TYLER
Vendredi 24 juillet — 19 h 37
Il avait plu toute la semaine, sans interruption. Les orages s'étaient calmés, mais le ciel restait sombre, et les trombes d'eau continuaient de s'abattre sans répit. Dehors, le monde avait pris des airs apocalyptiques un peu trop familiers, et quand il ne pleuvait pas, le vent remuait tout ce qui lui tombait sous la main avec acharnement. Parfois, il s'alliait avec la pluie, et il n'était pas rare de voir des tuiles voler ou des feux de signalisation tirer leur révérence dans une courbure originale.
Il s'était laissé aller toute la semaine à se morfondre avec le ciel, refusant de quitter le confort du lit ou du canapé pendant de trop longues périodes. Mais il avait la bonne excuse du mauvais temps pour couvrir les mensonges qu'il se proférait à lui-même quant à la vraie raison de sa procrastination éternelle.
Quand sa conscience l'avait rattrapée, après qu'il avait voulu se prouver à lui-même qu'il pouvait se reprendre en main et enfin profiter de son été, il avait réalisé qu'il n'avait pas l'énergie nécessaire et s'était laissé sombrer avec l'humeur du ciel. À vrai dire il ne savait pas trop. Comment était-il supposé faire une différence quand tout ne semblait que grisaille ? Pas le moindre rayon de soleil ne venait réchauffer son cœur endolori et en fin de compte, c'était juste plus facile de ne pas même essayer. Mais il aurait pu, c'était certain. Il aurait pu sortir l'un de ses plans béton, le polir jusqu'à ce qu'il brille, comme il savait si bien le faire. Du moins jusqu'à ce que le béton craque et se fende et se révèle aussi creux qu'une vieille coquille abandonnée. N'était-ce pas un peu ce qu'il était: une vieille coquille abandonnée ? Ah, ce qu'il aurait aimé pouvoir échapper à ses pensées...
Mais elle continuaient de se précipiter sur lui, comme la pluie infernale qui s'abattait en gouttes incessantes derrière sa fenêtre. Pour un été...
Un été morne et vide d'espoir. Un été de solitude et de larmes qui n'étaient même pas les siennes. Lui n'avait pas envie de pleurer. Il était juste profondément agacé par la tournure qu'avaient pris les choses.
Alors quand le vendredi n'avait pas échappé non plus à la pluie, il en avait eu marre. Il était d'accord pour dire qu'il n'aspirait plus à grand-chose ces derniers jours, mais de là à laisser son comportement être dicté par une météo capricieuse...
Il avait hésité à sortir trop longtemps, mais ce n'était plus possible pour lui de rester dans cette situation. Après tout, ça ne correspondait pas à son mode de vie, pas vrai ? Non... Décidément pas. Lui, il avait une vie mouvementée, était constamment occupé. Il était plein de confiance en lui, et surtout pas le genre à glander dans son coin un vendredi soir de juillet, aussi pluvieux soit-il.
Ça lui avait pris environ dix secondes pour plonger de son état de larve sans désir ni ambition à celui du type extraverti dont la seule envie est de fondre tout droit sur une foule animée. Pour reprendre en main son corps endormi, en revanche, ç'avait été un peu plus long. C'est seulement vers les vingt heures qu'il avait quitté le confort du sec pour se retrouver comme un imbécile bien trop peu préparé à se faire pleuvoir dessus. Il avait marché rapidement, essayant de passer entre les gouttes, comme un enfant qui joue à marcher au centre des carrelages. Il avait échoué, bien sûr, et après s'être fait dépassé par une voiture un peu trop pressée, il s'était mis à redouter qu'une flaque mal placée ne noie définitivement ses chaussures en l'éclaboussant. Il était arrivé indemne en centre ville, avec pour seul dommage des cheveux trempés qui commençaient à boucler sur son front. Il avait souri à son reflet en poussant au hasard la porte d'un bar animé.
En s'avançant à l'intérieur, Tyler avait été surpris par le monde. À croire qu'il était le seul à avoir senti son existence sociale menacée par la pluie incessante, ou que tout le monde avait décidé d'y échapper de la même manière.
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Les Kaléidoscopes
Teen FictionTrévor a 17 ans. Il déteste la moutarde, les maths et la marque champion. Théo fait du vélo. On le croise parfois près de la gare ou agitant les bras près d'une intersection pour préciser qu'il va tourner. Tyler n'a pas une minute à lui. Artiste mys...