Chapitre 1 - TREVOR (part. 1)

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TREVOR

Lundi 13 juillet — 08 h 09

À son réveil, il ne s'était pas senti mieux. Les vibrations négatives continuaient de remplir l'espace vide dans son corps, d'affluer dans ses pensées creuses et il ne sentait pas grand chose de plus que le néant. Il avait ouvert les yeux quand même, résolu au fait qu'il ne pourrait pas prétendre dormir éternellement.

Oh, il aurait bien aimé. Rester là, dans le confort du lit. Ne rien attendre, blotti dans ses draps soyeux. Mais après avoir constaté qu'il aurait pu, qu'il aurait eu la capacité de prendre cette décision sans trop de conséquences, ça en avait perdu toute sa saveur. Désormais, il réfléchissait au fait que c'était sans doute plus attirant de braver les interdits. Ça, il devait admettre qu'il le savait mieux que quiconque. Ou du moins il l'avait su, jusqu'à ce que tout s'effondre quelques jours plus tôt.

Et s'il s'était dit que le lundi, signant le début d'une nouvelle semaine, signerait peut-être aussi le début d'un nouveau quelque chose, il devait bien se rendre à l'évidence: c'était en fait toujours pareil. Désormais, ses yeux faisaient des aller-retours entre les images nostalgiques d'une vie un peu plus remplie, et celle d'un maintenant pas très sexy. Et après, quoi ?

Allongé dans la pénombre, cette question lui semblait fade. Il essayait de ne pas perpétuellement revenir en arrière en laissant ses souvenirs tourner en tâche de fond dans son esprit, mais c'était plus fort que lui. Les images revenaient en boucle, appuyées par les sons et les sentiments éprouvés alors. C'était comme s'il était forcé de rester dans une salle de cinéma à regarder sur grand écran ses propres pensées défiler. C'était comme un essaim bourdonnant qui prenait du volume et lui donnait une migraine. Un essaim qu'un lundi n'avait pas réussi à crever.

Mais il ne voulait plus ressasser. Il voulait enfermer tout ça dans une petite boîte, la poser sur la plus haute étagère d'un placard, et le fermer à double tour juste après y avoir mis le feu. Et surtout, trouver de quoi occuper son esprit avant d'y voir danser des flammes pour de bon. Oui, c'était important.

Pourtant il ne s'était levé que bien plus tard, après avoir regardé trop longtemps son plafond, et avait commencé à arpenter sa chambre, comme si quelques aller-retours bien sentis allaient le faire soudain s'écrier un « Eureka ! » euphorique, le cri de quelqu'un qui vient d'avoir un éclaircissement digne d'un génie. Un génie, il n'en était pas un, c'était certain. Sinon, il ne se serait probablement pas retrouvé dans cette situation. Mais il aimait à croire qu'il pouvait au moins trouver une idée au milieu des cents pas qu'il réalisait. Une idée pour quoi ? Pour rendre un été pourri un peu moins morne, déjà. Pour y survivre, d'une manière plus générale. Mais l'espace vide dans son esprit était resté inconsistant, sa voix bloquée dans sa gorge, et sur son regard, de lourdes paupières étaient retombées lorsqu'il avait décidé de se recoucher, impuissant.

Plus tard dans l'après-midi, quand il avait ouvert les yeux à nouveau, il s'était senti encore plus mal. La sensation d'avoir trop dormi le ramollissait et s'ajoutait à l'impression de vide qu'il continuait de ressentir. Il se sentait cotonneux, mais avait quand même quitté son lit avec rancune, soudain décidé à ne plus jamais y retourner.

Il avait voulu y passer le reste de son existence, et c'était comme ça qu'il se sentait après avoir accepté de s'y abandonner ? Maintenant, il le détestait, et il avait à peine l'impression d'être excessif dans ses réactions. De toute façon, qu'est-ce que ça aurait bien pu changer à quoi que ce soit ? Qu'était-il censé se passer, maintenant ? Qu'y avait-il, après l'ennui ?

Ce n'était pas que Trévor avait choisi de n'avoir rien à faire. Non. L'été aurait dû être plus engageant. Il aurait dû être rempli de sorties avec ses amis, de soirées aux lendemains flous, de maux de tête aux raisons valables. Il aurait dû être débordant d'énergie, de péripéties en tous genres, de souvenirs à graver. Il aurait dû être un adieu à un pan de sa vie, un bonjour à ce qui suivrait. Une transition entre la vie d'ado et la vie de... quoi, au juste ? Adulte ? Non, c'était trop tôt. Tout comme c'était trop tôt pour renoncer à l'été qui aurait dû lui revenir de droit. Il avait attendu toute l'année que cet été là vienne briser la routine du rythme scolaire, avait même pensé qu'il serait la source d'aventures grandioses, de l'ordre de celles qui changent une vie ou qui remettent en question toutes les aspirations incertaines qu'il pouvait avoir. Mais là, il voyait bien que rien de tout ça ne se profilait. Pire encore, il était seul dans son ennui, et le film dans sa tête continuait de tourner.

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