Chapitre 23

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Le soleil se levait au milieu de nuages épars, qui s'étiraient mollement sur l'aube jaune de ce nouveau jour. J'aimais tellement sentir le vent sur ma peau, au matin, que je pris trois secondes pour fermer les yeux et apprécier la paix.

Oliver dut s'en apercevoir, puisque je l'entendis s'arrêter devant moi. Il respecta mon silence et je lui en fus éternellement reconnaissant.

Le commandant Sterlings était une femme mesurant un mètre et demi et possédant l'aplomb le plus impressionnant que j'aie jamais vu. Elle représentait à mes yeux la parfaite démonstration de la main de fer dans le gant de velours. Je l'avais vue faire pleurer un paquet de soldats lorsque j'étais sous son commandement en Iran... Et le capitaine Sanchez lui-même se taisait lorsqu'elle lui intimait. Revoir les yeux en amande et la petite bouche pincée du commandant Miranda Sterlings me remplit donc d'une joie bête et d'une certaine admiration. Elle glissa sa main menue dans la mienne et sa poignée me rappela discrètement qui était le patron.

Je lui fis à nouveau le récit de nos horreurs, horreurs qui me semblèrent encore plus étrangères. Déjà, en lisant la stupeur dans les yeux d'Oliver, j'avais réalisé combien tout ceci était démesuré. Comme si j'émergeais d'un putain de cauchemar et que mon cerveau peinait encore à distinguer le vrai du faux. S'il avait suffi que je me réveille pour que tout s'arrête...

J'avalai ma salive avec difficulté, sentant que la brèche s'ouvrait à nouveau sous mes pieds. Sterlings dut s'en rendre compte puisqu'elle me proposa un verre d'eau, servi dans une de ces carafes en cristal plus habituées à contenir du whisky ou du cognac.

— Je vais être honnête avec vous, Lieutenant Jon Lucky, et je vais l'être uniquement parce que je connais votre valeur pour vous avoir eu sous mes ordres.

Elle marqua une pause. Je regardai le ciel de Louisiane par la fenêtre, avalai toute sa clarté, puis retournai affronter la dureté au fond des yeux du commandant.

— Nous n'avions pas de moyen d'anticiper ces mutineries. La première s'est produite de votre côté, à Eagle Pass. Les autres ont suivi au fil des heures et à l'heure où nous parlons, il reste nécessaire d'augmenter les moyens de sécurité dans la plupart des prisons des Etats-Unis. Actuellement, seul le sud du pays est touché, du Texas jusqu'en Géorgie. Le Mexique reporte des faits similaires, tandis que le Honduras a coupé la plupart de ses communications vers l'extérieur. En ce qui les concerne, la situation semble bien plus préoccupante que ce que nous endurons ici.

— Plus préoccupante ? Plus préoccupante encore que ces putains de z... Oh putain, je ne sais même plus de quoi on parle ici ! Qu'est-ce que c'est que cette merde, commandant ? Des enfants sont morts asséchés sur une grande roue ! Vous réalisez de quoi on parle ?

La colère avait afflué dans mes veines sans que je la sente venir et j'étais désormais debout. Oliver m'intima au calme en prononçant mon nom doucement.

— Nous ne savons rien, siffla Sterlings sans me quitter des yeux. Asseyez-vous, Lieutenant, ou je vous assure que vous n'aurez ni réponses, ni moyen de transport pour la Géorgie.

Elle attendit que j'obtempère pour poursuivre.

— Je dispose de très peu d'informations et vous devriez vous estimer profondément heureux que je les partage avec vous. La loi martiale sera instaurée dans les états impactés, d'ici quelques heures. Les villes seront alors fermées et les forces armées seront réquisitionnées pour la mise en place de zones de quarantaine. Nous prendrons le temps qu'il faudra pour étudier ce qui arrive à ces pauvres gens et leur trouver un remède. Aujourd'hui, je ne suis pas en mesure de vous donner la nature de l'agent pathogène qui les affecte. Nous pensons qu'il ne s'agit pas de terrorisme, car aucune revendication n'a été formulée. Tout ce que nous avons... C'est ce point de départ, la mutinerie de Piedras Negras.

Z - Où tout commenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant