Chapitre 12 - TRISTAN (part. 4)

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TRISTAN

Ils avaient rejoint Jade qui attendait déjà en haut de la mezzanine. Tristan ne l'avait même pas vue passer pendant sa discussion avec Émilio.

— Salut Tyler.

Elle avait lancé ça avec un petit sourire appuyé. Qu'avait-elle vu, au juste ? En tout cas, elle n'avait pas entendu grand-chose, si elle l'appelait Tyler. Il avait regardé la réaction d'Émilio, qui s'était contenté de hausser les épaules et de sortir sa guitare de sa housse. La partie difficile était-elle vraiment passée ? Les pensées de Tristan étaient confuses et s'emmêlaient, s'entortillant comme des vers qui refusaient de tenir en place. Il s'était assis dans le canapé sans rien répondre d'autre qu'un vague signe de tête, et avait essayé de se faire oublier, ce qui semblait difficile dans la mesure où Émilio n'arrêtait pas de se retourner vers lui, comme pour s'assurer qu'il était toujours là.

Pourtant, si Tristan s'était rarement senti aussi mal à l'aise, il n'avait l'intention d'aller nulle part ailleurs. Jade avait fini par descendre de la mezzanine alors que le manque de conversation entre eux devenait gênant, et Émilio avait enfin lâché sa guitare. Il s'était assis à l'autre bout du canapé et avait observé un Tristan perdu dans la contemplation de ses chaussettes.

— T'es plus bavard, normalement.

Normalement. Parlaient-ils de l'un et de l'autre comme s'ils se connaissaient depuis assez longtemps ? À coup de « normalement » et de « d'habitude » ? Mais que savaient-ils vraiment, quand il avait fallu un mois entier à Tristan pour admettre qu'il ne s'appelait pas Tyler ?

— Je suis pas très doué pour ça...

— Tyler était plus à l'aise.

— Tyler.

— Ouais...

Émilio avait détourné le regard un bref instant avant d'ancrer à nouveau ses yeux dans ceux de Tristan, qui ne le lâchait plus. Il jouait avec l'ourlet de son pull.

— Tu sais... ça veut pas dire que je ne t'en veux pas. C'est juste que... j'avais envie de t'embrasser.

— Rien ne t'empêche de recommencer.

Émilio avait souri, mais il était resté à bonne distance sur le canapé.

— Tu penses que tu pourrais envisager de... euh... d'oublier cette histoire de Tyler ? Et peut-être d'inviter Tristan à un de tes concerts ?

— Si tu promets de ne plus jamais parler de toi à la troisième personne, j'y réfléchirais.

Tristan avait souri et son cœur avait raté un autre battement. Il fallait qu'il prenne garde à ne pas tomber trop rapidement sous le charme d'Émilio, tout de même. Du moins s'il n'était pas déjà trop tard pour ça...

Jade avait fini par remonter, et le karaoké avait commencé. Tristan était resté assis là sur le canapé de la mezzanine, comme la première fois qu'il avait mis les pieds ici par mégarde, observant Émilio, qui parfois l'observait aussi, sans rien dire. C'était comme s'ils avaient remonté le temps pour se retrouver au point de départ. La seule différence, c'était qu'il n'était plus Tyler, mais Tristan. Une différence majeure, qui lui permettait de se sentir enfin à l'aise. Être lui-même, c'était un truc qu'il n'avait pas pu faire depuis un moment déjà. Peut-être maintenant avait-il une chance de changer les choses ? De laisser de côté son été bancal et d'affronter pour de bon ses problèmes.

Assis là sur le canapé de la mezzanine, regardant Émilio à travers les lueurs orangées des guirlandes lumineuses, il souriait plus franchement qu'il ne l'avait fait depuis des mois.

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