Chapitre quatre

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Alexane resta un long moment dans les bras de son père. Elle sanglotait, l'émotion était trop forte.

« Mon enfant, pourquoi pleurez-vous ? demanda le comte.

- J'ai cru que jamais je ne vous reverrais, Père! sanglota la jeune fille. Vous êtes parti depuis si longtemps.

- Moi de même, j'ai craint de ne jamais vous revoir..., chuchota François. Et cela était, pour moi, pire que n'importe quel conflit, pensa-t-il".

Mais le visage de sa fille, mouillé de larmes, lui fit comprendre qu'il devrait ménager les émotions de celle-ci. Il se contenta donc de remettre correctement et consciencieusement, la veste d'Alexane sur ses épaules. En effet, le vêtement était trop grand pour la jeune fille. Il avait suffi d'un combat pour que les manches retombent sur ses mains et que d'une manière générale, tout soit froissé. Il ne jugea pas nécessaire de lui demander pourquoi elle portait une de ses vestes, ainsi qu'une de ses chemises et un de ses pantalons. Ce n'était pas vraiment, selon lui, le moment adéquat; et ce n'était guère la première fois qu'il la voyait vêtue ainsi. Le comte prit dans ses mains le visage d'Alexane. Il passa son doigt sur une des larmes de la jeune fille pour l'empêcher de couler plus; et d'une voix calme et apaisante, il la rassura : « Mais maintenant nous sommes réunis, nul besoin de pleurer. Séchez donc vos larmes, mon enfant, vos pleurs me blessent plus que n'importe quelles armes ». Il ne put s'empêcher de penser qu'il aurait pleuré de même s'il avait été seul. Les paroles du comte apaisèrent Alexane, qui enfin, esquissa un sourire. Chabannes se releva et aida sa fille à faire de même. « Père, risqua la jeune fille, puis-je vous demander ce que vous faisiez dans les bois ? » Le sourire presque angélique de son père disparu aussitôt, il fut pris d'un fort sentiment de tristesse et de honte.

« Alexane mon enfant...

- Je n'aime point quand vous parlez ainsi, Père, dit Alexane avec un sourire taquin. Cela ne présage rien de bon lorsque vos phrases commencent de cette façon.

- Vos commentaires m'avaient manqué, répondit le comte en souriant durant un court moment. Avez-vous reçu la lettre que je vous ai envoyée ?

- Celle disant que vous pensiez à vous retirer des combats ? Oui je l'ai reçue.

- La situation est plus compliquée, ma chère enfant. Les catholiques me rejettent car je suis protestant; et les huguenots font de même car j'ai déserté leurs rangs.

- Ainsi vous êtes rejeté par les deux camps, c'est cela ? s'enquit Alexane. Ce prince de Montpensier, pour qui vous avez fait tout cela, doit vraiment être un homme juste et un bon ami.

- En effet, affirma son père. »

Il sembla ensuite qu'aucun des deux n'osaient parler. Enfin le comte brisa le silence :

« Comprenez ainsi que je ne sais où trouver refuge. Où que j'aille, je ne suis point le bienvenu.

- Les bois sont dangereux, Père, lui rappela Alexane. Peut-être pouvons-nous rebrousser chemin ?

- Paris est également dangereux.

- En ce temps, j'ai l'impression que c'est toute la France qui est dangereuse, remarqua-t-elle. »

Le comte de Chabannes répondit par un sourire amusé. Ne souhaitant pas rester dans les bois plus longtemps, ils décidèrent de retourner à Paris malgré les risques dûs aux conflits. Ils marchèrent pendant un long moment, leur trajet rythmé par le bruit des pas des chevaux. Enfin, Alexane prit de nouveau la parole :

« N'avoir aucun lieu où vous êtes le bienvenu n'est pas l'unique chose qui vous tracasse, je me trompe ?

- Ne puis-je donc rien vous cacher, mon enfant ? s'étonna le comte.

- Non, tout comme je n'ai jamais pu vous cacher les bêtises que je faisais étant petite.

- Ma fille, j'ai tué... dit le comte en baissant les yeux.

- N'est-ce pas le but des guerres ? De tuer des gens pour affirmer ses convictions?

- Alexane, j'ai tué une femme enceinte. »

Un long silence se fit entendre, puis la jeune fille risqua:

« L'avez-vous fait pour venger mère ?

- Je ne sais point. Marchons, la route est encore longue. »

Ils arrivèrent à la tombée de la nuit à l'auberge de l'ami des Chabannes, qui leur offrit une chambre. Alors qu'ils s'apprêtaient à aller dormir, Alexane demanda au comte, d'une petite voix :

« Père, pourquoi Nicolas n'est-il point-là ? »

Nicolas était l'écuyer de son père. La jeune fille et lui avaient grandi ensemble et étaient très amis, comme reliés par un lien fraternel.

« Je n'avais plus un sou pour le payer, répondit le comte.

- Il me manquera. »

Ils cessèrent de parler et, très vite, s'endormirent. Le lendemain, ils quittèrent l'auberge et décidèrent de regagner leur demeure. Ils partirent de bon matin, espérant faire le plus de route possible. Tout était calme, lorsque qu'un groupe d'hommes se jeta sur eux. Le cheval de la jeune fille prit peur et la désarçonna. Par chance, elle s'en tira indemne.

« Alexane ! Vous n'êtes pas blessée ?! s'inquiéta le comte.

- Non, Père ! le rassura-t-elle. »

Elle n'eut point le temps de dire plus car un des hommes se jeta sur elle. Alexane, en dégainant son arme, hurla :

« Mais que nous voulez-vous ?!

- Votre argent ou la vie, hurla un autre homme.

- Nous n'avons plus d'argent ! cria Alexane. »

La jeune fille se défendit maladroitement avec l'épée qu'elle avait prise aux derniers brigands. Le comte de Chabannes, pourtant mieux entrainé, ne fit guère mieux. Les hommes étaient trop forts et trop nombreux. Alexane commençait à croire que la seule issue de ce conflit serait la mort. Pourquoi diable avait-elle voulu retrouver son père ? Ils allaient mourir dans peu de temps, à cause de ses sottises. C'est alors que, surgissant des bois, un homme armé arriva au galop. Un autre voleur ? Non.

Chapitre corrigé par Mme PDM

Alexane de ChabannesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant