Chapitre 12 - TRISTAN (part. 3)

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TRISTAN

DEUX MOIS PLUS TARD...

Samedi 29 août — 07 h 46

Il avait passé la nuit à se réveiller et à regarder les heures défiler sur son réveil ; à se rendormir puis à rêver de vélo, de saxophone, de requins. Tout se mélangeait dans sa tête, et il avait du mal à rester calme. Alors quand il avait vu sept heures sur son réveil, il s'était dit que c'était assez. Il s'était levé et avait entrepris de faire les cents pas dans sa chambre, à la recherche d'une solution qui pourrait lui éviter d'avoir à faire face. Mais n'était-ce pas déjà ce qu'il avait cherché à faire en s'enfonçant toujours plus dans ses mensonges ? En avait-il pas fait déjà bien assez pour fuir toujours plus et ne pas assumer ? Maintenant, s'il voulait rompre la boucle, il devait changer de tactique. Et la seule qu'il n'avait pas essayé, jusqu'ici, c'était de faire face directement au problème, de s'y confronter. De le regarder droit dans les yeux et d'admettre à quel point il avait été con.

Ou alors, il aurait pu tout simplement arrêter, se décider à changer sans nécessairement se confronter aux autres, ni à Sasha, ni à Audric, ni à Émilio. Mais à la pensée du guitariste, le cœur de Tristan s'était resserré. S'il y avait bien une chose qui avait échappé à son contrôle plus que tout le reste, c'était Émilio. Émilio pour qui il avait développé des sentiments à une vitesse alarmante, alors qu'il n'avait vraiment pas voulu de ça. Émilio, avec sa fossette quand il souriait. Émilio, qu'il avait lâchement repoussé pour ne pas avoir à continuer à lui mentir.

Il s'en voulait, il avait envie de tout reprendre depuis le début, à commencer par son nom. Mais il n'aurait sans doute pas prêté attention à lui s'il n'avait pas été Tyler, un artiste doué sur le point d'entrer dans une grande école d'art. Puis il réfléchissait, repensait aux conversations qu'ils avaient eu, et dont aucune n'avait spécialement tourné autour de l'art. Hormis son nom et son prétendu talent, c'était en sa compagnie qu'il avait été le plus lui-même de tout l'été. Qu'est-ce que Tyler avait de plus que Tristan ? Pas cette pseudo confiance en lui, c'était certain. Non, ils n'étaient pas si différents. À part pour cette histoire de book de dessin.

S'il n'y avait eu que ça... S'il n'y avait eu qu'une compétence imaginaire... Mais un prénom ? Un Tyler au lieu d'un Tristan, c'était plus difficile à expliquer.

À moins que...

Et s'il faisait partie d'un programme de protection de témoin ? Ça expliquerait la fausse identité... Et alors il pourrait demander à Émilio de garder le secret, lui expliquer à quel point il était désolé de lui avoir menti, qu'il n'avait pas le choix... Oui, ça pouvait marcher et le sortir de cette galère, ça valait le coup d'y réfléchir plus en détail... Il pouvait dès maintenant se créer une identité un peu plus concrète. Un ultime mensonge pour se débarrasser du précédent.

Mais... Bon sang, n'avait-il rien appris ? Il était encore tenté de prendre ce genre de décision après avoir tout fait foiré.

Une chose était sûre, il fallait qu'il lui parle. Il ne cessait de repenser à ce qu'Audric lui avait dit: qu'avait-il à perdre, s'il avait déjà tout fait foirer ? S'il restait une infime chance que ça s'arrange, autant la saisir. Au moins, pas de regrets. Du moins autres que ceux d'avoir été un parfait crétin dès le départ. Il espérait qu'Émilio serait compréhensif. Mais ce n'était pas ça qui lui faisait le plus peur. C'était de savoir ce qu'il penserait de Tristan. De savoir si en étant quelqu'un d'autre que Tyler, il serait à la hauteur.

Il avait pris sa décision vers huit heures et demi, et avait saisi son téléphone pour envoyer un « Hey » à Émilio. Il espérait que ce dernier n'avait pas bloqué son numéro.

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