Chapitre 9

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Il leur fallut une heure et sept minutes pour baisser les bras. Selon moi, c’était un mauvais score. Mais, entre la bonne femme qui avait ses gamins chez la nounou, la bande d’ados qui commençait à s’inquiéter pour ses géniteurs en regrettant tous les « nique ta mère » prononcés, et le vieux qui devait prendre ses médocs…

La colère avait fini par monter, parmi les quelques soixante-dix malheureux enfermés avec moi dans le centre commercial.

Colère et incompréhension furent les deux concepts qui détruisirent le semblant de royaume dont j’étais devenu le maître. Comme j’avais dérouillé trois zombies, c’était moi que l’on craignait. Comme j’avais hurlé à tous de se barricader et ensuite de rester calmes, c’était vers moi que se tournait leur respect.

Et puis, j’étais parti dans l’armurerie chercher du réconfort, et ils m’avaient vu réapparaître cinq minutes plus tard un peu plus armé que je n’étais en entrant. Alors ils se dirent : « Damnit ! Voilà la solution, courrons chercher des armes à feu ! » Et, quatorze secondes plus tard, Granny’s Ammo déposait le bilan.

Dès lors qu’ils eurent un flingue entre les mains, ils furent moins enclins à écouter mes conseils, alors que j’étais jusque-là le seul homme armé. Je supposai qu’il y avait là une leçon que je serais bien avisé de retenir par la suite.

Il était un peu moins de dix-huit heures lorsqu’ils décidèrent de rouvrir la porte principale pour s’enfuir. Treize personnes firent le choix de rester avec moi. Sûrement des gens que personne n’attendait, un peu comme moi. J’en plaçai neuf autour de la porte à double battants, neuf pour résister à l’envahisseur potentiel et pour redescendre les grilles dès que tout le monde serait sorti. Les quatre autres vinrent avec moi sur le toit, car il était grand temps de prendre la mesure des dégâts.

Je poussai la porte du local technique d’un coup de pied rageur, car j’aimais bien l’effet que cela donnait dans les films. Avec Stella à mes côtés, j’avais ce besoin pas spécialement surprenant de sur jouer mon rôle de leader. Elle attrapait mon bras parfois, subrepticement, comme une manière silencieuse de se rappeler à ma présence.

Le toit était désert, couvert de fins gravillons, et quelques turbines isolées rejetaient encore leur air pollué vers le ciel. Une antenne radio trônait sur un bloc en béton. Je réalisai brutalement que mon téléphone n’avait pas sonné depuis que Sanchez avait cherché à me joindre, le matin-même. Je le sortis de ma poche et vérifiai : rien de neuf. Très peu de batterie et pas de réseau. Cela n’avait rien d’étonnant. Le vent chaud caressa mes joues et entraîna un peu de ma terreur au loin.

Les trois qui m’accompagnaient avaient entre vingt-sept et quarante-trois ans. Il y avait Stella, dont mes mains frôlaient les fesses, régulièrement, innocemment. Comme elle touchait mon bras. Lorsqu’elle m’avait vu revenir de l’armurerie avec mon arc et mes flingues, elle m’avait jeté un regard complètement fou… Empli de lumière et je crois, d’un peu de fierté.

Le second s’appelait Edwin Rivers, un nom un peu bizarre et tout-à-fait adapté au personnage. Vingt-neuf ans et l’air d’en avoir quinze, c’était un fan de black métal qui avait trop porté son sweat grisâtre sur lequel nous agressait une tête de mort gothique. Je ne savais pas bien à quoi il allait pouvoir me servir, mais il était gentil et avait les yeux tout rouges. Il était avec moi dans le comics store quand ça a démarré. Peut-être qu’il a vu que je lisais de la littérature zombie et ça lui a donné confiance en moi. Je ne savais pas.

Z - Où tout commenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant