Flashback - Partie 1

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|Mai 2015 |
|7 ans plus tôt |


Depuis qu'un client monégasque de mon père l'a invité chez lui à l'occasion du grand prix de Monaco pour le remercier de ses services, il ne parle plus que de ça et les conversations tournent en boucle dessus comme s'il s'agissait d'un événement extraordinaire.

L'évènement de l'année.

Pourtant il n'y a rien d'excitant à regarder des voitures faire des tours en rond jusqu'à ce que les pilotes soient centrifugés et desséchés comme des pruneaux.

Bubulle, le poisson rouge de la famille, excelle aussi dans ce domaine et tout le monde s'en fout.

Le regard perdu dans mon assiette, je fais crisser ma fourchette contre la porcelaine blanche pendant que la surexcitation de mes parents m'exaspère de plus en plus.

– D'ailleurs Anna, Mamita est au courant qu'elle doit te déposer à la gare lundi matin, me rappelle promptement ma mère.

J'hoche de la tête sans sourciller et en m'estimant heureuse d'avoir prétexté vouloir passer le week-end de mon anniversaire chez ma grand-mère paternelle et donc d'avoir réussi à échapper de justesse à une séance gratuite pour devenir sourde en deux jours top chrono.

Malgré ma petite victoire, je n'ai pas eu mon mot à dire quand mes parents m'ont clairement obligé à les rejoindre dès le lendemain du grand prix.

Cette semaine chez des inconnus que je ne connais ni d'Adam, ni d'Eve ne m'enchante pas du tout.

Et le moins que je puisse dire c'est qu'être à Monaco ne me vend pas du rêve. Après tout, ce n'est qu'un minuscule morceau de rocher.



La semaine qui a suivi, mes parents et mon frère sont partis à Monaco quelques jours avant moi. De mon côté, j'ai profité d'avoir quartier libre à la maison pour fêter mon anniversaire en organisant la soirée de l'année.

Mes 17 ans resteront dans les annales.

Les flics sont venus nous demander d'arrêter de crier comme des malades, Léa s'est envoyée en l'air, les gars ont tiré un mini feu d'artifice depuis mon jardin, j'ai pris la cuite de ma vie en dégueulant un peu partout et ma grand-mère a failli faire une crise cardiaque en voyant l'état de la maison le lendemain.

Bref, c'était un sacré bordel.


– Allons, ne fais pas cette tête ma poupée ! s'exclame ma grand-mère sur le quai de la gare.

La moue boudeuse et les bras croisés sur la poitrine, je suis réfractaire à sa bonne humeur.

– Je peux te dire qu'à ton âge, je ne me serais pas fait prier pour partir m'amuser dans le sud !

Je roule des yeux devant son entrain débordant.

– Et puis maintenant que tu as 17 ans et que tu dois commencer à t'intéresser aux hommes, laisse-moi te dire que les hommes du sud... Oh les hommes du sud, ils ont le sang chaud ! m'achève-t-elle pour de bon.

– Ok super, je ne veux pas en savoir plus Mamita ! m'égosillé-je, rouge comme une pivoine.


Il est hors de question que ma grand-mère fasse allusion à quoi que ce soit de sexuel.

Elle me sourit de toutes ses dents jaunies avant de m'embrasser chaleureusement et de mettre plusieurs petites claques sur les fesses pour m'inciter à monter dans ce train qui n'attend plus que moi.

La célèbre sonnerie des cheminots retentit tandis que ma grand-mère m'observe depuis le quai en me faisant de grands coucou. Je n'ai pas besoin d'être Sherlock pour savoir que derrière son grand sourire, elle me surveille.

Ben voyons, il ne faudrait pas que la gamine ne fasse faux bond.

Je capitule en lui adressant à mon tour des baisers imaginaires, les portes se ferment, le train démarre et il est trop tard pour faire marche arrière. Résignée, j'ai passé l'essentiel de mon trajet à écouter en boucle les mêmes musiques jusqu'à arriver sur le territoire de ce maudit rocher.

À peine ai-je le temps de poser le pied sur le quai de la principauté que ce n'est pas une, mais deux femmes qui me sautent dessus.

L'une est ma mère, l'autre doit être notre hôte.

Plus excitées que des pucelles au concert de Justin Bieber, elles se jettent sur moi en me posant tout un tas de questions qui m'exaspèrent plus les unes que les autres.

« Le trajet s'est bien passé ? », « Oh ma douce, tu nous as manqué ! », « Le train n'était pas bondé ? », « Tu dois avoir très faim ? », « Ah tu vois Dani', j'aurais adoré avoir une fille à pouponner ! », « Cache ta joie surtout. », « Tu as des cheveux magnifiques ! », « Ta correspondance à Marseille s'est bien passée ? ».

Légèrement désarçonnée et perplexe par cet accueil un peu trop chaleureux à mon goût, j'observe un moment l'inconnue qui chante mes louanges en tripotant mes boucles.

J'ai peut-être dramatisé la situation.

Le trajet retour vers la maison des amis de mes parents est si rapide que je n'ai vu de Monaco que des façades d'immeuble. De belles façades et des façades crasseuses. D'ailleurs, je n'ai toujours pas vu le fameux rocher, c'est surprenant pour un pays que l'on surnomme le Rocher, j'aurais pensé qu'il surplombait tout.

Tout juste garées dans la cour de la maison de nos hôtes, que je reçois à nouveau un chaleureux accueil avec mon père qui me prend dans ses bras comme s'il ne m'avait pas vu depuis des lustres.

Puis une deuxième montagne le suit. Elle est plus petite mais tout aussi imposante. L'homme que je suppose être le patriarche de la maison, me prend également dans ses bras comme si j'étais sa fille.

Décidément, cette famille est bien démonstrative me dis-je en restant pantoise, les bras ballants.

Dès que l'inconnu détache sa prise, il m'invite à faire face au reste de l'assemblée que je découvre avec une mine stupéfaite, à deux doigts d'être carrément livide ou de faire un malaise.

Suis-je tombée en plein dans une embuscade ?

– Bienvenue à la maison Anna. Ma femme, les garçons et moi-même sommes très heureux de t'accueillir.

Trois paires d'yeux ronds comme des billes me fixent.

J'ai l'impression de pouvoir sentir la testostérone des deux aînés de la famille d'ici.

– Lorenzo est l'aîné de la fratrie, à côté de lui il y a Arthur, c'est notre petit dernier, m'apprend le père.

Acquiesçant pour saluer de la tête les frères, je déglutis difficilement en croisant le regard du cadet, à mi chemin entre le grand et le petit.


– Et là, le brun qui tire la gueule, c'est Charles. Il est un peu ronchon en ce moment... ricane le patriarche.

L'air blasé sur les traits du cadet me fait sourire niaisement alors que mes yeux s'attardent un peu trop longtemps sur lui, il me prend en flagrant délit en train de l'épier.

Le sang qui me monte instantanément aux joues, je détourne le regard tandis que je maudis ma grand-mère d'avoir eu raison puisque je sens que mes hormones se mettent déjà à bouillir.

Finalement le séjour promet d'être plus intéressant que prévu.

Don't Look Down IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant