TIMOTHE
Vendredi 28 août — 09 h 01
Il avait attendu la semaine entière avant de se décider. Il y avait bien sûr les derniers événements qui pesaient dans la balance, et il continuait d'être conscient qu'il avait largement dépassé ses propres limites, qu'il tirait un peu trop sur la corde, mais quand il y pensait... Ne pouvait-il pas s'accorder cela ? Il était d'accord pour abandonner la partie et cesser de se battre contre lui-même, mais il pouvait sans doute le faire juste après. Car une fois de plus, rien qu'une dernière fois, que cela changerait-il vraiment ? Rien, sans doute. Alors il avait recommencé.
Il n'avait pas vraiment eu le choix. Dès qu'il s'était enfermé dans sa chambre pour réfléchir aux conséquences qu'impliquait une décision qu'il ne semblait pas tenir, il s'était ennuyé. Et coincé dans sa tour de pierre, tel une princesse prisonnière, la fenêtre était sa seule distraction. En bas, toujours le même refrain.
La circulation dans la rue n'avait rien de particulièrement intéressant. Le paysage n'était pas plus divertissant. Et cette boucle monotone de l'absence d'action se répétait inlassablement tout l'été. Toute l'année, en fait.
À défaut d'avoir quoi que ce soit de plus intéressant à faire, il s'était mis à observer les gens du quartier et avait noté les régularités. Il avait vite compris que, contrairement à ce qu'on pouvait voir dans les films, le monde n'était pas réglé comme une horloge. Ou était-ce lui qui n'observait jamais vraiment le même endroit à la même heure ? Il n'aurait su le dire. Son ennui – bien qu'il lui soit maintenant familier –, ne l'avait pas pour autant rendu plus attentif.
Pourtant, il avait tout de même réussi à noter la présence répétitive de ce type à l'arrêt de bus, et c'était d'ailleurs ce qui l'avait encouragé à poursuivre ses observations. Observations qui – bien qu'inutiles – avaient le mérite de l'aider à passer le temps. Après tout, il était toujours coincé dans sa tour de pierre. Difficile d'en sortir dans l'état actuel des choses.
Quoi qu'il en soit, il avait observé.
Le jeune homme, qui semblait avoir à peu près le même âge que lui, arrivait vers neuf heures – il ne devrait d'ailleurs plus tarder –, et s'asseyait sous l'auvent de l'abri-bus. Il consultait son téléphone et l'expression de son visage évoluait. Parfois il riait, et lorsque ça arrivait, il relevait la tête pour regarder autour de lui, comme s'il s'inquiétait de savoir si quelqu'un pouvait le voir se marrer tout seul. Il ne regardait jamais assez haut, jamais vers la fenêtre où deux yeux étaient toujours rivés sur lui. Timothé se demandait ce que ce type regardait, sur ce téléphone.
Parfois, il s'imaginait aller le voir. Il descendrait jusque dans la rue et s'avancerait jusque l'abri-bus, puis profiterait de son rire pour lui demander quelle en était la raison.
Sa conscience lui rappelait ensuite que c'était idiot. Il n'était bon qu'à faire de bonnes résolutions et ne pas les suivre. Mais il se consolait en se disant que c'était comme ça qu'était la nature humaine, et alors il se confortait dans sa décision: rien qu'une dernière fois.
Il avait dû l'observer plusieurs jours durant, pour constater qu'il montait toujours dans la ligne 74, à 09 h 12. Jamais il ne l'avait vu arriver en retard, ou courir après son bus. Il arrivait toujours avant, s'asseyait sur son banc, et attendait. C'était comme un rituel. Il attendait son bus, et lui le regardait. De cette manière, ils étaient un peu liés. Son inconnu n'avait pas de prénom, mais ça lui était égal. C'était cette aura de mystère qui planait autour de lui qui l'intriguait. Non pas qu'il ait un air particulièrement mystérieux. Mais Timothé était prêt à donner du mystère à tout ce qui pourrait le distraire.
VOUS LISEZ
Les Kaléidoscopes
Ficção AdolescenteTrévor a 17 ans. Il déteste la moutarde, les maths et la marque champion. Théo fait du vélo. On le croise parfois près de la gare ou agitant les bras près d'une intersection pour préciser qu'il va tourner. Tyler n'a pas une minute à lui. Artiste mys...