Les Kaléidoscopes

Chapitre 7 - THOMAS (Part. 2)

THOMAS

Vendredi 14 août — 17 h 35

— Pas ouf.

— Tu rigoles ? C'est le meilleur parfum ! Et le meilleur glacier de la ville.

— Mouais... J'aime pas les glaces.

— Ben fallait le dire avant, aussi !

Thomas n'y avait pas pensé.

Il avait accepté de revoir Chloé une dernière fois avant que les vacances ne touchent définitivement à leur fin. Avant de se quitter le lundi précédent, ils s'étaient rapidement échangé leurs numéros afin de ne plus avoir besoin d'utiliser Yinver. Hannah et Mélissa n'avaient pas été prévenues de la sortie, et d'après ce que Thomas avait compris, elles s'étaient embrouillées avec Chloé à cause de leur fugue de la dernière fois. Thomas s'était vaguement senti coupable: c'était son idée, de s'enfuir de la sorte, mais son sentiment avait vite été balayé. Ce n'était sans doute pas une grosse perte, pour Chloé. D'ailleurs, cette dernière n'avait pas l'air de s'inquiéter outre mesure. Elle avait assuré à Thomas que ça s'arrangerait très rapidement d'ici la fin des vacances. Entre temps, elle aurait la paix.

Il avait hésité avant de proposer une dernière sortie à Chloé. Sans Mélissa et Hannah, la jeune fille était beaucoup plus énergique et d'une compagnie plutôt agréable. Il avait été surpris par son attitude lorsqu'elle l'avait entraîné derrière les poubelles. Elle était sympa, et il s'était dit que c'était sûrement à son tour de proposer une sortie.

« Tu fais quoi vendredi ? » avait-il écrit.

« Rien pour l'instant. »

« Tu veux qu'on se rejoigne à Montélimar ? Je pars samedi. »

« On peut aller manger une glace. Seize heures ? »

« Ça marche. »

Il n'avait rien fait de plus, entre deux. Rien d'autre que s'ennuyer et regarder des séries sur NetVideo. Il avait tout de même suivi sa mère lors d'une de ses balades en forêt. Il avait marché au milieu des arbres, les branches craquant sous ses pieds, sa mère s'exclamant tous les vingt mètres à quel point elle trouvait cette ambiance apaisante ; lui servant de festin aux moustiques du coin qui s'étaient régalés de sa peau pâle de touriste. Thomas n'aimait pas les moustiques. Il n'avait pas non plus aimé les autres insectes qui l'avaient pourchassé tout au long de la « balade ». Et quand il avait affirmé à sa mère que sa promenade avait tout d'un safari exotique, elle s'était moquée de lui. Entre l'ennui et les safaris, Thomas avait compris qu'il préférait l'ennui. La seule alternative qui lui restait, c'était donc Chloé, dont la compagnie était bien moins désagréable quand elle n'était pas suivie de ses copines diaboliques.

Ils s'étaient retrouvés devant le glacier, et Chloé lui avait conseillé les meilleurs parfums, ceux qu'elle prenait chaque fois qu'elle venait ici. Thomas avait tendance à oublier qu'elle vivait ici tout le temps. L'ennui, elle devait y être habituée.

— Au fait, j'ai vu que tu avais supprimé ton compte Yinver.

Le choix avait été vite fait, pour Thomas. La seule raison qu'il avait eu de créer son compte était de trouver une occupation, une rencontre pour rythmer des vacances mornes. Résultat: il n'avait pas échappé à la balade en forêt, et s'était emmerdé beaucoup plus qu'il n'était permis en cette saison, mais il avait trouvé en la compagnie de Chloé de quoi adoucir deux après-midi. Il s'était fait chier juste un peu moins grâce à elle, et c'était toujours ça de pris. Maintenant que les vacances touchaient à sa fin, il ne voyait pas de raison de conserver Yinver sur son téléphone. Il y aurait sans doute beaucoup plus de profils lorsqu'il serait de retour à Boulogne, et il ne se sentait pas d'humeur. Il avait besoin d'amis pour affronter ses problèmes, pas de nouvelles rencontres qui finiraient sur une déception. Au début de l'été, il était prêt à se changer les idées, à remplacer son ex après sa rupture catastrophique. Mais il ne s'était pas attendu à ce qu'une certaine rencontre imprévue se mette à avoir encore plus d'importance à ses yeux. Il n'avait pas prévu de... Fallait-il le dire ? L'expression lui paraissait idiote. L'était-elle vraiment ?