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- ... quatre... trois... deux... et un !

Je souffle un grand coup. J'ai réussi ! Enfin !

- Ça y est, je les ai faits ! j'annonce, ultra fière.
- Bravo !

Jojo m'applaudit.

- Il ne t'en reste plus que soixante !
- Laisse-moi savourer ma victoire plus de cinq secondes avant de me déprimer ! je dis, en lui lançant un regard noir.
- Tut tut tut, répond-il, en agitant son doigt sous mon nez. On y retourne, petit soldat !

Je râle mais je m'y remets quand même.
J'ai survécu par miracle à l'entraînement d'hier, notre tout premier - même si Jojo a dû me porter pour rentrer parce que je ne tenais même plus debout.
Eh oui ! J'ai serré les dents et j'ai puisé dans mes dernières ressources, mais je les ai terminés, ces cents abdos, ces cent pompes et ces dix kilomètres ! Ne me demandez pas comment, moi-même, je ne sais pas !
Je pense que la menace du sergent instructeur de nous virer au moindre faux pas ou abandon m'a plus ou moins motivée. Et je ne pouvais pas me permettre de me faire dégager.

Donc nous voilà maintenant, Jojo et moi, en pleine séance de sport préparatoire - il a bien compris que l'effort physique, c'était pas mon truc, et on a vite dû trouver une solution pour que l'instructeur ne se rende pas compte que je suis bonne pour la poubelle.
Il s'est improvisé coach sportif, et il m'impose les mêmes séries qu'hier, à savoir : cent abdos, cent pompes. Dieu merci, il m'épargne les dix kilomètres - en même temps, faire un footing dans une chambre de dix mètres carré...

- Allez, tu y es presque ! m'encourage-t-il.

Haut, bas, haut, bas. Je pousse une dernière fois sur mes bras pour me redresser et...

- Victoire !
- Je te laisse une pause d'une minute, et on y retourne !

Comme vous avez pu le constater, on découpe mes séries de cent en mini-séries de dix : tous les dix abdos/pompes, je souffle un peu et je repars à l'assaut. C'est le seul moyen qu'on a trouvé pour que je ne m'écroule pas au bout de deux minutes.

Je n'aurais jamais cru vivre cette scène un jour : il est 8h24 du matin, et je suis en train de faire des pompes, remontée à bloc par les encouragements de la grande asperge blonde qui me sert d'allié (et, par moments, d'ami).

- Cinq, six, sept, huit, neuf, diiix ! exulte l'asperge en question. Bravissimo !

Je ne peux même pas lui répondre, tellement je suis essoufflée.
Plus que quarante pompes. Je peux le faire !

***

Non, en fait, je peux pas.

- Alleeez, Melody, il ne t'en reste que dix !
- Mais j'en peux plus, je te dis !
- C'est dans la tête ! Allez, exécution ! continue-t-il, en se lançant dans une imitation parfaite de notre instructeur.

Effectivement, notre chef est un cas.
Imaginez un croisement entre un ogre et un robot : pouf, vous avez le sergent instructeur.
Il gesticule dans tous les sens, en faisant toujours de grands mouvements saccadés avec ses bras, exactement comme un robot. Sur ce point, il ne ressemble pas trop à un militaire.
Par contre, il en a la personnalité ! À mon avis, c'est un adepte de Forrest Gump : on doit lui répondre avec des « Oui, sergent instructeur ! » et pas autrement, et il nous lance régulièrement des « Baissez, vous ! Fermez-la ! » sans raison particulière.

Quant à moi, me voilà repartie pour une session de dix pompes qui finissent de m'achever.
Jojo exulte et improvise une danse de la joie.

- Bravo, Melody, tu as réussi !

Et en effet ! J'ai terminé mon entraînement matinal ! Pour un peu, je suivrais Jojo dans sa gigue, mais la fatigue a raison de moi.

- Je veux dormir...
- Pas le temps ! Tu as vu l'heure ?

Je tourne les yeux vers le réveil, et je constate que notre véritable entraînement commence dans un peu moins de quinze minutes.

- Oh nooon... pitié...
- Tu te plains tout le temps, ma parole !

Piquée au vif, je réplique immédiatement.

- J'aimerais bien t'y voir ! C'est facile à dire, t'es super fort en sport ! Toi, tu n'as pas besoin de te farcir deux entraînements de suite !
- Certes...

Un oiseau passe, et j'en profite pour me reposer un peu ni vu, ni connu.

- Au fait, j'y pense ! Il faudrait vraiment qu'on se mette à notre plan. Parce que là, il n'a pas avancé d'un pouce !
- Tu veux dire qu'il n'est même pas commencé ! je rigole.

Ça n'a rien de drôle, mais vu notre situation, Jojo et moi avons décidé de prendre les choses à la rigolade.
Mais il n'a pas tort, notre stratégie en est toujours au point mort. Il faut qu'on se bouge si on ne veut pas faire de vieux os ici.

Hier soir, en rentrant de l'entraînement (il commence à 9h10 tapantes, puis nous avons tout de même droit à une pause déjeuner de 13h30 à 14h30, et notre calvaire s'achève enfin à 17h30... dure journée pour une larve comme moi...), Jojo et moi étions tellement crevés que nous sommes rentrés directement et nous nous sommes couchés sans même prendre une douche.

Franchement, je ne vois pas ce que les Traqueurs ont vu en moi.
Autant Jojo, je peux comprendre. Il a le profil d'un athlète et il a le potentiel d'en devenir un. Moi, par contre...
Il faudra que j'éclaircisse ce point, comme beaucoup d'autres d'ailleurs.

- Mais tu as raison, on doit avancer, et vite. Sinon, je ne tiendrai jamais la distance avec l'entraînement !
- T'inquiète pas pour ça, super Jojo est là pour te forger des muscles d'acier !
- C'est vraiment pas nécessaire...
- Quelle rabat-joie !

Sans aucune raison apparente, il commence à chanter un vieil air de hard rock. Back in Black de ACDC, il me semble. Sauf que lui qui a une si belle voix ne maîtrise pas vraiment les intonations du chanteur australien.

- Tu me casses les oreilles ! je me plains.

En grand enfant qu'il est, il redouble d'efforts pour m'exploser les tympans.
Et c'est là que ça me frappe.
Comment n'y ai-je pas pensé plus tôt ?!
Je me maudis intérieurement. Melody, tu es vraiment trop bête !

- Mais oui, bien sûr ! je m'exclame en tapant dans mon poing, exactement comme les héros qui trouvent la solution miracle.

Jojo, intrigué, stoppe net ses beuglements - et c'est tant mieux.

- Est-ce qu'étayer ton propos serait trop te demander ?
- Jojo, arrête de faire l'imbécile deux minutes et écoute-moi !
- Et qu'est-ce que je suis en train de faire, d'après toi ?

Si je m'écoutais, je ne lui dirais rien du tout. Mais j'ai besoin de lui pour mon plan, alors au diable la fierté.

- Je sais comment mettre les Traqueurs hors d'état de nuire !

SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant