Docteur

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Flashback
8 ans plus tôt
J'étais avec mon père. Cette fois-ci, il semblait vouloir s'acharner sur mes côtes. Il y a quelques mois, il m'en a cassées 2. Le "prétexte" qu'il avait utilisé pour me frapper aujourd'hui était un 83% en mathématiques. C'est acceptable comme note, mais mon père ne voyait que les occasions bonnes pour me massacrer ou presque. Je ne veux plus me débattre et il le sent dans ma posture. Il me frappe encore plus fort juste pour le plaisir. Je le mérite, je le sais. Ce n'est pas lui qui a un problème, c'est moi qui suis misérable.

Ma tête heurta mon bureau sous la force de ses coups. Ça ne faisait pas du bien, je peux vous le garantir. Ma tête se fendit sous le choc, le sang imbibant mes cheveux autrefois magnifiques. Son genoux vint frapper ma joue à une vitesse hallucinante. Je ne pus empêcher un cri de douleur bestial de me transpercer. Mon géniteur me gifla. Ma tête tourna sur le côté sous la force du choc et ma tempe heurta une seconde fois mon bureau. J'en porte encore les cicatrices.
Fin du flashback

J'ouvre doucement les yeux, en sueur, ayant dormi moins de 6 heures cette nuit. Les bruits de la fête du départ d'une certaine Gabrielle ont persisté jusqu'à tard dans la nuit, m'empêchant de savourer ce repos si rare. Je me lève et vais dans ma salle de bain personnelle. Je me frotte le visage et lève les yeux vers un des mes nombreux ennemis, le miroir. Mes joues sont creusés par la malnutrition, mes pommettes aussi saillantes que des lames, mes yeux d'un beau ambré sont ternis par les années et creusés par les cernes accumulés par le manque de sommeil quotidien, mes cheveux bruns réunis dans un lâche chignon sont secs. Je ne suis qu'une loque humaine et j'en ai honte. Le pire sera lorsqu'Il arrivera. Lorsqu'Il verra ce que je suis, et qu'Il m'abandonnera, comme tous les autres. Qu'Il me détruira pour conserver son monde parfait, comme ils ont tous fait. Je me refuse d'espérer, car Il ne fera que me blesser. Il ne voudra que broyer ma vie, comme tout le monde. Pourquoi espérer quand tu es certaine du résultat final ? Il me trouvera dégoûtante, s'arrangera pour se débarrasser de moi, quitte à me tuer. Ce serait agréable. Cette chose qu'on appelle la vie ne m'a jamais sourît. J'ai dû me débrouiller seule pour ne pas finir folle. Quoique, je le suis peut-être. Qu'est-ce que la folie au fond ? Avoir compris que la vie n'existe que pour nous préparer à ce qui viendra ensuite ?

Je passe ensuite sous la douche. Le shampoing supposé être hydratant ne fait strictement rien à ma chevelure qui aurait grand besoin de soin, tout comme le reste de mon corps. Justement, j'ai aujourd'hui une rencontre avec la docteur qui se charge de nous. Il n'y a que des femmes ici, je suppose que les loups sont jaloux et qu'ils ont peur qu'on tombe amoureuse d'un autre garçon. Les loups sont possessifs aussi, selon les femmes qui nous enseignent. Je ne pourrais ainsi pas sourire trop fortement à un garçon de la meute car mon futur compagnon pourrait le blesser ou le tuer par jalousie ou simplement pour s'assurer de l'exclusivité de mon amour. Enfin, s'il veut de moi au départ.

Une fois chez la docteur, elle me demande de retirer mon sweater pour pouvoir m'examiner. Je le fais et baisse immédiatement les yeux, honteuse de cette chose qui me sert d'enveloppe corporelle. Je reste en camisole légère et en pantalon semi-moulant. J'aurais dû mettre un chandail à manche longues ce matin, cela m'aurait évité qu'on voit mes cicatrices sur mes poignets. Elle me fit signe de monter sur le pèse-personne pendant qu'elle remplissait certains documents. Lorsqu'elle vit le chiffre sur l'écran, elle en resta bouche-bée et échappa ses documents. Je baissai la tête, et compris pourquoi. 36 kilos pour 1 mètre 70, ce n'est pas normal, et encore moins santé. J'espère qu'Antoine ne m'enverra pas encore une autre lettre. Elles me transpercent au plus profond de moi-même sans que je ne sache pourquoi. Au mieux, l'information ne quittera pas l'école. Mais ça, c'est rêver comme une fillette. Mme Sissi sautera sur l'occasion de me dépeindre comme une anorexique, alors que c'est simplement que je n'ai aucun plaisir à manger, donc je ne le fais que rarement. Personne ne fait vraiment attention à moi, alors ça passe inaperçu.

L'examen se poursuit comme si de rien n'était, bien que je sente que mon poids la perturbait. Elle me mesura, je vis que j'avais cessé de grandir. Mon mètre 70 me suffisait. Je dépassais largement la plupart des filles de l'école. Lorsque ce fut terminé, elle me tendit un papier. Je la regardais, perplexe. C'est la première fois qu'elle me donne une telle chose. Saisissant mon regard étonné, elle me dit :
-C'est ce que tu devras manger à chaque jour. Tu dois prendre un peu de poids.
Je levais les yeux au ciel. Comme si j'allais le manger de toute façon !

Je fis comme si de rien n'était et partis. Comme à chaque fois, je ne fais rien de ses recommandations et rentre directement dans ma chambre, snobant l'heure du repas. Pourquoi me présenter là-bas, sous le silence étouffant, les regards méprisants des filles et les yeux désapprobateurs de mme Sissi ? Je sais que je les mérite, mais ce n'est pas comme si c'était agréable. Pourquoi est-ce toujours les autres qui sont heureux ?

Fighting for happinessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant