Chapitre trente-et-un

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Les lèvres d'Alexane, encore brûlantes du dernier baiser de Philippe, son cœur ne s'en était pas encore tout à fait remis. Allongée sur le divan de sa chambre, blottie dans une couverture, bercée par le crépitement du feu de cheminée, les paupières de la demoiselle étaient lourdes. Pour la première fois depuis très longtemps, elle était heureuse, ses chagrins quotidiens étaient tombés dans l'oubli et elle ne tarda pas à s'endormir. Cela faisait longtemps que les nuits de la jeune femme étaient hantées de mauvais rêves mais cette nuit-là fut bien différente, il n'y eu pas l'ombre d'un cauchemar. 

Un premier rêve l'emmena au côté de Philippe, pour son plus grand plaisir.

Un autre la fit voyager dans le temps.

Assise dans l'herbe, Alexane n'était alors qu'une enfant. Elle reconnue de suite le jardin de la demeure familiale. Une jeune femme souriante lui montrait des plantes. Cette femme, c'était Élisa de Blois, sa mère. Au loin, résonnait le bruit de fers s'entrechoquant, Monsieur de Chabannes donnait une leçon d'escrime au jeune Nicolas. S'arrêtant un instant, le comte salua de loin son enfant. Ses cheveux bruns n'étaient pas clairsemés de blanc, cela marqua Alexane, cette époque joyeuse semblait avoir pris fin il y a des siècles de cela... Les lèvres de comte bougèrent et malgré la distance qui les séparait, elle eut pourtant l'impression d'entendre clairement son nom.

Alexane...

Mais rien de plus. La jeune fille fit alors signe qu'elle n'avait pas entendu. Le comte ouvrit de nouveau la bouche mais elle n'en entendit rien de plus.

Alexane...

Alexane...

La jeune femme ouvrit les yeux, on l'appelait: son père l'appelait.

Le comte avait le regard porté sur son enfant, son visage était défiguré par la douleur, une main était faiblement tendue vers la demoiselle. Alexane, soudainement d'une blancheur extrême, hésita à s'approcher, de peur que cette image disparaisse tel la fin d'un rêve.

Père..?

François, dont chaque respiration lui était affreusement douloureuse, ne parvint pas à répondre, cependant, en entendant la douce voix de son enfant, il tenta de sourire. Alexane, elle, sourit, avant d'éclater en sanglots. Elle s'effondra au chevet du lit, prenant dans ses mains, celle de son père, elle était gelée.

- J'ai cru vous perdre, marmonna Alexane souriante mais le visage couvert de larmes.

- Que s'est-il passé?, siffla douloureusement le comte.

La jeune femme hésita, il s'était passé bien des choses depuis cette sombre nuit, résumer tout cela était loin d'être facile... Et puis, il y avait le cas de la princesse... Que dire?

- Père, vous avez été gravement blessé, vous devriez essayer de vous reposer, je vous raconterais tous les détails demain dès l'aube, finit-elle par dire.

L'homme voulut répondre mais cela lui était trop douloureux, il essaya alors de faire un geste négatif, la douleur était bien trop vive.

- J'ai cueilli des ulmaires, il y a peu, je m'en vais les chercher, ne bougez pas.

Pour toutes réponses, le comte esquissa un sourire. Alexane sortit alors de la chambre afin d'aller chercher de quoi faire une boisson à base d'ulmaires, dans l'espoir d'apaiser un peu les douleurs du comte.

Dans la cuisine, elle saisit une besace remplie de plantes récemment cueillies avant d'allumer un feu dans la cheminée afin d'y faire chauffer de l'eau. Les yeux rivés sur le feu, elle pensa à ce qui venait de se passer, elle n'était toujours pas sûre que cela était bel et bien vrai.

Alexane de ChabannesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant