière. Il ne pouvait pas me tenir plus captive qu'en cet instant, désireuse d'une chose que je ne pouvais avoir. 

Unforgettable - Tome 2 (En pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant