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Moi qui pensais que les Traqueurs me laisseraient mourir d'ennui pendant plusieurs heures, je suis servie.
Par contre, Jojo, lui, n'a pas le droit de se reposer. En même temps, je pense qu'il est là depuis un petit bout de temps déjà, puisqu'il en sait beaucoup sur les Traqueurs. Enfin, je suppose. Il ne m'a rien dit à ce propos. Il faudra que je lui pose la question, à l'occasion.
Bref, il y a dans notre chambre un Traqueur qui a failli nous surprendre en plein échafaudage de plan de rébellion, et il vient chercher Jojo pour son entraînement.
Mon allié se lève du lit sur lequel il était assis et suit docilement le soldat, non sans me jeter un regard plein d'appréhension. Ça doit être la première fois qu'il va au fameux entraînement dont il m'a parlé tout à l'heure, et il a peur, ça se sent.
Je fais ce que je peux pour l'encourager. C'est-à-dire que je sors une réplique de film (vous l'aurez compris, je suis incapable de participer à une conversation sans caser au moins une citation).

- Que la Force soit avec toi, jeune Padawan !

Mon intervention a l'air de lui donner un peu de courage, car il me répond sur le même air complice.

- Eh ! Moi, je suis un Jedi !
- Va, Padawan incapable. Ne pas mourir, tu dois. Sinon, seule je serai.
- Compte sur moi, petit Padawan !

Pour une fois, je ne relève pas la vanne. Je crois que moi aussi, j'ai peur. D'un tas de choses.
Le Traqueur, qui n'a pas dit un mot jusque-là, s'exprime enfin. Son intervention se limite à un mot.

- Avance.

Oh, mon dieu. Le Traqueur a la même voix que Dark Vador ! Entre sa capuche qui plonge son visage dans l'ombre, son costume entièrement noir et sa voix de l'Empereur Sith, il est franchement flippant.
Et je crois que la ressemblance n'a pas échappé à Jojo qui se mord la lèvre pour ne pas rire. Mais son hilarité est de courte durée, puisque le Traqueur se fait plus insistant et le force maintenant à avancer.
À ce moment précis, j'ai peur de ne plus jamais voir Jojo. Parce que oui, en dépit de ses moqueries incessantes et de son sourire en coin qui ne le quitte pas, et même si on ne se connaît que depuis peu, je tiens à lui. Un peu. C'est la seule personne sympathique que j'ai rencontrée ici, la seule personne qui me comprend et qui a les mêmes objectifs que moi. C'est mon allié, et c'est aussi ce qui se rapproche le plus d'un ami pour moi.

Stop la complainte et on lance la musique triste : It's been a long day, without you my friend. And I'll tell you all about it when I see you again.
Ah non, pardon, je me suis trompée de chanson. Celle-ci (See you again de Charlie Puth et Wiz Khalifa) est réservée au moment où je reverrai Jojo.
Les premières paroles de Baby I'm Yours me paraissent plus adaptées : I thought I had it all together, but I was led astray the day you walked away.
Je commence un tout petit peu à paniquer. La porte vient de se fermer, me laissant seule dans la chambre affreusement silencieuse maintenant que Jojo est parti.
Comment passer le temps, comment passer le temps, comment passer le temps... Je sais !
Je vais nous trouver nos noms de code !
...
Je plaisante. Les noms de code sont loin d'être le plus important.

Je suis toute seule, désormais. La meilleure chose à faire est de commencer mon plan, et je le partagerai avec Jojo une fois qu'il sera revenu de l'entraînement.
Réfléchissons... Comment mettre hors-service d'un seul coup tous les Traqueurs ? Il faudrait pouvoir réduire leur super-ouïe, pour qu'ils n'entendent plus que comme des humains normaux. Mais comment faire ?

***

Avoir des ambitions, c'est bien beau, mais les mettre en œuvre, c'est une autre paire de manches.
Ça fait deux heures (enfin, je crois... je n'ai aucune notion du temps) que je suis coincée dans ma cellu- euh, ma chambre, et je n'ai toujours pas trouvé le moyen de mettre KO les Traqueurs et leur super-pouvoir.
Par contre, j'ai trouvé plein de vannes à lancer à Jojo ! ... pas sûre que ça me soit très utile.
Je fais les cent pas depuis dix minutes, le temps commence à devenir long, trèèès long, surtout que je meurs de faim, je ne sais même pas quelle heure il est, je me sens terriblement seule, je veux rentrer chez moi, j'en ai déjà marre de cet endroit, ma famille me manque, je déteste ce gouvernement qui interdit l'une des plus belles choses au monde et je-

- À ton tour.

Ah, tiens. V'là aut'chose.
Un autre Dark Vador vient de faire irruption dans la chambre, interrompant le flot de mes pensées. Et visiblement, je dois partir pour mon premier entraînement moi aussi. Youpi.
J'essaie de me lever, mais mes jambes refusent de m'obéir. Elles aussi, elles ont peur de cet entraînement, elles refusent d'y aller.
Je le sens mal.
La bonne nouvelle, c'est que je croiserai peut-être Jojo là-bas. Un visage familier me ferait le plus grand bien.
Bon, allez, il faut que je réussisse à me lever. Je serre les dents et je réussis à me mettre sur mes pieds, au prix d'un effort surhumain.
Maintenant, j'ai les jambes flageolantes. J'espère que le Traqueur ne s'en est pas aperçu. Il ne manquerait plus qu'il pense que j'ai peur (ce qui est le cas, ne nous méprenons pas, mais les Dark Vador n'ont pas besoin d'être au courant).

- Dépêche-toi.

Pour ce qui est de l'amabilité, on repassera.

- Plus vite que ça.

Bon, c'est bon, oui ?
Je réussis enfin à arriver jusqu'au soldat et, les jambes en coton, je passe la porte.

J'ignore ce qui m'attend.
Mais une chose est certaine.
J'ai faim !

SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant