Chapitre neuf

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Le soleil n'était pas couché qu'ils arrivèrent à Champigny. Le village était beau, même s'il était assez rustique. Après encore un peu de marche, Alexane aperçut enfin le château, ou plutôt les remparts, hauts de plusieurs mètres. « Nous ne sommes plus très loin. » affirma le prince. En se rapprochant de l'entrée, la jeune fille vit des drapeaux flotter au vent. La plupart lui étaient familiers, mais un lui restait inconnu : trois fleurs de lys et une barre sur un fond bleu. Elle en ignorait la signification. Son père, qui connaissait Alexane mieux que personne, comprit son trouble et lui dit :

« Les trois fleurs de lys représentent...

– Saint Louis ? essaya-t-elle.

– Pas exactement, répondit le comte avec un léger sourire. Saint-Louis est représenté avec des fleurs de lys et deux cerfs ailés.

– Je n'ai donc pas totalement tort, père.

– Certes, mais pas totalement raison non plus, mon enfant. Les trois fleurs de lys représentent la famille des Bourbons. La « barre » représente la branche cadette de la famille c'est-à-dire ...

– Les Montpensier ? demanda la jeune fille.

– Exact, confirma le prince non loin de là. Bienvenu à Champigny ! Le château est certes petit mais le terrain est grand et la beauté des lieux rendent les villages voisins fous de jalousie. »

Des serviteurs ouvrirent les portes et il partit au galop dans la cour du château. Alexane trouva en effet ce dernier assez beau, quoique très sobre. En effet, il était petit, mais ses possessions s'étendaient à perte de vue. À deux pas de l'édifice se trouvait une petite chapelle. Alexane ignorait totalement qu'il s'agissait d'une chapelle sainte, car elle ne priait qu'au temple.

Le prince de Montpensier mit pied à terre. Pendant qu'un écuyer lui prenait son cheval, Philippe tendit la main à sa femme pour l'aider à descendre du carrosse.

« Je vous avais prévenue, s'excusa-t-il à l'intention de Marie. Ma demeure est assez modeste mais son charme le vous le fera vite oublier.

– Croyez-vous que l'on m'ait élevée dans la mollesse, les douceurs et les satins ? » rétorqua-t-elle sèchement, sans même prendre la main de son époux.

Philippe baissa les yeux pour qu'on ne puisse entrevoir sa tristesse. Il aimait la princesse plus que tout au monde mais elle ne cessait de le rejeter, et cela lui brisait le cœur. La réflexion de Marie le fit se rendre compte d'autre chose : il ignorait tout d'elle. De son éducation à ses goûts, tout lui était étranger. Sans même se retourner vers son époux, la femme de ce dernier finit par murmurer : « En votre compagnie il me sera agréable ».

Le comte et sa fille allèrent s'occuper des chevaux. Ces derniers étaient pour la plupart fatigués et avaient bien mérité de se reposer aux écuries. Alexane s'occupa de sa monture et de celle du prince, laissant les chevaux du carrosse à son père. Ainsi, elle eut fini bien plus vite que ce dernier et voulut aller vers le château. Elle ne tarda point à retrouver son chemin. Cependant, en arrivant aux portes de la demeure du prince, elle entendit ce dernier parler à sa femme.

« Je vous laisse le choix de vos appartements, offrit-il. Cette aile du château est plus ensoleillée, en revanche l'autre aile est plus silencieuse.

– J'aime le soleil, répondit Marie avec un ton triste. Ces appartements me conviendront.

– M'aimerez-vous aussi, madame ?

– Quand vous me le commanderez. »

Mademoiselle de Chabannes partit pour ne point être vue, gênée d'avoir été témoin de cet échange chaotique entre les deux jeunes mariés. De plus, la vue de ces jeunes gens mariés sans leur consentement, lui fit se souvenir d'une chose : Elle avait le même âge qu'eux. Sans doute allait-elle, elle aussi, être forcée à épouser un homme qu'elle n'aimait pas... Serait-ce elle qui, dans quelques années, répondrait « Quand vous me le commanderez. » à son mari ? Cette idée lui donnait la chair de poule. Elle préféra ne point y penser et retourna aux écuries aider son père.

Le souper fut servi à la tombée de la nuit. On y apprit que les parents de Philippe rentreraient à Paris au petit matin, même si l'état de santé de la mère de ce dernier restait à déplorer. On y apprit aussi que le château manquait de chambres, ainsi on avait fait installer un autre lit pour Alexane dans celle destiné au comte de Chabannes. Cela ne dérangeait toutefois point la jeune fille. Après les nuits qu'elle avait passées dehors lors du voyage, dormir sous un toit était pour elle largement suffisant.

Cependant, Alexane n'avait pas sommeil, de sorte qu'après le repas, elle alla se promener dans les allées boisées de la demeure. Il faisait sombre et seule la lune éclairait le chemin. Celui-ci la mena à la chapelle qu'elle avait aperçue tantôt. Lui vint l'envie d'entrer, mais en avait-elle le droit ? Elle était après tout protestante, une chapelle était le lieu de culte des ennemis, des persécuteurs... Alors qu'elle reprenait sa marche, le prince sortit de l'édifice. Mademoiselle de Chabannes repensa à son discours lors du trajet et ne put laisser passer la possibilité de s'excuser.

« Excusez-moi, monsieur, fit-elle à voix basse.

– Oui ? s'étonna Philippe en se retournant. Ah, c'est vous, je me demandais qui pouvait veiller à une heure si tardive.

– À vrai dire, je n'ai point sommeil, monsieur. Mais je souhaitais vous entretenir d'une chose...

– Laquelle ?

– Mon comportement lors du trajet. Je vous ai manqué de respect, j'en suis sincèrement désolée et je vous prie de me pardonner.

– Nul besoin de vous excuser, vous aviez raison. Je ne fais qu'obéir aux ordres. Cette guerre, enfin ce bain de sang, j'aimerais l'abandonner... Mais je n'aurai jamais le courage de votre père. Le mien a d'ailleurs peut-être raison lorsqu'il dit que je suis un moins que rien...

– La rumeur court que la reine mère souhaitait arrêter Père pour cet acte vu comme une trahison. Si vous n'aviez pas été là, dans cette forêt, je ne sais ce qu'il en serait de lui aujourd'hui...

– Vous faites de moi un héros que je ne suis pas, répondit le prince avec un léger sourire.

– Toujours est-il que vous nous avez sauvés, insista-t-elle en étouffant un bâillement. Veuillez m'excuser, je pense que je devrais aller me coucher. »

Alors qu'elle se dirigeait vers le château pour rejoindre sa chambre, le prince la retint par la main : « Encore une chose... s'empressa-t-il de dire ». Alexane s'arrêta et il lâcha sa main : « Puis-je vous appelez Alexane ? ». Cette dernière rougit immédiatement. Fort heureusement, la nuit cacha ce détail au prince. Un silence assourdissant se fit, et enfin elle demanda à son tour :

« Puis-je vous appeler Philippe ?

– Oui.

– Dans ce cas, oui, vous pouvez m'appeler Alexane. Sur ce, je dois me retirer... Père doit se demander où je me trouve. »

Alexane partit se coucher. Craignant de réveiller son père, elle n'alluma pas de bougie et entra à pas de loup dans la chambre. Cependant, le comte ne dormait pas.

« Que faisiez-vous dehors, à une heure si tardive ? demanda-t-il.

– J'allais demander pardon, chuchota la jeune fille.

– À qui ?

– Au prince votre ami.

– C'est bien, ma fille. »

Alexane n'entendit cependant point cette dernière phrase, car elle dormait déjà.

Alexane n'entendit cependant point cette dernière phrase, car elle dormait déjà

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Alexane de ChabannesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant