Chapitre 25

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| Jeudi 20 Mai |



– Ne t'approche pas ! menacé-je.


Mon couteau pointé dans sa direction, ses mains sur mes hanches ne bougent pas d'un pouce et je vois dans son regard qu'il ne me prend pas au sérieux.

Prise au défi de lui faire comprendre que son petit manège a assez duré, je soutiens son regard en posant le tranchant de la lame du couteau sur son polo Ferrari. Ma manœuvre le surprend pour qu'il se méfie du mauvais regard que je lui lance en faisant un pas en arrière. Il relâche sa prise tandis que ses deux frères ne manquent pas une miette du spectacle en esclaffant de rire depuis l'autre partie du jardin.


– Dans mes souvenirs, cuisiner te rendait plus coquine que ça.

– Dans mes souvenirs, tu n'étais pas un aussi gros connard, rétorqué-je à l'allusion de notre dernière entrevue.


Ses traits se tendent et je sais que je viens de tirer en plein dans son petit égo et étrangement, ça soulage une partie de la colère que j'avais contre lui.

Suffisamment confiante pour lui tourner le dos, je m'attaque aux tomates que je découpe lentement. Appuyé contre la table, il m'observe sans dire un mot alors que je le vois se balancer d'une jambe sur l'autre dans ma vision périphérique.

Quelque chose lui brûle les lèvres.

Je sens qu'il voudrait enclencher la discussion sans savoir par où commencer. Puisqu'il refuse de se lancer, c'est moi qui pivote sur mes pieds jusqu'à lui faire face. Le couteau posé sur la planche à découper, je le scrute en croisant les bras sur ma poitrine.


– Pourquoi tu n'as jamais répondu à mes messages ?

– Crois-moi qu'il vaut mieux pour toi et pour moi que je ne te réponde pas avant la fin du grand prix, pouffe-t-il incrédule.


Particulière insatisfaite de sa réponse, je tape nerveusement du pied tandis qu'il m'observe en penchant la tête sur le côté. Comme pour lire dans mon âme, il se penche vers moi jusqu'à pouvoir replacer une mèche de cheveux derrière mon oreille.

Encore trop sensible pour le laisser m'approcher de trop près, je frappe sans ménagement sa main en l'obligeant à reprendre ses distances. De nouveau en retrait, je l'observe déglutir en frottant ses mains l'une contre l'autre.

Cherche-t-il ses mots ou cherche-t-il sa meilleure excuse ?


– Même si je voudrais que les choses soient différentes, elles ne sont jamais ce dont elles ont l'air.

– Au contraire, les choses ont souvent l'air de ce qu'elles sont.

– Elle serait capable de te détruire et de me détruire si elle le voulait.


Les lèvres pincées, il y a quelque chose dans sa voix qui me glace le sang.

Je déteste la crainte qui émane de ses gestes. Comme s'il était la proie d'un prédateur plus grand que nous, il croit en ce qu'il dit.


– Tu ne me dois rien, tu n'as pas à justifier tes actes.

– Elle profite de mon image, je profite de son influence.


Je glousse tristement de rire.


– Ça ne te pose pas des problèmes de conscience de te taper une nana par intérêt ? dis-je avec amertume que prévu.

– Je ne couche pas avec elle, donc non. Disons que c'est plutôt un échange de services.


Assez peu convaincue pas son explication, au risque d'être encore plus dégoûtée par leurs manigances, je préfère encore acquiescer que de poursuivre la discussion.

De nouveau en tête-à-tête avec la planche à découper, je reprends mes petites découpes sous le regard de Charles qui me guette.


– Je t'expliquerais quand ce sera le bon moment.

– Il n'y aura jamais de bon moment.

– Soit patiente.

– Je n'en peux plus d'être patiente pour quelqu'un qui n'est pas capable de m'accorder plus de cinq minutes de son temps.

– Et qu'est-ce que je suis en train de faire, là ?

– Tu profites de l'occasion ! m'égosillé-je.


Il me regarde de toute sa hauteur et je bouillonne face à sa mauvaise foi.

Le concombre que je découpais vient d'en subir les conséquences et il me faut un contrôle démesuré de ma petite personne, pour me retenir de rire devant la malheureuse bouillie verte que j'ai faite du concombre.


– Après le grand prix, je te promets d'être là.

– Et si je refuse de t'écouter ?


Un sourcil arqué, je le fusille du regard en pointant pour la deuxième fois le grand couteau de cuisine dans sa direction.


– Je ne suis pas certaine d'avoir encore envie de gaspiller mon temps, mon énergie et mon amour-propre avec toi.

– Et moi je ne suis pas certain d'en avoir fini avec toi, me promet-il.


Ses yeux pétillent pendant que je le fusille une énième fois.

Don't Look Down IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant