Chapitre cinq

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Le Prince de Montpensier avait reçu la veille une lettre de son père, lui ordonnant de se rendre au château des Mézières où il le retrouverait. Le jeune homme se méfiait des raisons pour lesquelles celui-ci le faisait appeler. Pourquoi maintenant? Pourquoi chez les Mézières? Il se rassura en se disant qu'il y verrait surement son cousin le duc de Guise. Le cadet de celui-ci, le duc de Mayenne, devait en effet épouser l'unique fille de Mézières. Dans les préparatifs de ce mariage, Mayenne et Guise s'en allaient souvent chez les Mézières durant les trêves. Ainsi, le prince se rassurait en pensant que si la conversation de son père l'agaçait, il pourrait toujours échanger quelques coups d'épée avec son cousin.

Il força son cheval à galoper le plus vite possible, sachant bien que son père avait horreur d'attendre. Cependant alors qu'il traversait la forêt, il entendit du bruit, des cris. Il était résolu à ne point s'en faire, ne voulant guère perdre de temps. C'est alors que, parmi les cris, il discerna une voix qui lui sembla être celle d'une jeune fille; et il ne put se résoudre à laisser une enfant dans une telle situation. Il donna deux coups de talons et partit au galop en direction du bruit.

Il ne s'était point trompé. Une dizaine d'hommes armés menaçaient une jeune fille et un homme. Il ne reconnut point en ce dernier son vieil ami, le comte de Chabannes; mais peu lui importait l'identité de ces gens. Il était de son devoir de les aider.

La force du prince, lors des combats, reposait sur la surprise. Il sortit silencieusement son épée et avança, lancé au grand galop. Il blessa plus de la moitié des brigands, puis descendit de son cheval et se battit avec rage; comme si c'était sa propre vie que l'on attaquait. Il ne connaissait point non plus la jeune fille aux côtés de laquelle il combattait, mais elle lui donna le courage de se battre au péril de sa vie. Philippe* aurait apprécié que cela se passe comme dans les récits que l'on faisait des combats du duc de Guise, un homme fort, qui terrassait ses opposants sans aucune pitié et avec grande aisance. Le prince en était bien loin: il aurait déjà été tué si l'enfant ne couvrait pas ses arrières. Alors qu'un vilain s'apprêtait à l'attaquer dans le dos, Alexane défendit le jeune homme en assénant un coup puissant, qui blessa le brigand.

Montpensier se battait tout de même avec beaucoup d'agilité; il mit la plupart des vilains hors d'état de nuire et fit fuir les restants. « Vous nous avez sauvé la vie, monsieur ! dit Alexane. Je ne saurais comment vous remercier... » Elle tendit la main à son père, qui lui aussi avait été désarçonné. A ce moment, ils ignoraient tous qui était l'autre. Après s'être assuré que le danger était bien passé, le prince de Montpensier se retourna pour répondre à Mademoiselle de Chabannes. Mais alors, il reconnut son vieil ami et fut bien incapable de parler. Il bredouilla: « Pourrais-je y croire? Ne serait-ce pas le comte de Chabannes ? » Le concerné crut d'abord rêver lorsqu'il vit son ancien élève. Cela faisait une éternité qu'ils ne s'étaient point rencontrés. Pourtant, au premier regard, il en fut convaincu: cet homme était bien le prince, son ami. « Philippe ! s'exclama le comte. Quel plaisir de vous revoir ! » Les deux hommes s'embrassèrent vivement. « Puis-je savoir qui est cette jeune fille qui vous accompagne ? » demanda Montpensier. Le comte de Chabannes ne sut quoi répondre, car il se rendit alors compte qu'il n'avait jamais parlé d'Alexane au prince. Il faut dire que l'occasion ne s'était jamais vraiment présentée. Voyant que son père ne répondait pas, l'intéressée décida de le faire elle-même.

« Alexane de Chabannes, monsieur.

- "De Chabannes" ? répéta le prince qui ne semblait pas comprendre.

- Je suis la fille du comte. »

Un silence se fit.

« Vous ne m'aviez pas dit que vous aviez une fille ! s'étonna le prince.

- A savoir tant de choses, Père en oublie parfois certaines, plaisanta Alexane, comme de vous informer de son enfant. Mais maintenant vous le savez. Puis-je à mon tour vous demander à qui j'ai l'honneur de parler?

- Bien sûr. Je suis Philippe de Montpensier, un grand ami du comte votre père. »

Alexane cru avoir mal compris. Elle était très étonnée. Certes, son père lui avait longuement parlé de son ami le prince de Montpensier, mais de ce fait, elle croyait que cet ami avait le même âge que lui. C'était tout l'inverse: le prince était d'une extrême jeunesse. La demoiselle le regarda en détail. Il avait un visage souriant avec des traits presque enfantins, et sa barbe rasée de près était le seul signe de sa maturité. S'il n'avait pas le même âge qu'elle, il devait avoir un ou deux ans de plus seulement. Était-ce vraiment lui, le prince de Montpensier ? Il était bien loin de l'image que s'en était fait Alexane. Elle tenta de ne point laisser apparaître sa surprise et répondit sobrement: « Enchantée, monsieur. » Philippe se tourna alors vers son vieil ami: « Mon très cher ami, puis-je savoir ce que vous faisiez dans les bois ? » Le comte de Chabannes raconta alors au prince toute sa mésaventure. Lorsqu'il eut fini, le silence reprit ses droits. Un sourire apparut sur le visage du jeune homme.

« Maintenant que je vous ai, je vous garde ! Mon père m'a demandé, dans une lettre, de me rendre au château des Mézières. J'ignore encore pourquoi. La route est longue, venez avec moi, le voyage n'en sera que plus agréable.

- Vous êtes bien gentil, Philippe, le remercia le comte, mais je ne puis laisser ma fille ici.

- Qu'elle vienne ! s'exclama le prince en montant sur son cheval. La demeure des Mézières est grande, deux ou trois, ils n'y verront nulle différence ! »

Le comte ne se fit point prier et mit le pied à l'étrier. Alexane en fit de même. Le voyage se déroula par la suite sans aucun ambages.

***

*Les prénoms utilisés sont ceux du film.

Chapitre corrigé par Mme PDM

Alexane de ChabannesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant