Les Kaléidoscopes

Chapitre 9 - TIMOTHE (Part. 2)

TIMOTHE

La voiture filait sur la route.

— Alors, qu'est-ce que vous allez faire à la plage ?

C'était le genre de phrase que devait demander toute personne qui prend en stop deux inconnus avec une pancarte sur laquelle serait marqué « Bilbao »: « Alors, qu'est-ce que vous allez faire à Bilbao ? ». Mais quand la destination n'est pas ouf, la question apporte une réponse qui l'est beaucoup moins, elle aussi.

Pourtant, à la grande surprise de David, ce n'était pas aussi anodin qu'il aurait pu l'espérer.

— On va nager avec les requins, avait répondu Timothé.

— Comment ça ?

Il ne semblait pas aussi ravi que Timothé l'avait espéré.

— Il y a des requins à Boulogne ? avait demandé la conductrice.

— Bien sûr ! T'inquiètes David tu vas adorer ça.

— Ah non, c'est mort. Je veux bien te regarder mais je vois pas pourquoi je devrais le faire aussi, j'ai pas de liste, moi.

Timothé avait lancé un regard en biais à David, qui s'était tu.

— Tu feras que regarder, pas de soucis.

— C'est pas plutôt des dauphins, pour nager ? avait demandé la conductrice.

— Quoi ?

— Des dauphins ! Parce que les requins c'est pas très gentil.

— Oh les dauphins non plus. Il y a des sales histoires d'attaque de dauphins, vous savez ?

— Vraiment ?

La femme avait écouté attentivement les anecdotes de Timothé, tandis que David regardait le feu repasser au vert. Quelques minutes après, la voiture avait ralenti pour s'arrêter sur le côté.

— Voilà, nagez bien !

— Merci beaucoup !

Timothé avait regardé la voiture repartir à coup de grands signes de main, sourire aux lèvres.

— Nous y voilà !

Il avait entraîné David le long du quai, sortant la feuille de sa poche pour cocher la « mission auto-stop ».

— Nager avec des requins ? C'est pas un truc qui se réserve, ça aussi ?

— Nager, c'est un bien grand mot. On va marcher avec des requins. Mais eux ils nagent, tu vois. Ils savent pas marcher.

David avait juste eu le temps de froncer les sourcils avant que Timothé ne reprenne, continuant d'avancer d'un pas énergique.

— Tu te rends compte que j'ai passé ma vie à Boulogne, et que j'ai jamais eu l'occasion d'aller à Nausica ?

Il avait pointé le gros bâtiment de l'autre côté de la route. David avait relâché ses épaules tendues. C'était tout de suite moins dangereux. Nausica, c'était faisable.

— Tu veux aller à Nausica ? Marcher avec les requins ?

Timothé avait acquiescé.

— Mais le petit détail, c'est que je veux y entrer gratuitement !

— Oh.

Le voilà, le plan foireux auquel David s'était attendu depuis le début.

— Ben là va falloir sortir la carte du patient en phase terminale, hein. Je suis désolé mais t'as pas une genre de carte VIP, ou un truc comme ça ?