Chapitre vingt-huit

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Plus cette torture mentale continuait plus l'impression de sombrer dans la folie était grande. Elle n'y tenait plus: il fallait que cela cesse. Elle sella, harnacha son cheval, au diable le danger, il avait de toute façon pâle allure face aux macabres pensées qui la tiraillaient. Sous la pluie battante, elle mit le pied à l'étrier et siffla le chien qui la suivit alors. Munie de sa rapière et d'une lanterne pour tout équipement, elle sortit de la cour du château au galop.

Au petit trot, car le sol était devenu trop glissant, elle entra dans la forêt dont les arbres assombrissaient encore un peu la nuit. La pluie avait fait disparaître les pas des animaux. Était-elle seule ou non ? Aucun moyen de le savoir. Le chien la devançait de quelques pas et cherchait ardemment une piste. La lanterne éclairait peu et la demoiselle craignait qu'elle ne s'éteigne. Les arbres ne la protégeaient aucunement de la pluie, elle était trempée, de même pour sa monture.

Alexane dû se rendre à l'évidence: elle n'avait aucune idée de l'endroit où elle se dirigeait et n'était pas même convaincue que le prince se trouvait ici. Elle suivait son instinct et elle, mieux que personne, savait que son instinct était capable de lui faire faire bien des choses et pas forcément les meilleurs...

Ne sachant où aller, elle continua à suivre le molosse. Ce dernier sembla avoir trouvé une piste, et la demoiselle eut une lueur d'espoir. Mais il avait simplement reconnu le chemin qu'empruntait régulièrement son maître lorsqu'il s'en allait chasser. Ils arrivèrent sur une sorte de plaine que la jeune femme reconnu malgrès la nuit: c'est ici qu'elle avait chassé avec le prince, il y a quelques mois de cela. Le chien continua d'avancer, sans raison apparente, il partit à une vitesse fulgurante dans de petits sentiers. Alexane chercha à le suivre mais un cri perçant lui en ôta l'envie: le chien venait de trouver une proie et celle-ci n'en n'était pas ravie.Une ombre noire chargea la demoiselle. Le cheval, apeuré, fit un écart ce qui leur permit d'éviter l'animal. Lorsque ce dernier passa à leur côté, Alexane découvrit que l'animal qui les chargeait n'était nulle autre qu'un sanglier...

Quand nous pensons avoir touché le fond, il y a toujours pire, songea la jeune femme.

L'animal était d'autant plus enragé que le chien l'avait fortement mordu à la trachée, le sang coulait abondamment mais cela ne semblait pas affaiblir l'animal. Mademoiselle de Chabannes n'avait jamais vraiment chassé, elle n'avait fait qu'accompagner le prince... Et elle n'était guère équipée pour la tâche. Sans savoir quoi faire, elle sortit sa rapière et tenta de planter sa lame dans la peau épaisse du sanglier mais celui-ci ne se laissait pas faire. Elle parvint après plusieurs essais à entrer sa lame au niveau de la morsure, ce qui enragea encore un peu l'animal. Il attaqua violement la jeune femme, son cheval rua et fit tomber sa cavalière. Se relevant rapidement, elle eut tout juste le temps de se jeter à sa droite pour éviter une nouvelle attaque. Lorsque le sanglier passa près d'elle, elle tenta de récupérer sa rapière mais elle était profondément enfoncée dans l'animal.Après de nombreux essais infructueux, elle réussit à attraper le manche de son arme, elle le tint de toutes ses forces et fut traînée par la force de l'animal. Cependant, la rapière finit par se déloger, faisant perdre l'équilibre à Alexane. La bête était affaiblie mais continua d'attaquer. Le molosse tenta, lui aussi, de blesser l'animal, se jetant sur la bête, il ne parvint qu'à lui mordre la patte. Le sanglier voulut se retourner afin d'attaquer un nouvelle fois sa proie, mais il tomba sur le flanc. La demoiselle y vit sa dernière chance de s'en débarrasser. La vieille rapière semblait être prête à se briser à chaque coups. La jeune femme la prit tout de même, se jetant sur l'animal, elle enfonça la lame dans le ventre du sanglier. Elle reprit son arme pour tenter de trancher la gorge de l'animal en utilisant ses dernières forces. Le sanglier eut un dernier sursaut puis devint immobile. Un frisson parcourut la jeune femme, elle venait de tuer un sanglier.

Alexane de ChabannesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant