Chapitre 20

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Deux enfants avaient trouvé la mort sur la grande roue, pendant les heures qu'avait duré leur calvaire. Ashley, la fille de Rick et Elizabeth, était l'une d'entre eux.


Il nous fallut deux heures pour descendre tous les gamins et les hydrater avec les quelques bouteilles d'eau tiède que nous avions trouvées dans les voitures. Elizabeth, Rick et leur aînée Kiara restèrent longtemps prostrés au pied de la roue, devant le corps de la petite Ashley enroulé dans une couverture. 


Désormais, alors qu'une faim et une soif atroces tordaient mes intestins, nous étions un groupe de trente survivants au pied d'une roue. Je ne cessais de surveiller l'orée du bois, tendant l'oreille à chaque craquement de branche, caressant du bout du doigt les flèches dans mon carquois dès qu'une feuille bruissait sous mes yeux. 


Il était presque dix heures lorsque Rick et sa famille nous rejoignirent. Gerry tenait trois enfants contre elle comme si cela pouvait atténuer l'horreur qu'ils avaient vécue. La plupart des autres gamins étaient trop faibles pour bouger, et nous les avions assis à l'ombre près de l'océan. 


— C'était monstrueux, murmura seulement Elizabeth lorsqu'elle parvint à ma hauteur.


Je tournai la tête vers elle et l'attirai un peu plus loin, là où les enfants ne pourraient pas nous entendre. A ma grande surprise, Edwin préféra rester avec eux, essayant de leur faire boire de l'eau.


— On était déjà dans la roue quand ils sont arrivés, reprit-elle d'une voix blanche. Des chiens. Des dizaines de chiens de toutes les tailles et de toutes les races. Angela, Simon et Sullivan étaient restés en bas pour contrôler la roue et parce qu'ils avaient le vertige. Angela surtout.


Elle marqua un temps de repos pendant lequel Rick resserra affectueusement son emprise sur son bras chétif. Son regard restait figé sur quelque chose que nous ne pouvions voir. Elle se remit à parler et sa voix me parut complètement détachée. Comme si Elizabeth, dont le visage clair était couvert de brûlures, n'était pas ici avec nous. 


— Je crois qu'ils ont d'abord mordu Angela, je n'ai pas bien vu. Ensuite ils se sont barricadés dans la cabine, mais les chiens... Les chiens se sont jetés sur les fenêtres, la porte, ils ont tout défoncé. 


Elle se tut à nouveau, cette fois pendant plusieurs longues minutes. Je n'avais pas besoin de la regarder pour deviner le soulèvement saccadé de sa poitrine, au prix de respirations douloureuses.


— Ensuite, ils sont partis, murmura-t-elle finalement. Il n'y avait plus personne pour nous faire redescendre. Et c'est là que ça a vraiment commencé.


Je compris qu'elle parlait de leur calvaire et hochai la tête silencieusement. Presque religieusement. Je remarquai à cet instant le chapelet qu'elle tenait autour de son poignet, et les jointures de ses doigts, devenues blanches d'avoir trop serré. 


— Nous ne pourrons pas rester là très longtemps, finis-je par dire en me sentant aussitôt très idiot. Si une autre meute s'arrête par ici, nous aurons beaucoup de mal à protéger les enfants. Et il faut les emmener à l'hôpital. J'espère que nous réussirons à trouver les clés de ces véhicules et à repartir. 

Z - Où tout commenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant