Chapitre vingt-trois

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Alexane resta au chevet de son père, refusant de s'en éloigner. En fin d'après-midi, elle se leva enfin, pour aller chercher de quoi changer le pansement. Elle avait toujours aussi peur pour la vie de son père mais un autre homme occupait aussi sa pensée. En effet, elle songeait au prince. Même si celui-ci avait brisé sa confiance en la menaçant juste pour prouver sa force au duc de Guise, elle ne pouvait s'empêcher de se demander où il se trouvait aujourd'hui et s'il avait été blessé pendant le combat, voir mis à mort par le Balafré lui-même pour s'être retourné contre lui. Mais au fond d'elle, la jeune femme savait qu'elle ne reverrait sûrement jamais son ami. Il détestait à présent le comte de Chabannes, pourquoi donc reviendrait-il vers eux? Cette amitié était brisée à cause de la princesse, et il n'y avait aucun moyen de rebrousser chemin. Alexane tenta d'oublier ces mauvaises pensées et de se concentrer sur l'état de santé de son père: son coeur battait toujours et c'était cela l'essentiel. La nuit tomba et la jeune femme n'en démordit pas: elle tenta de lutter contre le sommeil mais elle finit encore une fois par s'endormir au chevet du comte, sa main dans la sienne.

Le jour suivant, les combats continuèrent à la capitale. Alexane resta aux chevet de son père, ce qui inquiétait de plus en plus Nicolas qui ne put plus se retenir de le lui faire remarquer :

« Alexane, il te faut te reposer ! Tu es blanche comme neige, cela t'es néfaste !

— Je ne peux pas le laisser, Nicolas, répondit-elle faiblement. Son coeur bat toujours...

— Cesse de répéter cela, on croirait que la folie te gagne ! s'exclama brusquement le jeune homme rongé par l'angoisse de voir son amie ainsi.

— J'ai peur pour sa vie. Tu comprend ça, Nicolas ? J'ai peur ! Je ne supporterais de perdre un autre parent !

— J'ai peur moi aussi, Alexane, mais en l'état nous ne pouvons rien de plus pour lui. Si tu meurs d'épuisement, ton père n'aura plus aucune raison de rester en vie, et je serai moi-même bien tri- »

Le dialogue fut soudainement interrompu par des coups frappés à la porte.

« Est-ce ton maître qui est de retour ? demanda la jeune femme.

— Impossible, il m'a dit qu'il ne rentrerait que ce soir !

— Des catholiques...? suggéra Alexane parcourue par la peur.

— Ils auraient déjà défoncé la porte. Je vais voir, reste ici. »

Le jeune homme prit son arme et se dirigea vers la porte, le dos plaqué contre le mur près à se défendre si l'on entrait.

« Qui êtes-vous ?, interrogea-t-il.

— Ouvrez ! » répondit une voix masculine.

L'entente de cette voix fit sursauter Alexane, et son regard croisa celui de Nicolas: tous deux l'avait reconnue, c'était celle du prince de Montpensier.

« Tu n'es pas le bienvenue ici, Philippe ! déclara Nicolas.

— Je vous en prie, je suis blessé, je pose mon arme ! » répondit le prince.

Nicola se retourna vers Alexane afin de savoir s'il devait ou non ouvrir la porte. Cette dernière acquiesça timidement, et le jeune homme s'exécuta. Le prince de Montpensier entra donc, la main ensanglantée. Il jeta immédiatement sa rapière aux pieds de Nicolas, pour montrer qu'il n'était pas menaçant. Nicolas se rua tout de même entre Alexane et le prince: « Tu les touches, tu es un homme mort, Philippe ! » Le prince croisa le regard d'Alexane, vit le comte inconscient et baissa les yeux par culpabilité.

« Je promet que je ne ferai de mal à personne.

— Vous l'aviez déjà promis, coupa froidement Alexane. Et pourtant, vous avez pointé votre arme sur nous...

— Je suis impardonnable, mais écoutez moi : Je n'étais point au courant que tout ce qui se déroule en ce moment allait se produire, je vous le jure ! Et justement, pour tenter de réparer mes erreurs, je viens vous proposer de fuir à Champigny avec moi, loin de ce massacre ! La reine mère a fait fermer toutes les portes de Paris, seuls les hommes à son service peuvent les faire ouvrir. Venez avec moi, vous serez en sécurité !

— Et comment vous croire ? questionna la jeune femme. Vous avez déjà brisé une promesse...

— De grâce, Alexane ! Je ne fais cela que pour votre sécurité !

— Après tout, vous nous aviez chassé de Champigny pourquoi donc y retourner ? » ajouta-t-elle.

Le jeune prince ne répondit pas, la demoiselle avait évoqué un événement sensible. Lorsqu'il avait chassé les Chabannes de son château, c'était sous le coup de la colère, et il le regrettait maintenant amèrement. Jamais il n'avait imaginé les envoyer au devant d'un danger aussi important ! Après tout, le mariage de Marguerite de Valois et Henri de Navarre l'avait plutôt porté à penser que les temps changeaient; et que le comte et sa fille ne courraient plus grand risque... Comme il s'était trompé ! Et dire qu'il avait laissé se fourbe de Guise le convaincre de les attaquer !

Nicolas, quant à lui, assistait à ce dialogue sans savoir que dire. Selon lui, Alexane avait tout intérêt à se rendre à Champigny. Quitter ce climat de peur lui changerait sûrement les idées. Peut-être même reprendrait-elle des couleurs ? Mais la jeune femme campait sur ses positions. Il fallait qu'il convainque son amie de partir, sa santé en dépendait. Tout de même, il la comprenait. Il avait beau penser Philippe sincère et inoffensif, il ne pouvait se débarrasser de la crainte d'avoir tort. Alors, il prit une décision.

« Alexane, dit Nicolas. Je viens avec vous.

— Comment ? s'étonna la jeune femme, qui ne s'attendait pas à ce que son ami intervienne.

— Tu as peur de Philippe, n'est-ce pas ? Et bien je vais demander à mon maître si je peux m'absenter afin de vous accompagner. C'est un homme bon, et je suis certain qu'il acceptera. Ainsi, je serai présent pour vous protéger du prince, toi et ton père, si jamais il tentait quelque chose. Je sais que tu es fière et capable de te défendre seule, après tout tu as porté ton père jusqu'ici en plein massacre, mais il faudra bien que tu baisses ta garde par moments, ne serait-ce que pour dormir. C'est dans ces moments là que mon aide te sera précieuse. Quoi qu'il en soit, il faut à tout prix que tu t'enfuies de la capitale !

— Bien..., murmura Alexane.

— Vous acceptez ?! s'empressa de demander le prince.

— Si Nicolas vient avec nous alors oui, j'accepte. »

Alexane prit une profonde respiration, elle se leva et pria Nicolas de surveiller le comte pendant qu'elle s'absentait pour chercher de quoi panser les blessures du prince. Ce dernier n'était pas grièvement blessé, il arborait principalement des coupures sans importances qu'il suffisait de désinfecter. Toutefois, la blessure qu'il s'était faite en se battant contre le duc de Guise quelque mois auparavant avait mal cicatrisé et la plaie c'était de nouveau ouverte, c'était là sa lésion la plus importante. Alexane ne possédait rien pour suturer la plaie, elle se contenta de faire un cataplasme avec ce qui était à sa disposition. Alors qu'elle s'occupait des blessure de Philippe, elle n'eut aucun regard pour lui et ne lui adressa point la parole, ce qui attrista le jeune prince qui savait qu'il ne pouvait s'en prendre qu'à lui même. Toutefois, il était rassuré que son amie ait accepté sa proposition de s'éloigner des combats. Le soir venu, le maître de Nicolas revint à la demeure, le jeune homme expliqua la situation et le pria d'accepter qu'il s'absente quelques jours. Jean Pardaillan, ayant un grand cœur, accepta sur le champ. Il fut convenu qu'ils partiraient pour Champigny le lendemain à la première heure.  

***

Co-écrit avec/corrigé par MmePDM

Alexane de ChabannesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant