Chapitre 51

107 16 3
                                    

J'aurais pu entendre les jurons de Lolly en la regardant descendre de la berline derrière-nous. Je claquai la portière du pick-up et levai les mains en signe d'apaisement.

— Crash d'hélicoptère, on va juste voir ce qu'il en est, ça ne prendra pas longtemps.

— On a déjà perdu tellement de temps à l'église, je ne suis plus à dix minutes près, commenta-t-elle. Dans le pire des cas, nous dormirons dans la voiture.

— Ou dans un motel miteux, si nous avons la chance d'en croiser un sur la route, répondis-je d'un air goguenard. Je suis sûr que vous adoreriez. Surtout les puces de lit.

— Tant que les draps sont en satin, maugréa-t-elle en enjambant le fossé pour se rendre sur le lieu du crash.

L'hélicoptère s'était vraisemblablement écrasé sur le nez, ce qui avait déclenché l'incendie et la fumée que nous avions aperçue. Blanc avec des liserés bleu et rouge, il arborait aussi ces couleurs sur les pales que l'impact avait déformées. Il s'agissait sans aucun doute d'un Sikorsky, peut-être un soixante-seize. Le corps du pilote gisait dans l'herbe, quelques mètres devant la carcasse. Sûrement éjecté par l'impact, il portait encore son casque mais son crâne avait été défoncé.

L'incendie semblait limité à certains éléments de la carcasse et à quelques mètres carrés de blé tout autour, aussi je m'approchai davantage. L'habitacle était presque intact, à l'exception des portes dont les montants et les joues s'étaient déformés lorsque l'hélicoptère avait violemment percuté le sol. Je distinguai le corps d'une infirmière. Elle avait été broyée entre le siège du pilote et un caisson de fournitures et sa tête reposait contre le dossier, dans un angle atroce. Une autre femme avait connu le même sort, mais je ne parvins pas à voir ses jambes.

Je me trouvais entre l'hélicoptère et la route. De l'autre côté, les portes étaient ouvertes et me laissaient apercevoir un champ de blé, puis plus loin ce qui ressemblait à une grande fête agricole. Les contours rouges d'une grange se dessinaient dans le ciel et j'apercevais même les guirlandes de fanions au-dessus des barrières de foin. Sûrement une course de tracteurs, pensai-je en contournant l'appareil.

— Fais attention, quand même, me héla Rick qui avait gardé ses distances avec les deux autres.

— Je n'ai pas l'impression que grand chose ait survécu, commenta Lolly, les poings sur les hanches.

Je m'apprêtais à lui accorder le point, mais quelque chose me chagrinait. J'avais vu le corps d'un pilote et de deux infirmières, et j'avais cru distinguer un brancard vide. Cela ne signifiait-il pas qu'il manquait un corps ?

Je me retrouvai de l'autre côté de l'hélicoptère et mon coeur manqua un battement.

— Vous devriez venir voir ça, soufflai-je alors qu'un mauvais pressentiment désormais familier oppressait ma poitrine.

Lolly, Vincent et Rick me rejoignirent et eurent la même réaction, me confirmant que ce que je voyais ne présageait rien de bon.

Devant nous, un sillon avait été creusé dans le champ de blé, menant tout droit à la fête agricole. De fines gouttes de sang maculaient les épis.

— Quelqu'un a survécu, on dirait, murmurai-je d'une voix blanche.

— Il s'est peut-être rendu à la fête pour chercher de l'aide. Ce n'est pas forcément quelqu'un d'infecté, argumenta Lolly alors que nous faisions face à l'interminable sillon.

— Vu les blessures des autres membres de l'équipage, j'ai du mal à imaginer que le mec ait pu survivre, répondit Vincent en traduisant ma pensée. Enfin, je n'ai pas regardé le détail parce que c'est immonde, mais ça a l'air d'être une vraie boucherie.

Z - Où tout commenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant