Chapitre II: Furtif.

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i just want to make you feel okay. 

Peu à peu, je repris conscience. Mes yeux papillonnèrent quelques instants avant que je ne puisse distinguer les briques noires du plafond de la cellule. Je fus surprise de sentir un support doux et confortable sous ma tête, contrastant avec le froid que subissait le reste de mon corps en touchant le sol dur. Je me relevai légèrement et pus constater que j'étais, en réalité sur l'écharpe noire de Nevra. Je jetai un regard circulaire à la pièce, tentant de trouver le vampire. Je tombai alors sur un orbe gris anthracite, me fixant avec un mélange de sérieux et d'amertume. Assis contre un mur, il semblait songeur à une bonne distance de moi. Je pus cependant remarquer qu'il avait meilleure mine et qu'il avait repris des couleurs. Un silence morne s'était installé et je redoutai son point de vue face à mes actions passées. Je pouvais très bien percevoir son animosité, alors je restai statique et silencieuse, à moitié allongée. 

Cet arrêt me permit de réfléchir à une échappatoire. Si maintenant nous étions deux, s'évader pouvait être moins difficile qu'auparavant. Mon cerveau tournant à cent à l'heure, je me remis sur mes genoux et marchai à quatre pattes vers la porte de la geôle. Je ne pris pas la peine de me tourner vers mon supérieur et pris de longues minutes pour inspecter la porte et la serrure. Je jetai un coup d'œil au couloir et crus apercevoir deux gardes postés des deux cotés des issues.  

Prenant mon courage à deux mains, j'interpellai mon chef avec un petit chuchotement. Il tourna son regard vers moi et je me mouvai près de lui pour lui dévoiler mon idée. 

"Nevra, ils t'ont bien pris à part pour te frapper quand tu résistais? Au vu de ses sourcils soudainement froncés et son regard interrogateur, je supposai avoir vu juste. Je repris alors en chuchotant. Si j'arrive à les faire s'éloigner et te glisser ni vu ni connu la clé, tu pourrais essayer de partir en douce. 

Brusquement, il se tourna vers moi dans un sang froid presque effrayant. 

-Je ne te laisserai pas toute seule ici. Lâcha le noiraud, convaincu. Je roulai des yeux et m'aventurai plus loin dans ma réflexion. 

-Je ne peux pas me battre pour l'instant, je pense que je suis en hypothermie. Commençai-je d'un ton resilié en apercevant mes tremblements. Tu iras beaucoup plus vite sans moi, leurs clés sont accrochées à leur poche de pantalon. Trouve les autres et sortez tous d'ici, vous viendrez me chercher plus tard. Ne t'inquiètes pas et arrête de prendre tout trop personnellement, pense au groupe avant tout."

Je ne savais sincèrement pas s'il allait prendre mes indications en considération. Après tout, malgré le fait que je sois dans sa faction, je ne lui avais jamais vraiment adressé la parole. Parmi les recrues, je ne me faisais pas vraiment remarquer, ni la plus nul, ni la plus forte. Je vivais simplement mon train de vie, ma vie étant alimentée par les missions ainsi que les entrainements. 

Au bout de plusieurs secondes, il esquissa un sourire, faisant apparaitre une de ces canines blanches. Il me toisa puis susurra calmement un "Très bien.". Simple et efficace. Nous attendîmes alors le moment propice pour les prendre par surprise: lorsque les soldats nous apportâmes de l'eau et un maigre bol de soupe. 

Ainsi, Nevra se cacha dans un angle mort de sa vision et je me postai devant ma cible. Je mimai un air dédaigneux et attrapai d'une force que je ne soupçonnai pas le col de mon ennemi. Resté devant les barreaux, son acolyte lui vint en aide en entrant précipitamment. Il me poussa avec violence et m'assena un coup de poing qui me fit momentanément voir des étoiles. Nevra, aussi agile et silencieux qu'une ombre, sortit en un éclair de son coin sombre pour voler furtivement le trousseau de clés de mon agresseur. Obnubilés par ma personne, les deux n'avaient même pas remarqué la présence de mon compagnon. Pour garder le centre de leur attention, je commençai à les insulter avec déchainement et agressivité. 

"Ferme-la, sale chienne. Marco, prends-la, on va la ramener dans le correctoire." Cracha le soldat qui tenait auparavant notre plateau. 

Lorsque son interlocuteur acquiesça et me porta avec force sur son épaule. Je relevai vivement la tête et croisai le regard résolu de mon compagnon. Je souris alors, tentant de le rendre confiant et murmurai doucement : 

"Bonne chance, chef." J'étais persuadée qu'il m'entendrait, son ouïe de vampire ne trompant personne. Puis je continuai de me débattre, dans les bras de nos bourreaux. Peu à peu, je perdis de vue le noiraud et un sentiment de tristesse et d'appréhension éclata en moins, j'étais maintenant seule. 

Les deux soldats m'amenèrent rapidement dans une salle vide, excepté la chaise en bois qui trônait au milieu. Je poussai une exclamation lorsque celui qui me tenait me lâcha sèchement sur le petit meuble grinçant. La réalité me frappa de plein fouet en trouvant les deux hommes devant moi me détaillant d'un air malsain. 

Ils pouvaient faire tout ce qu'il voulait de moi. Le soldat se prénommant Marco sortit sous l'ordre de son collègue, nous nous retrouvâmes par conséquent à deux dans cette pièce oppressante. Le soldat, qui me fixait depuis maintenant quelques minutes, dégaina un bâton en fer accroché à sa ceinture. Sans même prononcer un mot, il m'assena sans hésitation un coup sur la tête. Le choc m'emporta sur le sol et un acouphène insupportable bourdonna dans mes oreilles .

"Ça avait l'air de vraiment faire mal... Il admira son arme, avide et délirant. Maintenant, accroches-toi, ça va être pire. Attends laisse-moi deviner ce qui est le plus douloureux... " 

Alors commença un enfer. Mes gémissements et les bruits métalliques de la barre claquant mon corps étaient la seule source de bruit. Je toussais, m'étouffais avec mon propre sang, pleurais... Ce qui m'impactait probablement le plus était les commentaires et les rires du soldat, épris par la folie. 

"A ou B ?"

Deux coups suivirent l'annonce de ses propositions. 

"Le coup droit ou le revers? "

Un choc sur la jambe droite et un autre sur le flanc gauche. Il éclata d'un rire gras puis les coups reprirent de plus belle. 

Il remarqua que je murmurai des injures, imperceptibles à ces oreilles et s'accroupit près de moi.  

"Un tout petit peu plus fort chéri. Je pense que tu as un poumon perforé, ça gène toujours un petit peu la parole. J'usai alors d'un regain d'énergie pour tourner la tête vers lui et de lui cracher au visage le sang baignant ma bouche. Ça c'était méchant. Je pense que je devrais prendre du temps pour t'apprendre les bonnes manières... Après un rapide mutisme sarcastique, il souffla. Non, je vais continuer de te frapper. "

Je ne saurai déterminer combien de temps dura cette torture, jonglant entre inconscience et éveil. Je priai pour que quelqu'un vienne m'aider, pour que cet homme meurt, pour que je meurs. Toutes les échappatoires plus ou moins obscures tournaient dans mon esprit, dansant un ballet rythmé par la douleur. Des souvenirs aléatoires firent leur apparition dans ma tête. Je voyais mon village natal, mon petit frère qui m'attendait au refuge d'Eel, mon ami Arthur qui brulait quotidiennement tout ce qu'il touchait avec ses étranges potions, la petite Absynthe surement perdue dans la neige et pour finir Nevra, la dernière personne que j'avais vu. Tout se bousculait dans ma tête alors que je sentais mon esprit quitter mon corps pour la énième fois. 

Non, je ne pouvais pas mourir ainsi. J'étais trop jeune, je n'avais encore rien vécu, rien vu, rien entreprit. Pourquoi étais-je partie en mission ? Pourquoi avoir intégré la Garde? 

Pourquoi les avoir sauvés ? 

"Okay ma petite, je dois y aller, mais c'était un plaisir. On se refait ça quand tu veux." Ce fut les dernières paroles que j'entendis avant de sombrer dans le néant. Je pus cependant entrevoir la porte partir vivement en morceaux et plusieurs silhouettes entraient en visant mon bourreau. 

Etaient-ils revenus...Pour moi ? 

𝑨𝒓𝒆𝒔. [Eldarya]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant