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Récapitulons. Je viens d'accepter une alliance avec un garçon que je connais à peine (mais il s'appelle Jojo, c'est important, quand même !) et il vient de m'apprendre que l'interdiction de chanter s'applique non seulement à New York, mais aussi au monde entier !
Là, je tombe des nues.

- Tu ne savais pas ?
- Ben maintenant, si... merci pour l'info.
- Désolé de t'apprendre ça. Mais raison de plus de renverser les Traqueurs ! D'abord on s'attaque à New York, et ensuite on s'occupe du monde entier !

Pendant tout son discours, il gesticule comme un enfant, fait de grands gestes avec les bras... Décidément, il me fait de plus en plus penser à Jojo le lapin.
Et le voilà parti dans un délire de paix mondiale, d'une Terre qui ne serait plus jamais silencieuse...
Je devrais peut-être l'arrêter.

- Attends, doucement !

Il se fige.

- J'ai vraiment envie de restaurer notre droit à la chanson, et ce serait super que toute la Terre en profite. Mais je n'ai que dix-sept ans !
- Tu comptes me sortir combien de fois l'excuse des dix-sept ans ? J'ai bien conscience que tu es jeune. Mais figure-toi que moi aussi !
- Ah bon ? Tu as quel âge ?
- Dix-huit mille ans.
- Quoi ?
- Je suis le dernier d'une longue lignée d'elfes.
- Je ne tomberai pas dans le panneau encore une fois.
- Bon d'accord, enlève le « mille », rigole-t-il.
- Tu as dix-huit ans ?
- Je vois qu'elle est bonne en maths !
- Ha. Ha. Ha.
- Plus sérieusement, on est jeunes tous les deux, c'est vrai. Mais est-ce que ça nous empêche d'accomplir ce qu'on veut ? L'âge n'est qu'un nombre, après tout !
- Monsieur est philosophe, maintenant.
- C'est ca, moque-toi. N'empêche que je suis prêt à tout pour pouvoir chanter et danser à nouveau. Est-ce que c'est ton cas ?
- Euh... oui, je suppose.
- Alors, c'est parfait ! Je ne vois pas ce qui te bloque.
- Ben... viser New York, pourquoi pas. Les Etats-Unis, passe encore. Mais vouloir défier les dirigeants du monde entier ? Ça me paraît très ambitieux.
- Justement ! Dans la vie, il faut être ambitieux si on veut parvenir à ses fin !
- Moui...

Il est fort, le bougre. Il m'a presque convaincue.

- Réfléchis aux avantages que ça pourrait avoir ! Tu pourrais faire des concerts internationaux !
- Et organiser mon FGM dans les pays du monde entier... je murmure.
- Ton FGM ? C'est quoi ?
- C'est un projet que j'ai imaginé quand j'étais toute petite ! FGM est l'acronyme pour Flashmob Géant Macarena, j'aimerais faire participer au moins cent personnes, ce serait énorme ! C'est un de mes rêves, j'aimerais tellement faire ça ! Imagine un peu l'ambiance, ce serait incroyable...

Une fois lancée, on ne m'arrête plus.
Jojo a l'air de s'amuser de mon discours endiablé sur mon FGM, en tout cas.

- Eh bien dis donc... et moi, j'aurais le droit d'y participer, à ton FGN ? demande-t-il timidement.
- C'est FGM, je rectifie. Et ta participation dépendra de ton attitude envers moi.
- Mon attitude envers toi ? s'amuse-t-il.
- Tout à fait. Tu auras le droit de faire partie de mon FGM seulement si tu es sage et gentil.

Je suis on ne peut plus grave. Pourtant, Jojo n'a pas l'air de me prendre très au sérieux, lui...

- De toute façon, si je ne suis pas sage, je n'aurai pas mes cadeaux de Noël. Tu sais, sinon le Père Noël me rayera de sa liste d'enfants sages...

Il me faut un moment pour comprendre qu'il se moque de moi et de ma crédulité.

- Eh ! Je sais que le Père Noël n'existe pas, quand même !

Un petit sourire en coin fait son apparition sur le visage de Jojo. Décidément, notre coalition risque d'être... mouvementée.

- Bon, reprenons. Avant tout, il faut qu'on élabore un plan.
- Élémentaire, mon cher Watson.
- Mais arrête un peu de te moquer de moi !

Oui, je l'admets, je réagis comme une gamine. Mais j'ai horreur qu'on me taquine ! J'ai l'impression que les gens ne me respectent pas quand ils se moquent de moi, même si c'est gentil. Alors, avec Jojo, je sens que je vais en baver...

- D'accord, d'accord, je suis désolé... mais c'est si tentant ! Tu es trop mignonne quand tu es vexée, on dirait un enfant !
- Tu recommences !
- Pardon.

Et il rit encore.

- Est-ce que tu as une idée de comment t'y prendre, au moins ? je lui demande.
- M'y prendre de quoi ?

Il m'exaspère très légèrement.

- Reste un peu concentré ! Je te parle du plan pour renverser les Traqueurs.
- Oh, d'accord...

Il prend un air sérieux qui ne lui ressemble vraiment pas et qu'à mon avis je ne verrai pas souvent. Il réfléchit intensément pendant plusieurs secondes, j'ai espoir qu'un plan de génie naisse dans son esprit, et...

- Pas le moins du monde ! Je suis déterminé à accomplir mon rêve, mais je n'ai pas la moindre petite idée de la façon dont je vais le faire !
- D'accord...
- Et toi ?

Je suis bien obligée de lui avouer.

- Pas du tout !

Nous rions franchement tous les deux de notre incapacité à mettre en œuvre nos ambitions. Bon, finalement, ça ne sera peut-être pas si horrible que ça...

- Mais au fait, j'y pense ! Pourquoi tu es dans la même chambre que moi ?

Cette pensée ne m'avait même pas traversé l'esprit jusqu'à maintenant.

- Ah, ça... eh bien... comment dire ça...

Il tourne autour du pot, c'est mauvais signe.

- Les Traqueurs manquent un peu de place, en fait... et donc...

J'ai franchement peur.

- Crache le morceau !
- On va devoir partager la chambre.

QUOI ?!

- Surprise.

SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant