Chapitre 19

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| Lundi 17 Mai |

– Bonjour Anna, me dit-il.

Il me désigne du doigt la chaise devant lui sans même lever les yeux de son écran de téléphone tandis que je m'exécute en m'asseyant face à lui. Même si je déteste son indifférence, dans le fond, je sais que je la mérite.

Immobile, j'ai l'impression d'attendre une éternité avant qu'il daigne enfin lever le menton.

– En fait tu n'as jamais joué la partie seule, finit-il par me lancer.

Un rictus au coin des lèvres, il est d'un calme olympien alors que mon cœur fait du saut à l'élastique dans ma poitrine. Pourtant, je n'ai pas de raison valable de m'angoisser puisque je ne ressens ni agressivité dans sa voix, ni ironie dans son regard.

Quoiqu'il énonce un fait d'une façon un peu trop neutre à mon goût.

– Enzo, je suis vraiment navrée.

Ma voix résonne dans son bureau tandis qu'il fait couler deux cafés et que sa neutralité quitte ses traits pour laisser place à une moue narquoise qui m'étudie.

– Dis-moi, tu es navrée de ne pas avoir assuré ton job ? de m'avoir laissé en plan ? Ou de m'avoir sous-entendu que t'étais célibataire ?

– Je suis désolée pour les trois.

Il ricane dans sa barbe et je déteste être obligée d'accepter les remords de mes échecs.

– Bien sûr, me répond-il en raillant. Sache seulement que, quand tu t'engages à représenter le cabinet, tu ne peux pas en faire qu'à ta tête. Je comptais sur toi pour m'épauler et tu m'as franchement déçu.

– Je sais, sifflé-je de mauvaise foi.

Moi qui ai toujours voulu faire la fierté de mon père et lui prouver que je pouvais être à sa hauteur, ses mots piquent profondément mon estime. Alors faute de pouvoir disparaître comme par magie, je noie mes amères excuses dans le noir de ma boisson caféinée.

– Tu sais, j'ai appris des choses très intéressantes samedi soir en raccompagnant Lola, me dit-il.

Mes yeux s'écarquillent et je manque d'avaler ma gorgée de café de travers en trouvant les prunelles sombres de mon jeune boss.

Lola.

Voilà que ce prénom me semble étrangement familier, ici et dans ce contexte.

– Des choses intéressantes, vraiment ? repris-je, incertaine de la suite.

– Vraiment, oui. Mais honnêtement, je crois que la chose qui m'a le plus surpris, c'est d'apprendre qu'avec Charles vous aviez fricoté pendant un bon moment.

Bordel.

Les poings serrés, je déglutis difficilement, j'ai un très mauvais pressentiment à son sujet. J'en viendrais presque à vouloir rencontrer cette mystérieuse Lola pour trouver toutes les réponses à toutes ces petites coïncidences qui relient cette inconnue à Charles et Charles à moi.

Dans tous les cas, s'il y a bien une chose que je compte éviter, c'est de continuer à déblatérer à ce sujet avec Enzo. Ma vie privée n'a rien à faire ici et je n'ai pas l'intention de lui donner de quoi régaler les torchons à scandales.

– C'est donc pour ça que tu souhaitais me voir dans ton bureau ? répliqué-je.

– Non, me coupe-t-il. Mais ça m'amusait beaucoup de te montrer que je n'étais pas si crédule. En parlant de crédule, Charles, il le sait que tu jouais sur plusieurs tableaux ?

Don't Look Down IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant