32

69 8 91
                                    

- Soit tu as une veine incroyable, soit Joe est un piètre tireur. Dans tous les cas, ta blessure n'est que superficielle et j'ai pu retirer la balle. Mais tu dois quand même te reposer pendant quelques jours.
- Et pour papa et maman ? Je ne peux pas les laisser là-bas sans rien faire !

Seule avec Sacha dans ma chambre, où il m'a forcée plus qu'aidée à aller, je tente de négocier avec lui. Peine perdue, il campe sur ses positions et rien ne le fait changer d'avis. Il refuse de me laisser aller au QG pour sauver mes parents. Ce n'est pas tant l'idée de me permettre d'affronter le nabot qui le gêne, mais plutôt le fait que je suis blessée... et que je ne suis pas tellement en état de me défendre. Encore moins de me battre.
N'empêche, je ne peux pas rester ici à me tourner les pouces pendant qu'ils sont en danger !
C'est affreux, j'ai l'impression de revivre la même chose que j'ai vécue avec Sacha, prisonnier du nain à lunettes...
Si j'y vais, ce sera pour le détruire une bonne fois pour toutes. Et cette fois-ci, ce ne sont pas des paroles en l'air, comme toutes celles que j'ai pu prononcer jusqu'à présent. Je pense ce que je dis. Je vais démolir ce fou dégarni.

- Petite noisette... tu comprends bien qu'en tant que grand frère, je ne peux pas te laisser faire ça.

Ce n'est plus un ordre qu'il me donne. Il me supplie. Que l'on se comprenne : j'entends tout à fait ce que mon frère me dit, et je respecte sa décision. J'aurais fait la même chose à sa place. Mais c'est impensable de rester les bras croisés pendant que ma famille court un danger immense. Peu importent mes blessures.
Mais ça, Sacha n'est pas près de l'accepter. Il va donc falloir que je ruse.

Devant mon silence qui s'éternise, il finit par soupirer. Dans ses yeux brille une lueur d'amusement mêlée à une grande lassitude dont je suis à l'origine - et j'en suis fière.
Il se gratte l'arrière du crâne d'un air embêté. Je me demande bien ce qui lui trotte dans la tête.

- Je n'ai vraiment aucun moyen de te faire changer d'avis ?

Oh... serait-ce une capitulation que je sens venir ? Ne vendons pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

- Non, je réponds d'un ton péremptoire.

Sacha finit par me regarder gentiment en me souriant.

- Et même si je te l'interdis, tu trouveras quand même un moyen de le faire ? ajoute-t-il avec un petit rire.

Sa phrase m'arrache un sourire en coin, parce qu'il a complètement raison. Il me connaît vraiment trop bien.

- Effectivement.
- Tu es vraiment bornée.
- J'ai de qui tenir, je réplique malicieusement.

Nous rions tous deux de bon cœur. Je l'aime, cet idiot.

- Mais, continue-t-il devant le visage triomphant que j'affiche, je ne te laisse y aller qu'à plusieurs conditions.

Je lève les yeux au ciel. Pourquoi faut-il toujours qu'il gâche tout ?

- Et si tu rouspètes, tu n'y vas pas du tout.

Immédiatement je plaque un immense sourire (factice) sur mon visage.

- Je préfère.

Il marque une pause, histoire de bien faire durer le suspense.

- Première condition : je viens avec toi.
- Je ne comptais pas y aller sans toi, je proteste.
- Menteuse.

D'accord, il m'a eue. Je ne voulais pas l'emmener de peur qu'il soit blessé. Mais vu la tournure que prend la discussion, je vais me retrouver avec un chaperon sur les épaules. Tant pis, plus on est de fous, plus on rit. (Dicton tout à fait inapproprié au vu de la situation, mais au point où nous en sommes, mieux vaut dédramatiser que de sombrer dans le défaitisme.)

SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant